Les défis du XXIe siècle vont porter aussi bien sur les ressources d'énergies renouvelables que celles en eau potable. Les nanotechnologies offrent des espoirs pour les relever. Des membranes en graphène permettant de dessaler l'eau de mer par osmose inverse sont passées des simulations informatiques à la réalité des labos des chercheurs du MIT.

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    Dans son livre Abundance: The Future Is Better Than You Think, Peter Diamandis soutient la thèse que des bonds technologiques issus d'un progrès exponentiellement rapide sont en train de changer la face du monde et qu'ils permettront bientôt de relever les défis environnementaux du XXIe siècle. D'aucuns aimeraient bien qu'il ait raison, mais nul ne peut encore vraiment dire s'il en sera bien ainsi. L'un des problèmes les plus cruciaux concerne l'accessibilité à de l'eau potable pour une population grandissante alors que les ressources diminuent. Dessaler l'eau de mer est une possibilité, mais il faudrait disposer d'une technologie efficace et peu gourmande en énergie, donc peu coûteuse.

    Voilà presque deux ans, des chercheurs du MIT ont conduit des simulations sur ordinateurordinateur laissant entendre que des filtres à basse de graphènegraphène pourraient peut-être relever ce défi. Aujourd'hui, comme ils l'expliquent dans un article publié dans Nano Letters, ils sont en train de passer de la théorie à la pratique.

    Désalinisation de l’eau de mer par osmose inverse

    Les membranes contenant des pores suffisamment larges pour laisser passer des molécules d'eau mais aussi suffisamment petits pour bloquer les ions ou d'autres substances indésirables existaient déjà. Le problème était qu'elles restaient malgré tout peu perméables, et ne permettaient donc pas de traiter facilement et rapidement de grandes quantités d'eau par osmose inverse. En essayant d'augmenter leur perméabilité en diminuant l'épaisseur de ces membranes, celles-ci devenaient alors plus fragiles et moins efficaces pour la filtrationfiltration.

    Les chercheurs du MIT ont utilisé un processus en quatre étapes pour créer des filtres de graphène. Une feuille d'un atome d'épaisseur en graphène est placée sur un support (a). Le graphène est ensuite bombardé par des ions gallium (b). À l'endroit où les ions gallium frappent le graphène, ils créent des défauts dans sa structure (c), et une solution oxydante fait ensuite croître chacun de ces défauts (d). © Sean C. O'Hern <em>et al.</em>, <em>Nano Letters</em>, <em>American Chemical Society</em>

    Les chercheurs du MIT ont utilisé un processus en quatre étapes pour créer des filtres de graphène. Une feuille d'un atome d'épaisseur en graphène est placée sur un support (a). Le graphène est ensuite bombardé par des ions gallium (b). À l'endroit où les ions gallium frappent le graphène, ils créent des défauts dans sa structure (c), et une solution oxydante fait ensuite croître chacun de ces défauts (d). © Sean C. O'Hern et al., Nano Letters, American Chemical Society

    Avec le graphène, du fait de ses exceptionnelles propriétés de résistancerésistance mécanique, tout change, en théorie du moins. Un gain d'un facteur 50 devait pouvoir être obtenu, ce qui est considérable. Mais restait à trouver le moyen de fabriquer des feuillets de graphène possédant des pores de la bonne taille.

    Membranes en graphène avec des pores

    La technique qu'explorent actuellement les chercheurs utilise au départ des faisceaux d'ions gallium. Soumises à ces faisceaux de particules, les liaisons carbone-carbone des feuillets de graphène se brisent localement et il apparaît des défauts dans le réseau hexagonal. Pour agrandir les trous que constituent ses défauts, il suffit d'attaquer chimiquement les feuillets avec une solution oxydante. Plus le bain dans la solution dure longtemps, plus la taille des pores des feuillets de graphène augmente. L'attaque chimique se fait en effet de façon sélective et plutôt homogène au niveau des défauts. Les chimistes sont ainsi parvenus à produire des membranes de graphène avec une densité de 5.000 milliards de pores par centimètre carré. Si une de ces membranes était agrandie au point d'occuper une surface comparable à celle de la ville de Paris, ces pores auraient un millimètre de diamètre et seraient séparés de quatre millimètres.

    Pour le moment, ces travaux sont prometteurs, mais on ne sait pas encore comment passer à une production de massemasse de ces membranes. Si cela s'avère bel et bien possible et à bas prix, cette nanotechnologie permettrait à des centaines de millions de personnes dans le monde de boire de l'eau issue des océans dans quelques décennies. On est par exemple assez inquiet de ce qui pourrait arriver si les glaciersglaciers de l'Himalaya à l'origine des grands fleuves de l'Inde venaient à disparaître pendant le XXIe siècle à cause du réchauffement climatiqueréchauffement climatique.