Aux périodes les plus chaudes de l’année, surtout près de l’équateur, il arrive que de l’eau coule à la surface de Mars, comme le suggèrent les stries sombres observées sur de nombreuses pentes. Une équipe a enquêté sur 41 sites et découvre un phénomène complexe, et plutôt mystérieux.

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    L'être humain, qui se prépare à aller sur Mars dans un peu plus d'une dizaine d'années, rêve souvent que de l'eau puisse encore couler à la surface de la Planète rouge (ce fut le cas il y a plusieurs milliards d'années). De l'eau, il y en a toujours dans ce monde hostile et aride : un peu dans ce qui lui reste d’atmosphère, et des quantités plus importantes dans son sous-sol, affleurant parfois à la surface comme l'ont montré des observations des orbiteurs. C'est plutôt une bonne nouvelle pour les futures colonies, car cette ressource peut être disponible relativement facilement. Bien sûr, cela peut aussi être des milieux abritant d'éventuelles formes de vie.

    Néanmoins, de l'eau liquide qui s'écoulerait à la surface, voilà qui semble peu probable étant donné les conditions qui y règnent. Quoique les Recurring Slope Lineae ou RSL (en français : lignes récurrentes sur des pentes), découverts en 2011, et apparaissant de façon saisonnière, font l'objet d'âpres discussions chez les planétologues. Les uns défendant l'hypothèse que de l'eau, issue de réservoirs souterrains, parvient à s'infiltrer en surface, les autres envisageant plutôt une captation de la molécule présente dans l'atmosphèreatmosphère par des sels sur le sol. D'autres encore proposent que ce soient les deux. Celle des sels hydratés, en tout cas, explique les stries sombres qui ont fait la Une de l'actualité scientifique fin septembre 2015 (voir De l’eau liquide coule sur Mars).

    Matthew Chojnacki, du laboratoire lunaire et planétaire de l'université d'Arizona, et son équipe, ont voulu en savoir plus sur le sujet, notamment leurs formations, les mécanismes en jeu et les volumes d'eau que cela impliquerait, pour tester les différents scénarios.

    Beaucoup de RSL dans Valles Marineris, près de l’équateur

    En réalité, les RSL ne sont pas très rares. Sur les images prises par la sonde MRO (Mars Reconnaissance OrbiterMars Reconnaissance Orbiter), les astronomesastronomes en ont identifié des milliers. Pour leur étude qui vient de paraître dans le Journal of Geophysical Research : Planets, les chercheurs se sont particulièrement intéressés, durant les saisonssaisons les plus douces, à une quarantaine de sites observés dans l'immense canyon de Valles Marineris (long de près de 4.000 km, il est le plus grand du Système solaire) qui balafre le visage de Mars près de l'équateuréquateur.

    « Les lignes récurrentes sur les pentes dans ces canyons sont beaucoup plus répandues que ce qui était reconnu précédemment, a déclaré l'auteur principal de l'étude. Pour autant qu'on en sache, c'est la population la plus dense sur la planète, donc si elles sont bien associées à une activité aqueuse contemporaine, cela fait de ce système de canyons un domaine encore plus intéressant que sa seule géologiegéologie spectaculaire. »

    Les différents sites étudiés par l’équipe sont marqués par des disques bleus. Ils figurent tous dans le réseau de canyons de <em>Valles Marineris</em>. En bleu : altitudes les plus basses ; en rouge : les plus hautes. © Nasa, JPL-Caltech, <em>University of Arizona</em>

    Les différents sites étudiés par l’équipe sont marqués par des disques bleus. Ils figurent tous dans le réseau de canyons de Valles Marineris. En bleu : altitudes les plus basses ; en rouge : les plus hautes. © Nasa, JPL-Caltech, University of Arizona

    De l’eau captée par des sels, oui mais…

    Parce qu'elles sont parfois visibles au sommet de pics isolés ou sur des crêtes du réseau de canyons, l'équipe a du mal à croire que ces traces ont été façonnées par des remontées saisonnières d'eau souterraine. Toutefois, comme beaucoup apparaissent sur des parois internes de cratères, il est possible qu'un impacteur ait perforé il y a longtemps une poche d'eau souterraine. Mais aucune couche de ce type ne correspond aux sites étudiés.

    L'idée de l'eau atmosphérique captée par les sels est préférée, d'autant que certains RSL sont plus brillants, y compris quand il fait plus sombre. Mais ce n'est peut-être pas le seul mécanisme impliqué dans leurs formations. En effet, les chercheurs ont calculé que dans la partie étudiée de Valles Marineris, il faudrait l'équivalent de 10 à 40 piscines olympiques (30.000 à 100.000 m3) chaque année pour obtenir des stries comparables à celles observées. Il y a certes de l'eau dans l'atmosphère martienne, mais trop peu, pensent-ils, pour qu'elle soit la seule source. En effet, ils ne connaissent pas de processus assez efficace pour recueillir de grandes quantités.

    « Il semble exister différentes formes d'interactions entre l'atmosphère et la surface selon le relief, explique Matthew Chojnacki. Par exemple, des brumesbrumes basses dans les canyons et des nuagesnuages en dehors. Peut-être que les interactions atmosphère-surface dans cette région sont associées à la forte abondance de lignes de pente récurrentes. Nous ne pouvons pas écarter cette possibilité, mais un mécanisme pour établir la connexion est loin d'être clair. »

    Autrement, les chercheurs n'excluent pas un processus plus sec, voire sans eau, pour produire ces stries. L'enquête progresse, mais n'est pas encore résolue. « Dans l'ensemble, les résultats apportent un soutien supplémentaire à l'idée que d'importantes quantités d'eau près de la surface peuvent être trouvées sur Mars actuellement et suggèrent qu'un mécanisme largement répandu est peut-être lié à l'atmosphère, rechargeant les sources des RSL » ont conclu les auteurs.