Que doit faire une voiture autonome en situation de risque de collision avec un groupe de piétons ? Protéger le conducteur et sacrifier les piétons ou, au contraire, les sauver en sacrifiant l’automobiliste. Dans un sondage sur ce choix cornélien mené aux États-Unis, une majorité estime qu’il vaut mieux sauver les piétons. Toutefois, en tant que futurs acheteurs, les personnes interrogées n’ont pas envie d’être sacrifiées...

au sommaire


    Une révolution s'annonce avec l'arrivée des véhicules autonomes prévue dans les prochaines années. Ces voituresvoitures séduisent par leurs nombreux avantages : leur conduite plus calme sera moins énergivore, leur généralisation permettra de fluidifier le trafic et, surtout, ces engins devraient réduire le nombre d'accidentsaccidents. Mais il leur faudra parfois choisir entre deux catastrophes...

    Les voitures sans chauffeur (VSC) pourront être confrontées à des situations cornéliennes, par exemple être amenées à décider, en une fraction de seconde, si elles sauvent la vie de leur passager ou bien celle d'un groupe de piétons. Tout en sachant que la probabilité d'une telle situation est infime, sommes-nous prêts à circuler dans une voiture programmée pour nous tuer quand notre sacrifice peut sauver plus d'une vie ?

    Deux psychologues et un informaticien, respectivement du CNRS et de l'université d'Oregon et du MIT, se sont penchés sur cette question. Ils ont pour cela interrogé près de 2.000 citoyens aux États-Unis à travers six enquêtes (le panel recruté est relativement jeune et éduqué par rapport à l'ensemble de la population américaine, mais ces paramètres ont été pris en compte et ne jouent pas sur la tendance des conclusions de l'étude).

    Dans cet exemple de scénario, la voiture autonome transporte une femme enceinte et un enfant de 6 ans tandis qu’un homme et sa fille traversent le passage piéton. © Iyad Rahwan

    Dans cet exemple de scénario, la voiture autonome transporte une femme enceinte et un enfant de 6 ans tandis qu’un homme et sa fille traversent le passage piéton. © Iyad Rahwan

    L’attitude contradictoire des futurs acheteurs

    Premier résultat surprenant : plus de 75 % des sondés sont moralement convaincus qu'il faut utiliser les VSC qui sacrifient leur passager pour le bien du plus grand nombre. Cette préférence est relativement élevée puisqu'elle se situe en moyenne à 85 sur une échelle de 0 à 100. Elle demeure supérieure à 50/100, même dans des situations extrêmes où le passager est transporté dans la VSC avec ses enfants.

    Allant plus loin, les scientifiques se sont demandés si les intentions d'achat des sondés correspondaient à leurs convictions morales. Eh bien non ! Les personnes interrogées souhaitent que les autres conducteurs achètent un véhicule autonome qui protège le plus grand nombre, mais elles préfèrent acquérir une voiture qui les protège.

    Dans un tel contexte, une réglementation par le gouvernement permettrait de changer la donne. Mais les sondés sont opposés à ce que le gouvernement rende obligatoire pour les VSC de sauver le plus grand nombre. Ils seraient alors nettement moins disposés à acquérir une VSC. Ainsi, imposer aux VSC de prendre la décision de sauver le plus grand nombre pourrait avoir l'effet paradoxal de coûter davantage de vies, en freinant l'adoption par les citoyens d'une technologie plus sûre.

    Pour permettre aux internautes d'explorer différents scénarios, les chercheurs ont créé un portail sur Internet. L'objectif, pour les scientifiques, est d'identifier et d'étudier les situations pour lesquelles les personnes rencontrent le plus de difficultés à prendre une décision.

    Cette étude a été publiée le 24 juin dans la revue Science.