À côté des photons du rayonnement fossile, il existerait un fond diffus de neutrinos émis environ une seconde après le « temps zéro » du Big Bang. Ce sont eux que veut détecter le projet Ptolemy qui, en cours d'installation depuis quelques années, va démarrer cet été. Avec les ondes gravitationnelles, il ouvrirait une nouvelle fenêtre sur des périodes anciennes de l'univers observable.

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    Observer de plus en plus loin dans l'univers revient à effectuer un carottagecarottage de plus en plus profond dans les stratesstrates de l'histoire de l'espace-temps et même à chercher à voir ce qui se passe sous la surface du Soleil. En effet, à un certain point de cette remontée dans le temps, le cosmoscosmos devient si dense et chaud que les atomes ne peuvent exister, empêchant les photons de se déplacer librement. Au-delà, il nous est donc impossible d'obtenir des informations directes. L'univers est pour nous, en quelque sorte, opaque.

    Cette strate-là s'est formée environ 380.000 ans après l'hypothétique instant zéro du Big Bang, lorsque la température de l'univers observable est passée sous les 3.000 kelvinskelvins environ. Les photons ont cessé d'interagir avec les noyaux et les électronsélectrons, lesquels se sont assemblés pour former les premiers atomes neutres. C'est alors qu'a été émis le fameux rayonnement fossile ou CMBCMB (cosmic microwave background).

    Il existe toutefois d'autres rayonnements plus pénétrants pour sonder des strates beaucoup plus anciennes. C'est le cas des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles grâce aux modes B de l’inflation par exemple. La détection de ces modes nous donnerait probablement des renseignements sur ce qui s'est passé environ 10-35 seconde après le temps zéro. Comme nous l'a expliqué Pierre Binétruy, la mission eLisa devrait également permettre d'étudier des épisodes un peu moins anciens. Une autre sonde, encore moins pénétrante dans le passé mais meilleure que les photons, est celle des neutrinosneutrinos.

    Peu après le temps de Planck, l'espace aurait subi pendant une infime fraction de seconde une phase d'expansion exponentiellement accélérée. C'est une phase inflationnaire, décrite par la théorie de l'inflation. C'est à la fin de cette phase que la matière de l'univers observable serait née. On voit sur ce schéma une illustration de l'histoire du cosmos, de l'ère de Planck à nos jours. © Cern

    Peu après le temps de Planck, l'espace aurait subi pendant une infime fraction de seconde une phase d'expansion exponentiellement accélérée. C'est une phase inflationnaire, décrite par la théorie de l'inflation. C'est à la fin de cette phase que la matière de l'univers observable serait née. On voit sur ce schéma une illustration de l'histoire du cosmos, de l'ère de Planck à nos jours. © Cern

    Des neutrinos stériles derrière la matière noire ?

    En effet, environ une seconde après le début de l'univers observable, alors que la température du cosmos était de 10 milliards de degrés et sa densité était comparable à celle de l'eau, celui-ci contenait une soupe de leptonsleptons, de photons et surtout de protonsprotons et de neutronsneutrons se transformant les uns dans les autres en absorbant et émettant des neutrinos. Juste en dessous de ce seuil de température, les neutrinos, dont les énergiesénergies étaient alors de l'ordre de 1 MeV, ont cessé d'interagir avec les nucléonsnucléons pour se propager librement dans l'espace, tout comme le feront bien plus tard les photons. Il existe donc un rayonnement cosmologique de neutrinos, appelé en anglais cosmic neutrino background, soit CNB ou encore CνB (lire C-nu-B).

    Il y a quelque temps, les physiciensphysiciens des astroparticulesastroparticules ont entrepris d'observer le CNB en espérant y découvrir de nouvelles informations sur l'univers primordial, voire des erreurs dans l'histoire de la première seconde de l'univers racontée par le modèle standardmodèle standard cosmologique. C'est l'objectif du projet Ptolemy (Princeton Tritium Observatory for Light, Early Universe Massive Neutrino Yield), qui va enfin démarrer avec des prises de données cet été.

    L'expérience utilise un feuillet de graphènegraphène de la taille d'un timbre poste sur lequel a été déposée une infime quantité d'un isotopeisotope radioactif de l'hydrogènehydrogène, le tritium. Au début, seulement un centième de microgramme sera utilisé mais les quantités seront ensuite augmentées. Le tritium se désintègre en donnant des électrons avec un spectrespectre en énergie et en impulsion bien précis, calculable avec la théorie de l'interaction électrofaible. Cette même théorie prédit que ce spectre change très légèrement si les électrons entrent en interaction avec les neutrinos du CNB. Plongés dans le champ magnétiquechamp magnétique produit par des aimantsaimants supraconducteurssupraconducteurs, ces électrons vont prendre des trajectoires bien spécifiques dans une chambre à vide avant de tomber sur un calorimètre où leur énergie pourra être précisément mesurée.

    L'expérience devrait donc permettre de mesurer indirectement des caractéristiques des neutrinos cosmologiques, comme leurs masses et leur densité. L'exploit a longtemps semblé pratiquement impossible puisque que ces particules sont capables de traverser en moyenne, pour chacun d'entre eux, un bloc de ferfer épais... d'une année-lumièreannée-lumière.

    En montant la quantité de tritium jusqu'à 100 grammes, l'expérience Ptolemy deviendra plus sensible et permettra peut-être, alors, de mettre en évidence des neutrinos stérilesneutrinos stériles de Majorana, dans l'hypothèse où ils constitueraient bien une part non négligeable de la matière noire.