Après un lancement surprise, Qwant a subi quelques jours après un retour de flamme conséquent. Les internautes se sont rendu compte que le site intégrait des éléments du moteur de recherche Bing. Pour les créateurs de Qwant, que Futura-Sciences a pu interroger sur les technologies employées sous le capot du site, il s’agit d’un malentendu. Explications.


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    Voilà moins de deux semaines, la surprise a été de taille. Une discrète entreprise française avait mis au point Qwant, un moteur de recherche de nouvelle génération capable de se hisser au niveau d'un GoogleGoogle ou d'un Bing. L'opération de communication était parfaite, avec l'envoi à toutes les rédactions d'un communiqué de presse simple, discret et laconique annonçant ce lancement. Globalement, le « coup de com' » a très bien fonctionné. Surpris, les médias ont braqué leurs phares sur ce nouveau moteur de recherche, français de surcroît, qui met l'accent sur les réseaux sociauxréseaux sociaux. Mais voilà : après l'effet de surprise, cette campagne de communication s'est violemment retournée contre ses auteurs.

    Ce qui a fait tiquer certains journalistes, c'est le fait que le communiqué ne s'étendait pas en considérations techniques sur le fonctionnement du moteur de recherche. Comment Qwant pouvait-il apporter quelque chose de nouveau et se frotter à un ténor comme Google ou un Bing après seulement deux ans de préparation ? De nombreux nouveaux moteurs promettant des merveilles sont apparus depuis quelques années. Ainsi, le Web a accueilli quelque temps des moteurs à la carrière parfois éphémère tels que Wolfram Alpha, Exalead, Blekko, DuckDuckGo, Teoma, Trapit, ou encore Volunia, sans parler des moteurs spécialisés. C'est la puissance des serveurs et de l'indexation qui l'emporte systématiquement.

    Cette « affaire Qwant » rappelle le lancement de Volunia, l’ambitieux moteur de recherche qui promettait la Lune. Massimo Marchiori, son créateur, avait du crédit, puisqu’il s’agit d’un des créateurs d’Hyper Search, l’algorithme qui permet aux moteurs de recherche de juger de l’importance d’une page Internet à partir du nombre de liens qui dirigent vers elle. Plus d’un an après son lancement, le moteur de recherche n’a pas vraiment décollé et ses résultats proviennent tout bonnement de Bing. © Futura-Sciences
    Cette « affaire Qwant » rappelle le lancement de Volunia, l’ambitieux moteur de recherche qui promettait la Lune. Massimo Marchiori, son créateur, avait du crédit, puisqu’il s’agit d’un des créateurs d’Hyper Search, l’algorithme qui permet aux moteurs de recherche de juger de l’importance d’une page Internet à partir du nombre de liens qui dirigent vers elle. Plus d’un an après son lancement, le moteur de recherche n’a pas vraiment décollé et ses résultats proviennent tout bonnement de Bing. © Futura-Sciences

    Sous Qwant se cache Bing

    C'est pourquoi, dubitatifs, certains ont cherché la petite bête et comparé les résultats de Qwant avec ceux de Google, puis d'autres moteurs de recherche, notamment Yahoo! et Bing. Les résultats montraient que les résultats proviennent clairement de Bing. Du coup, la légende du moteur de recherche 100 % français s'est transformée en un véritable feufeu de paille. Conscient de leur mauvaise communication, les créateurs de Qwant se sont depuis justifiés en premier lieu sur leur blog, et Futura-Sciences a pu également leur poser des questions sur ce qui se passe vraiment sous le capot de ce moteur de recherche. 

    D'abord, c'est sans doute l'expression « moteur de recherche » qui a été mal comprise. Pour Qwant, le Web a énormément évolué depuis dix ans. Il est beaucoup plus structuré et le fait de sortir des résultats de pages Web selon leur popularité, comme le fait toujours Google, ne suffit plus. Il faut aussi afficher des résultats provenant des réseaux sociaux et d'autres outils Internet. Mais c'est la partie des résultats concernant les pages Web, autrement dit les deux premiers volets des résultats de Qwant, qui ont concentré les critiques.

    Mélange de plusieurs API de recherche

    Les dirigeants de Qwant l'avouent, si les résultats sont similaires à ceux de Yahoo! ou Bing, c'est tout simplement parce que le moteur de recherche exploite une API émanant de Bing, le moteur de recherche de MicrosoftMicrosoft. C'est d'ailleurs ce qui les a véritablement mis dans l'embarras. Jean-Manuel Rozan et Éric Leandri, les fondateurs de Qwant, ont expliqué à Futura-Sciences qu'« il y a des choses proches de ce que font les grands moteurs, comme Hyper Search, MapReduce, etc. ». En réalité, pour créer son système d'indexation, Qwant a fait appel à la société Pertimm. Celle-ci a développé depuis longtemps ses propres algorithmes de recherche dotés de traitements sémantiques. Cette technologie est utilisée par Auchan, Pages Jaunes ou Meetic.

    Dans le cas de Qwant, il n'y a pas que l'API de Bing qui est employée, mais un mélange de plusieurs API de recherche. Pour le moment, ce mélange fait ressortir Bing pour les résultats des deux premières colonnes, mais ce n'est pas définitif. Les créateurs de Qwant affirment même que ces mélanges disparaîtront dès lors que le déploiement sera finalisé et l'ensemble des résultats proposés proviendra du seul travail d'indexation et de classement effectué par Qwant. En revanche, pour les autres colonnes, notamment celles des réseaux sociaux, ce sont les propres algorithmes et traitements de Qwant.


    Les critiques se sont concentrées sur la présence d’une API émanant de Bing sous le capot de Qwant. Pour les utilisateurs, il ne s’agirait donc pas d’un véritable moteur de recherche, mais d’un agrégateur de contenu. Une affirmation que réfutent les créateurs de Qwant. Interrogé par le consultant Laurent Bourrely, Éric Leandri, cofondateur de Qwant, apporte des éclaircissements. © Laurent Bourrely

    Montée en puissance du « vrai » moteur de Qwant

    Ce que les utilisateurs voient aujourd'hui n'est donc que le début. À l'avenir, cela pourrait bien changer, puisqu'avec la montée en charge du site, la base d'indexation va gonfler et s'améliorer. Les deux fondateurs nous ont expliqué que les serveurs, qui sont basés chez Telecity à Aubervilliers, stockent beaucoup d'informations et les traitent pour améliorer la pertinence des résultats. « Pour l'instant, la plateforme tient le choc et peut tenir le choc pour une montée en puissance conséquente, mais nous allons devoir ajouter des machines en fonction de l'augmentation du trafic. Nous ferons tout pour suivre la montée en puissance, mais nous ne sommes pas capables de prévoir le futur. Ensuite, la mention bêtabêta sera enlevée lorsque les suggestions des utilisateurs nous sembleront avoir été prises en compte de façon pertinente. Pour cela, il faut prévoir de trois à six mois. »

    Pour le volet financier, Éric Leandri et Jean-Manuel Rozan nous ont expliqué que l'entreprise n'a pas de revenus pour le moment, car les équipes se concentrent sur la finalisation du développement et la croissance de la fréquentation. En revanche, dans un futur assez proche, il y aura deux sources de revenus pour Qwant : d'une part les revenus publicitaires et d'affiliation générés par le site Internet, et d'autre part les revenus liés à la commercialisation des technologies développées par Qwant auprès des entreprises.

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