Peter Higgs, François Englert et Robert Brout ont tous trois été influencés par les travaux de Yoichiro Nambu lors de leur découverte du fameux mécanisme donnant des masses aux particules. À l'origine avec d'autres de la QCD (Quantum ChromoDynamics ou chromodynamique quantique) et de la théorie des cordes, Nambu vient, hélas, de décéder. Il était lauréat du prix Nobel de Physique de 2008.

au sommaire


    Deux géants du modèle standard de la physique des particules : les prix Nobel Frank Wilczek (à gauche) et Yoichiro Nambu (à droite). Tous deux ont contribué à la théorie des forces nucléaires fortes entre quarks appelée chromodynamique quantique (QCD). © Betsy Devine

    Deux géants du modèle standard de la physique des particules : les prix Nobel Frank Wilczek (à gauche) et Yoichiro Nambu (à droite). Tous deux ont contribué à la théorie des forces nucléaires fortes entre quarks appelée chromodynamique quantique (QCD). © Betsy Devine

    Yoichiro Nambu est décédé d'une crise cardiaquecrise cardiaque le 5 juillet 2015 à Osaka au Japon. Âgé de 94 ans, il était considéré par ses pairs depuis des décennies comme une sorte de maître Yoda de la physique des particules, généralement précurseur de près de 10 ans sur les avancées théoriques de la physique des hautes énergies. L'un des pionniers de la supersymétrie et de la supergravité, l'Italien Bruno Zumino, lui-même décédé l'année dernière, avait dit de lui : « J'avais eu l'idée que si je pouvais saisir ce que Nambu était en train de faire à un moment donné, je serais en avance de 10 ans sur le cours de la recherche. Donc je lui ai parlé pendant longtemps. Mais le temps que je comprenne ce qu'il avait dit, une décennie avait passé ». Le grand Edward Witten, médaille Fields et gourou de la théorie des supercordes, a quant à lui dit de Nambu : « Les gens ne le comprennent pas parce qu'il est tellement clairvoyant ».

    On peut se convaincre facilement du bien-fondé de ces déclarations quand on connaît le parcours de Nambu. Né le 18 janvier 1921 à Tokyo, il se retrouva enrôlé dans l'armée japonaise pendant la seconde guerre mondiale juste après avoir obtenu sa licence en physique en 1942, ce qui l'avait mis en contact avec le futur prix Nobel Hideki Yukawa. Pendant son service militaire, il fut amené à rencontrer une autre future superstar de la physique japonaise qui travaillait alors sur les radars, Sin-Itiro Tomonaga.

    Après la guerre, Tomonaga devint célèbre aux États-Unis pour ses travaux en électrodynamique quantique relativiste qui lui vaudront le prix Nobel de Physique en 1965 avec Richard Feynman et Julian Schwinger. Sur les recommandations de Tomonaga, après avoir passé son doctorat en 1952, toujours à Tokyo, Yoichiro NambuYoichiro Nambu partit à Princeton (États-Unis) pour étudier avec Robert Oppenheimer. Il plongea alors un temps dans la dépression, se sentant nettement moins intelligent et doué que les jeunes chercheurs de l'Institute for Advanced Study. Il trouva tout de même le courage de rencontrer Albert EinsteinEinstein, malgré les obstacles mis en place par Oppenheimer pour assurer la quiétude du père de la relativité qui se plaignait pourtant de ne pas recevoir de visite de ses jeunes collègues.

    Leonard Susskind, ici dans son bureau à Stanford, est l'un des pères de la théorie des cordes avec Nambu. © Stanford University

    Leonard Susskind, ici dans son bureau à Stanford, est l'un des pères de la théorie des cordes avec Nambu. © Stanford University

    De la supraconductivité à la théorie des supercordes

    Nambu s'établit finalement à la fin des années 1950 à l'université de Chicago où ses compétences l'imposèrent rapidement. Vers 1960, ses travaux sur la supraconductivité l'amenèrent ainsi à prendre conscience de l'importance de la notion de symétrie brisée en théorie quantique des champs, ce qui le conduisit à poser les bases ayant mené Peter Higgs, François Englert et Robert Brout au fameux mécanisme portant leur nom et utilisé dans le modèle standard pour donner des massesmasses aux particules élémentairesparticules élémentaires. Quelques années plus tard, en 1965, Nambu anticipa l'essentiel de la théorie de la chromodynamique quantique (la QCDQCD) que Murray Gell-Mann et Harald Fritzsch proposèrent en 1972 en introduisant dans la toute jeune théorie des quarksquarks la notion de charge de couleurcouleur et donc les champs de gluonsgluons.

    En 1970, Nambu comprit, indépendamment de Leonard Susskind, que le fameux modèle dual de Veneziano pour la physique des hadronshadrons et leurs interactions était équivalent à l'existence de cordes vibrantes et en rotation. Pour décrire ces cordes, il introduisit avec un collègue la célèbre action de Nambu-Goto. Celle-ci permit de transposer les outils de Feynman (utilisés pour décrire des particules élémentaires ponctuelles) à des objets quantiques en forme de cordes. En plus d'être un des pères du modèle standard de la physique des particules élémentairesphysique des particules élémentaires, c'est-à-dire le modèle électrofaible et la QCD, Nambu est donc aussi un des pères fondateurs de la théorie des cordesthéorie des cordes.

    En 2008, principalement en récompense pour ses travaux sur les symétries brisées en théorie quantique des champs, Nambu se vit attribuer le prix Nobel de Physique avec ses compatriotes Makoto Kobayashi et Toshihide Maskawa. C'est donc un des plus grands physiciensphysiciens théoriciens du XXe siècle qui vient aujourd'hui de nous quitter.