Le traitement neurologique des mots du langage est spécifique au cerveau de chaque individu. S’appuyant sur ce constat, une équipe de chercheurs basés en Espagne et aux États-Unis a pu élaborer un test d’identification grâce auquel un ordinateur est capable de reconnaître un individu en détectant les ondes cérébrales correspondant au mot qu’il vient de lire. Une empreinte neurologique qui, pensent-ils, pourrait un jour servir d’outil biométrique.

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    « Nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondelongueur d'onde ». Voilà une expression souvent employée lorsqu'une personne se rend compte qu'elle n'arrive pas à communiquer avec une autre. Les mots n'ont pas la même signification pour tout le monde et cela se vérifie très concrètement au niveau de l'activité cérébrale. Et si donc notre cerveaucerveau produit des ondes cérébrales spécifiques lorsqu'il analyse un mot, il serait possible de se servir de ces informations pour identifier une personne. C'est ce qu'a démontré une équipe réunissant des scientifiques du Centre de recherche basque sur la cognitioncognition, le cerveau et le langage basé en Espagne et de l'université de Binghamton aux États-Unis.

    Dans un article qui vient de paraître dans la revue Neurocomputing, les chercheurs expliquent avec quelle méthode ils sont parvenus à identifier l'activité neurologique associée au traitement d'un mot. L'expérience pilotée par le professeur Blair Armstrong a consisté à enregistrer l'activité cérébrale de 45 volontaires pendant qu'ils lisaient une liste de 75 acronymes parmi lesquels figuraient les mots CIA, DVD, FBI. Les ondes cérébrales produites pour chaque terme étaient suffisamment spécifiques pour qu'une fois l'opération répétée, un ordinateur soit capable de reconnaître les participants avec un taux de réussite de 94 %. 

    La lecture de l’activité cérébrale passe par le recours à un casque EEG (électroencéphalogramme). La méthode développée par les chercheurs du Centre de recherche basque sur la cognition, le cerveau et le langage n’utilise que trois électrodes. Mais il n’en demeure pas moins qu’un système biométrique nécessitant le port d’un tel équipement est plus contraignant que les solutions existantes basées sur la reconnaissance des empreintes digitales ou de l’iris. © <em>Simon Fraser University</em>, Flickr, CC BY 2.0

    La lecture de l’activité cérébrale passe par le recours à un casque EEG (électroencéphalogramme). La méthode développée par les chercheurs du Centre de recherche basque sur la cognition, le cerveau et le langage n’utilise que trois électrodes. Mais il n’en demeure pas moins qu’un système biométrique nécessitant le port d’un tel équipement est plus contraignant que les solutions existantes basées sur la reconnaissance des empreintes digitales ou de l’iris. © Simon Fraser University, Flickr, CC BY 2.0

    Une analyse centrée sur la mémoire sémantique

    L'analyse pratiquée via un casque EEG (électroencéphalogrammeélectroencéphalogramme) se concentre sur la mémoire sémantique qui, dans le cerveau, fait partie de la mémoire à long terme. C'est elle qui contient la mémoire du sens des mots et des connaissances générales. C'est là que le professeur Armstrong et son équipe sont parvenus à isoler un modèle d'ondes cérébrales associées à chaque mot qui est propre à une personne. Les auteurs de l'étude pensent que leur technique pourrait être une alternative aux systèmes à reconnaissance biométrique basés sur l'analyse des empreintes digitales ou de l'irisiris.

    Reste que la lecture des ondes cérébrales suppose le port d'électrodesélectrodes (trois minimum) sur la tête via un casque EEG. On voit mal un système biométrique demander aux usagers de chausser un tel équipement pour déverrouiller leur smartphone, leur ordinateur ou la serrure de leur porteporte d'entrée. En revanche, cet outil pourrait être employé pour sécuriser des sites ou des installations informatiques sensibles. L'autre avantage mis en avant par les chercheurs est que cette technologie pourrait également servir à surveiller en continu l'identité d'une personne là où les autres procédés biométriques accomplissent une identification unique.

    Le site New Scientist rappelle que l'idée d'utiliser les ondes cérébrales comme outils biométriques a déjà été testée depuis 2007. À l'époque, la lecture via un casque EEG portait sur l'ensemble de l'activité cérébrale. La méthode développée par l'équipe du professeur Armstrong permet une lecture plus ciblée qui élimine le bruit provoqué par d'autres activités cérébrales simultanées. Mais 94 % de réussite n'est pas 100 % et la technologie devra être encore améliorée pour prétendre à une utilisation concrète.