Avec le LHC, les physiciens traquent des réactions de production de particules exotiques qui sont très improbables. Pour augmenter leurs chances de les découvrir en un temps raisonnable, ils augmentent la luminosité des faisceaux. Récemment, ils ont battu de nouveaux records.

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    Le 23 mai 2017, la collecte de données liées aux collisions de faisceaux de protons a repris dans les détecteurs du LHC. Ces faisceaux avaient déjà fait leur retour dans le Grand collisionneur de hadrons depuis quelque temps déjà mais les chercheurs ne s'en servaient pas encore pour tenter de découvrir de la nouvelle physique, par exemple pour tenter de confirmer l'existence des anomaliesanomalies qui intriguent les physiciensphysiciens et qui pourraient indiquer que les bosons W’ ou Z’ de la théorie des supercordes existent bel et bien.

    Accélérer des protons et s'en servir pour tenter de percer les secrets des arcanes du cosmoscosmos est loin d'être facile. Cela implique de nombreux casse-tête pour les ingénieurs qui veulent répondre aux demandes des physiciens. En effet, pour cela, il est nécessaire d'avoir des faisceaux de particules dont les trajectoires sont très précisément contrôlées, en temps et en position, alors que ces particules se déplacent presque à la vitesse de la lumière. Par ailleurs, ces faisceaux doivent être denses pour que le nombre de collisions soit élevé ; or, les répulsions électrostatiquesélectrostatiques entre les protons tendent à diluer les faisceaux. C'est le problème de la luminositéluminosité des faisceaux de particules qui est ici en cause.

    S'ajoute à cela le problème de la montée en énergie nécessaire pour faire des découvertes. En effet, comme l'a montré EinsteinEinstein, la massemasse est une mesure du contenu en énergie d'une particule. Cela veut dire que, si l'on veut créer dix protons avec une collision de deux protons (ou si l'on veut créer une particule nouvelle dont la masse est celle de dix protons), il faut que les deux protons de départ aient une énergie cinétiqueénergie cinétique suffisamment élevée pour qu'elle puisse être transformée par la collision de ces particules.


    Une chercheuse de l’expérience Atlas propose de mieux appréhender l’interprétation statistique des mesures. Qu’est-ce qu’une « fluctuation statistique » ? Qu’entend-on par 2, 3 ou 5 sigmas ? © CEA recherche

    Augmenter le nombre de collisions par seconde

    Malheureusement, il ne suffit pas d'avoir assez d'énergie pour observer la création de nouvelles particules. Car, du fait notamment des lois de la mécanique quantique, des probabilités de réactions entrent aussi en jeu. Ainsi, certaines réactions sont très peu probables, à tel point que si les physiciens faisaient, par exemple, une collision par seconde entre deux protons, il faudrait attendre un temps excédant de beaucoup la vie humaine pour pourvoir observer la création d'une seule nouvelle particule prédite par de la nouvelle physique. Cette probabilité peut également dépendre de l'énergie atteinte mais le paramètre sur lequel les chercheurs doivent le plus souvent jouer, une fois le seuil d'énergie de création atteint, est celui du nombre de collisions par seconde. Si celui-ci devient, par exemple, de plusieurs milliards de milliards, les chances d'observer quelque chose de nouveau sont augmentées.

    Cette situation peut être comparée au temps de pose nécessaire pour obtenir une photo de bonne qualité : lorsque la luminosité de la source est faible, le temps de pose est long. Inversement, lorsque la luminosité de la source est importante (c'est-à-dire le flux de photonsphotons, donc la luminosité de ce flux), le temps de pose est court. Ce concept a été transposé à la physique des particules ; il est ainsi question de la « luminosité d'un faisceau ».

    C'est d'autant plus approprié qu'il ne faut pas oublier que Louis de Broglie nous a montré, en découvrant théoriquement les ondes de matièrematière, qu'il y avait aussi un aspect ondulatoire associé aux particules de matière, tout comme il y a un aspect corpusculaire associé aux ondes lumineuses. Dans le cas du LHC, les ingénieurs veulent sans cesse augmenter cette luminosité. Un récent communiqué fait état d'un nouveau record.


    Comment découvrir de nouvelles particules ? © Cern, 1989

    Un LHC à haute luminosité à l'horizon 2025

    Il faut savoir que, pour diverses raisons, les faisceaux de particules sont constitués de paquetspaquets appelés des « bunches ». Augmenter la luminosité du LHC, cela veut dire augmenter le nombre de protons dans ces bunches et augmenter le nombre de paquets dans la circonférence du LHC.

    Depuis la semaine dernière, les chercheurs peuvent produire dans le LHC des faisceaux avec 2.556 bunches contenant chacun environ 100 milliards de protons. Ces bunches sont espacés de 7 mètres et, étant donné leur vitesse, il en passe un toutes les 25 nanosecondes en un point du LHC. Deux records sont ainsi battus : celui du nombre de bunches par faisceau et celui du nombre de protons par bunches.

    Le CernCern ne compte pas en rester là. Ses membres planchent sur un successeur du Grand collisionneur de hadrons à haute luminosité, le HL-LHC. Si tout se passe comme prévu, la luminosité du nouveau LHC devrait être multipliée par 10 à l'horizon 2025. En pratique, cela signifie par exemple qu'il produira chaque année 15 millions de bosonsbosons de Brout-Englert-Higgs, contre 1,2 million produits par le LHC entre 2011 et 2012.


    À quand la découverte d'une nouvelle physique ?

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 07/06/2016

    L'année dernière, un nouveau boson avait pointé le bout de son neznez dans les données collectées par le LHC (le Grand collisionneur de hadrons). Alors, existe-t-il réellement ? Le suspense est à son comble et la chasse se poursuit avec des taux de collisions record.

    Avant d'entrer dans le LHC (le Grand collisionneur de hadrons, ou Large Hadron ColliderLarge Hadron Collider, en anglais), les protons destinés à y atteindre des énergies de 13 TeV subissent toute une série de pré-accélérations avec différentes machines.

    L'une d'elle est le Synchrotron à protons (ou PSPS, l'acronyme de Proton Synchrotron, en anglais). Il a été mis en service en 1959, si bien qu'en 2009 on a fêté son cinquantenaire en présence de nombreux prix Nobel, comme Futura-Sciences vous l'avait alors relaté. Il y a un peu plus d'une semaine, il est tombé en panne, ce qui a conduit le Cern à interrompre le second run pendant quelques jours.

    Cela n'aura toutefois pas d'incidenceincidence sur la chasse au nouveau boson. Celui-ci semble en effet pointer le bout de son nez dans les détecteurs Atlas et CMSCMS. Sa masse serait d'environ 750 fois celle d'un proton, donc de 750 GeVGeV, comme disent les physiciens dans leur jargon. Cette chasse est, bien sûr, effectuée en tenant compte des principes qui gouvernent le monde quantique.

    De gauche à droite : Rolf-Dieter Heuer (l'ancien directeur du Cern), Leon Lederman, Lyndon Evans, Jerome Friedman, Burton Richter, Gerardus ‘t Hooft, Sheldon Glashow, Martinus Veltman et David Gross. Ils étaient réunis en décembre 2009 pour fêter les cinquante ans du Synchrotron à protons (PS) du Cern. © Jean-Claude Gadmer,Cern

    De gauche à droite : Rolf-Dieter Heuer (l'ancien directeur du Cern), Leon Lederman, Lyndon Evans, Jerome Friedman, Burton Richter, Gerardus ‘t Hooft, Sheldon Glashow, Martinus Veltman et David Gross. Ils étaient réunis en décembre 2009 pour fêter les cinquante ans du Synchrotron à protons (PS) du Cern. © Jean-Claude Gadmer, Cern

    Des collisions de protons pendant un temps record

    Avant l'incident lié au Synchrotron à protons, les ingénieurs et physiciens en charge du LHC au Cern avaient réussi à produire le plus long temps de collisions avec des faisceaux de protons dans le géant de 27 kilomètres de circonférence, à savoir 35,5 heures. Ce record est très encourageant car il permet d'envisager le futur du LHC avec confiance. En effet, les travaux d'amélioration qui lui ont permis d'atteindre des énergies de 13 TeV et d'augmenter la luminosité des faisceaux ont visiblement porté leurs fruits : la machine semble fonctionner sans réels problèmes.

    La luminosité, c'est-à-dire, en gros, l'équivalent de la quantité de grains de lumière traversant par seconde une surface donnée, mais ici avec des protons, est en train d'atteindre des records. Les faisceaux contiennent maintenant 2.040 « bunches », c'est-à-dire des paquets de particules, et ceux-ci contiennent en moyenne 100 milliards de protons. La fréquencefréquence des collisions (et donc le nombre de collisions par seconde), en devenant de plus en plus élevée, permet d'espérer la découverte rapide des processus de création de nouvelles particules rares. Si cette fréquence n'est pas suffisamment importante, cela pourrait malheureusement nécessiter des décennies de fonctionnement du LHC, voire bien plus.

    Toujours est-il qu'actuellement ce que les chercheurs appellent « la luminosité intégrée », c'est-à-dire la luminosité cumulée sur une période donnée, a dépassé cette année 1 femtobarn inverse en début de semaine, soit un quart de la luminosité enregistrée pendant toute l'année 2015.