Ce sera le site J ou C : le lieu d'atterrissage de Philae sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko a été choisi, ainsi que le site dit alternatif. Sur un tel objet, aussi irrégulier, le choix n'était pas facile, comme nous l'explique Francis Rocard. La sélection du site final sera annoncée vers la mi-octobre, l’atterrissage étant prévu le 11 ou le 12 novembre, avant que l’activité de la comète ne s’accroisse lors de son approche du Soleil.

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    L'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne a dévoilé le site sur lequel se posera le lander Philae de la mission RosettaRosetta qui a rejoint la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko le 6 août 2014 après un voyage de plus de dix ans.

    Parmi les cinq sites en compétition présélectionnés présentés le 25 août 2014, c'est le point J qui a été choisi. La sélection s'est faite lors d'une réunion mi-septembre à Toulouse, au SONC (Science, Operations and Navigation Centre) du Cnes, par environ 70 scientifiques et ingénieurs. La confirmation est attendue à la mi-octobre en vue d'un atterrissage qui pourrait avoir lieu entre le 11 et le 12 novembre. Pour en parler, nous avons invité Francis RocardFrancis Rocard, responsable des programmes d'exploration du Système solaire au Cnes.

    Pour la première fois dans l'histoire de l'exploration robotiquerobotique du système solaire, « on a vraiment tiré des plans sur une comète », en l'occurrence 67P/Churyumov-Gerasimenko. La sélection du site d'atterrissage n'a vraiment pas été simple car il a été nécessaire de prendre en compte de nombreux paramètres tout en respectant des critères contraignants. Cela, Futura-Sciences vous l'avait expliqué et détaillé dans un précédent article consacré à la mission.

    Gros plan sur le site J où se posera sans doute Philae de la mission Rosetta. © Esa/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

    Gros plan sur le site J où se posera sans doute Philae de la mission Rosetta. © Esa/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

    Atterrir dans les meilleures conditions de sécurité

    Francis Rocard tient à signaler que « le respect de ces contraintes a été fondamental dans la sélection du site J ». Cette sélection s'est donc faite moins sur des considérations scientifiques que techniques. À proprement parler, il n'y a pas de critères scientifiques majeurs pour dire « que l'on préfère aller se poser à un endroit de la comète plutôt qu'un autre ». L'important est de se poser. Et ce sera tout sauf aisé.

    Pour poser Philae en sécurité, le terrain d'atterrissage « ne doit pas être trop rugueux ni pentu » et le site doit présenter également un « bon taux d'ensoleillement, de l'ordre de 50 % du temps, voire 75 % avec un peu de nuit pour observer et analyser les transitions jour-nuit sur la comète ». À cela s'ajoute le fait que la durée de la descente doit être la plus courte possible car, si la trajectoire est trop longue, « on prend le risque de dépenser de l'énergie, bien plus utile aux instruments au sol, et de ne pas pouvoir terminer la première séquence d'opérations scientifiques » qui se déroulera dès l'atterrissage de Philae. Une première estimation de la trajectoire de Philae vers le site J « montre que le temps de descente devrait être de sept heures, une durée suffisamment courte ».

    La sécurité de l'atterrissage et un plan de vol très court sont deux des trois principaux facteurs qui ont prévalu pour la sélection du site. Le troisième est le cycle de visibilité de Philae par Rosetta. En effet, les données de Philae sont relayées par elle et il est donc important que tous deux soient en visuel aussi longtemps que possible, même si l'atterrisseur a une mémoire de massemémoire de masse. Pendant son cycle de fonctionnement, il est « important de la vider régulièrement, car attendre un passage de la sonde gaspillerait de l'énergie ».

    En tenant compte de ces critères, on a constaté « qu'aucun site n'était parfait », aucun n'étant sûr à 100 %. Même le site sélectionné « présente un risque statistique que Philae échoue à se poser » car il y a des falaises et des roches de cinq à dix mètres de haut. Toutefois, il était le seul à « ne pas avoir de critère destructif ». En ce sens, il semblait le meilleur.

     Le site A qui avait la préférence des scientifiques. © Esa/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

    Le site A qui avait la préférence des scientifiques. © Esa/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

    Certes, d'un point de vue scientifique, c'est le site A qui avait la préférence des chercheurs en raison de son emplacement. Pare qu'il se situe au voisinage des deux lobes de la comète, « il offrait une vision extrêmement intéressante mais cela aurait été très audacieux de poser Philae dessus ». Il a été rapidement écarté de la course en raison de la méconnaissance du champ de gravitégravité à l'arrière du « cou » de la comète. Le risque d'un mauvais atterrissage était de ce fait bien trop grand.

    Cela dit, « le site J est évidemment d'un très grand intérêt scientifique » et le retour d'informations formidable. Ce sera la première fois dans l'histoire de l'exploration spatiale que l'on se pose à la surface d'une comète. Les relevés faits sur le site J seront « de toute manière identiques à ceux qui auraient pu être faits sur les autres sites ».

    Cela ne signifie pas que la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko est un monde uniforme. Comme le montrent les cartes morphologiques, « on remarque qu'il y a des régions bien différentes ». Quant à les interpréter, c'est évidemment un peu tôt, compte tenu notamment de la résolutionrésolution des images, de un à deux mètres par pixelpixel. Cependant, Francis Rocard se hasarde à quelques hypothèses. D'après lui, il semblerait que certains sites soient recouverts de matériaux probablement granulairesgranulaires, fins, qui seraient peut-être le résultat de fragments échappés de la comète puis retombés. Autre idée, des zones actives de la comète auraient tendance à s'effondrer à cause du vide en dessous, cela provoquerait une fracturation.

    Le site C choisi en secours au cas où le site J s’avérerait inutilisable d’ici le choix final qui sera fait mi-octobre. © Esa/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

    Le site C choisi en secours au cas où le site J s’avérerait inutilisable d’ici le choix final qui sera fait mi-octobre. © Esa/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

    Quant au choix du site en back up, « il a été encore plus difficile ». Deux sites, le C et le B étaient en compétition pour remplacer le site J si ce dernier devait devenir impraticable en raison d'une trop forte activité de la comète, un éboulementéboulement ou tout autre événement de nature à présenter un risque significatif pour la sécurité de Philae lors de son atterrissage.

    Le site B avait contre lui un ensoleillement trop faible, ce qui aurait posé un problème si la mission devait durer longtemps. Le site C n'est évidemment pas parfait. Par exemple il ne convient guère à l'instrument Consert qui doit réaliser la tomographietomographie de la comète et qui sera utilisé en parallèle avec le même équipement embarqué à bord de la sonde Rosetta.

    Quel que soit le site, J ou C, le suspense sera grand lors de cette manœuvre inédite. Elle sera diffusée en direct sur le site de l'Esa. En attentant, les Toulousains pourront, à la Cité de l'espace, assister à une rencontre-débat avec le scientifique et l'ingénieur placés au cœur de cette mission qui rentrera en bonne place dans l'histoire spatiale : Jean-Pierre Bibring, astrophysicienastrophysicien à l' IAS (Principal Investigator & Philae Lead Scientist) et Philippe Gaudon, chef du projet Rosetta au Cnes.