Des scientifiques français ont piraté le programme interne des insectes volants pour en faire un logiciel capable de piloter un micro-hélicoptère. Le résultat intéresse la robotique, pour imaginer de nouvelles solutions, mais aussi la biologie, pour mieux comprendre les insectes. On sait maintenant pourquoi ils descendent par vent de face…

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    Comment donc font les insectesinsectes pour voler aussi bien avec un cerveaucerveau aussi minuscule ? Une hypothèse vieille de plus d'un demi-siècle vient de recevoir une nouvelle confirmation : l'insecte suit le défilement du sol et le maintient constant. Chaque détail, plus précisément chaque changement de contraste, se déplace à une certaine vitessevitesse angulaire dans le champ visuelchamp visuel : ce qui est loin devant finit par passer dessous. En 1951, John S. Kennedy faisait l'hypothèse que le criquet contrôlait son vol en maintenant constante cette vitesse angulaire, appelée flux optique. La technique a l'avantage de la simplicité et de la légèreté. Côté logiciel, elle réclame un travail d'analyse très faible de la part du cerveau, et, côté matériel, n'exige qu'un ou deux yeux, plutôt que le lourd bric-à-brac de l'avionique humaine, avec anémomètreanémomètre, variomètre et altimètre, voire horizon artificiel.

    En effet, la vitesse angulaire d'un élément du champ visuel défilant sous l'animal dépend à la fois de la vitesse par rapport au sol et de l'altitude. En surveillant uniquement ce flux otique, on contrôle donc vitesse et altitude. Voilà une trouvaille que les insectes ont découverte il y a plusieurs centaines de millions d'années

    Une technique valable aussi pour un hélicoptère

    Nicolas Franceschini, du département de Biorobotique (unité de recherche MouvementMouvement et perception), à Marseille, étudie depuis des années la manière dont les insectes s'y prennent pour piloter mieux qu'un as de la voltige aérienne avec un cerveau gros comme une tête d'épingle. Après avoir décortiqué le fonctionnement de la vision de la mouche, lui et son équipe ont construit un hélicoptère miniature, Octave (Optic flow Controlflow Control sysTem for Aerial Vehicles), muni d'un œilœil, pardon, d'une caméra, orientée vers le bas. En faisant voler très convenablement cet engin, les chercheurs ont démontré la validité de l'hypothèse dite de la régulation du flux optique.

    Voici Octave, un micro-hélicoptère qui vole grâce aux techniques de pilotage inventée par les insectes. © H. Raguet/CNRS Photothèque

    Voici Octave, un micro-hélicoptère qui vole grâce aux techniques de pilotage inventée par les insectes. © H. Raguet/CNRS Photothèque

    Dans le journal Current Biology, Nicolas Franceschini, Franck Ruffier et Julien Serres viennent de présenter un nouveau résultat : Octave a retrouvé un comportement observé chez les insectes, et même parfois par des oiseaux. Quand ils avancent contre le ventvent, ils réduisent leur altitude. A l'inverse, par vent arrière, les insectes prennent de l'altitude. Logique, expliquent les chercheurs marseillais. Quand le vent forcit, la vitesse par rapport au sol diminue. Pour maintenir constante la vitesse angulaire dans le champ visuel, il faut descendre. Si le vent faiblit ou s'inverse, il faut monter. C'est ce que fait le logiciel implanté dans Octave, reproduisant exactement ce que font les insectes.

    Voilà encore un argument en faveur de l'hypothèse de la régulation du flux optique. Entre la robotique et la biologie, ces travaux nourrissent les deux. L'équipe a d'ailleurs fait breveter cette technique de pilotage et poursuit ses études pour mieux comprendre ce qui se passe dans le cerveau de ces maîtres du pilotage que sont les insectes.