Des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne sont parvenus à maîtriser la formation de canaux conducteurs sur un matériau ferroélectrique. En théorie, cette avancée permet d’envisager la création de circuits électroniques susceptibles de se reconfigurer en temps réel selon les usages ou en cas de dommage.

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    Les circuits électroniques multitâches seraient capables de se reconfigurer en temps réel pour changer de fonction selon les besoins… Nous n’y sommes pas encore, mais les progrès réalisés par l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne nous en rapprochent. © Thinkstock, EPFL

    Les circuits électroniques multitâches seraient capables de se reconfigurer en temps réel pour changer de fonction selon les besoins… Nous n’y sommes pas encore, mais les progrès réalisés par l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne nous en rapprochent. © Thinkstock, EPFL

    Existera-t-il un jour des puces électroniques capables de reconfigurer automatiquement leurs canaux conducteurs afin de changer de fonction selon les besoins ? Grâce au défi technique que vient de relever une équipe de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), cette hypothèse est aujourd'hui un peu plus crédible.

    Les chercheurs ont mis au point un processus de manipulation à l'échelle atomique d'un matériaumatériau ferroélectrique qui leur permet de contrôler les canaux conducteurs. Le matériau en question est une céramiquecéramique PZT (titano-zirconate de plombplomb) à structure pérovskitepérovskite dotée d'une forte propriété piézoélectrique.

    Les canaux conducteurs sont créés en appliquant un champ électriquechamp électrique. Se produit alors une polarisation dans laquelle certains atomesatomes se déplacent vers le haut ou vers le bas. Des voies conductrices appelées « parois de domaine » (domain walls en anglais) se forment entre ces zones polarisées. Ce phénomène est observé depuis plusieurs années mais, jusqu'à présent, il était impossible de contrôler la formation de ces voies. C'est justement ce à quoi sont parvenus les chercheurs de l'EPFL. De quelle manière ? Ils ont emprisonné leur matériau ferroélectrique entre deux plaques d'électrodesélectrodes en platineplatine spécialement conçues pour délivrer une faible conductivitéconductivité.

    Les chercheurs de l’EPFL ont mis au point un processus de manipulation à l’échelle atomique qui leur permet de contrôler les canaux conducteurs sur un matériau ferroélectrique. La prochaine étape de leurs travaux va consister à créer un prototype de circuit électronique reconfigurable. © EPFL

    Les chercheurs de l’EPFL ont mis au point un processus de manipulation à l’échelle atomique qui leur permet de contrôler les canaux conducteurs sur un matériau ferroélectrique. La prochaine étape de leurs travaux va consister à créer un prototype de circuit électronique reconfigurable. © EPFL

    Des circuits miniaturisés et multitâches

    Des impulsions électriques sont appliquées de manière très localisée. Du fait de la faible conductivité, la charge se propage très lentement dans la structure, ce qui permet de contrôler exactement la zone sur laquelle elle s'applique. « Lorsque l'on utilise des matériaux hautement conducteurs, la charge se propage rapidement et les parois de domaine se forment au hasard dans le matériau », expliquent les scientifiques dans leur article publié par Nature Nanotechnlogy.

    Ils tracent aussi les perspectives qu'ouvre leur découverte. Par exemple, un circuit électronique dédié au traitement du son pourrait, lorsqu'il n'est pas utilisé pour cette tâche, être reconfiguré pour afficher des images. Cela offrirait de nouvelles possibilités de miniaturisation qui profiteraient au design des appareils électroniques. Cette avancée permet aussi d'envisager la création de circuits résilientsrésilients qui seraient en mesure de se reconfigurer en cas de dommage pour continuer à fonctionner avec les composants intacts. Un tel scénario pourrait être extrêmement intéressant pour des appareils opérant dans des zones éloignées, difficiles d'accès ou bien des installations spatiales.

    Et pourquoi pas également la robotique ? En multipliant ce type de circuits, un robot serait, en théorie, capable d'adapter son fonctionnement à l'environnement qu'il rencontre ou de se reconfigurer pour rester opérationnel en cas de panne. Le professeur Leo McGilly, qui codirige cette expérimentation, va encore plus loin. Cette maîtrise dans la création des canaux conducteurs pourrait servir dans la simulation du fonctionnement du cerveau en générant de nouvelles synapsessynapses. « Cela pourrait s'avérer utile pour reproduire le phénomène de l'apprentissage dans un cerveaucerveau artificiel », estime-t-il. Mais un long travail reste à accomplir avant d'en arriver là. Car, pour le moment, les essais ont été effectués uniquement sur des matériaux isolés. La prochaine étape pour l'équipe de l'EPFL va consister à créer un vrai circuit électronique.