Un cycle de formation et de destruction de lunes et d'anneaux autour de Mars serait à l'œuvre depuis des milliards d'années. C'est ce que suggèrent des simulations numériques et les caractéristiques des orbites de Phobos et Deimos, les lunes de la Planète rouge.


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    Les anneaux de Saturne ont été les premiers anneaux planétaires découverts. C'était il y a quatre siècles et il faudra attendre la fin du XXe siècle pour que l'on fasse la découverte des anneaux des planètes géantes, notamment de NeptuneNeptune par le regretté André Brahic. Les planètes rocheusesplanètes rocheuses, comme Mercure ou la Terre, en sont dépourvues. La Terre se signale toutefois par l'importance de son satellite, la Lune, au point que l'on parle parfois de ces derniers comme d'un exemple de planète binairebinaire.

    Mars a aussi deux lunes mais elles sont beaucoup plus petites. On a avancé pendant un temps l'hypothèse qu'elles soient des astéroïdes capturés par la Planète rouge. Mais plusieurs des caractéristiques de PhobosPhobos et DeimosDeimos plaident pour une autre origine. En 2016, en particulier, plusieurs équipes de chercheurs, notamment celles du planétologue français Sébastien Charnoz, de l'Institut de physiquephysique du globe de Paris (IPGP), avaient publié des résultats de travaux montrant que ces deux petits corps célestes pouvaient être le produit de l'accrétionaccrétion de matériaux éjectés de la surface de Mars par un impacteurimpacteur géant il y a plusieurs milliards d'années. Plusieurs lunes auraient même été formées à partir du disque de débris résultant de cet impact et des processus de migrations de ces lunes se seraient également produits.

    Un scénario similaire a également été étudié l'année suivante par les planétologues états-uniens David Minton et Andrew Hesselbrock. Il sert de base à un nouvel article publié aujourd'hui dans Astrophysical Journal Letters par Minton en compagnie de Matija Ćuk, chercheur à l'Institut SETISETI, et que l'on peut consulter librement sur arXiv.

    Dans leur article de 2017, publié dans Nature Geoscience, David Minton et Andrew Hesselbrock avançaient l'existence d'un cycle d'anneaux autour de Mars en se basant sur des simulations numériquessimulations numériques. En effet, actuellement, Phobos subit des forces de maréeforces de marée de la part de Mars dont il se rapproche. D'après les calculs des deux planétologues, dans environ 70 millions d'années, Phobos sera détruit par ces forces de marée en donnant un anneau autour de Mars. Toutefois, 80 % des débris produits finiront leur vie sur Mars alors que les 20 % restant donneront une nouvelle lunenouvelle lune par accrétion, lune qui s'éloignera ensuite de Mars.


    Une présentation de Phobos et Deimos. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Dreksler Astral

    Un cycle anneau-lune à l'origine de Phobos et Deimos

    Ce scénario se serait en fait répété depuis des milliards d'années à partir, là aussi, d'un anneau de matièrematière initialement produit par un impact géant sur Mars. Ainsi, entre trois et sept cycles d'anneau-satellite au cours des 4,3 milliards d'années passées peuvent expliquer Phobos et Deimos tels qu'ils sont observés aujourd'hui avec, à chaque fois, une production de plusieurs lunes autour de Mars.

    Mais comment tester vraiment cette hypothèse ? On pourrait par exemple imaginer identifier, au cours des prochaines explorations géologiques massives de Mars par des colons, des dépôts de matériaux annulaires importants sur sa surface, plus précisément certains dépôts sédimentaires anormaux pouvant être liés à ces épisodes périodiques de dépôts en anneau.

    Mais, en attendant ce jour, Matija Ćuk et David Minton nous expliquent qu'ils ont trouvé un argument en sa faveur en étudiant plus attentivement les caractéristiques d'une autre lune de Mars : Deimos. Son plan orbital est incliné de seulement 2 % par rapport au plan équatorial de Mars, cela peut sembler insignifiant mais ça ne l'est pas si l'on considère que Deimos, tout comme Phobos, se sont formés dans un disque d'accrétiondisque d'accrétion autour de Mars, nécessairement dans son plan équatorial d'après les lois de la mécanique céleste.


    Un scénario de la formation des lunes de Mars. © Université Paris Diderot / Labex UnivEarthS

    L'orbiteorbite actuelle de Deimos s'explique bien si elle a subi l'influence dans le passé d'une autre lune s'éloignant de Mars. Mais pour qu'elle s'éloigne de Mars, il faudrait qu'elle subisse l'influence gravitationnelle d'un anneau plus interne justement. Tous calculs pris en considération, les deux planétologues arrivent aux conclusions suivantes.

    Il y a environ 3 milliards d'années, à un moment du cycle des anneaux martiens considéré, une lune nouvellement accrétée, et qui peut avoir été jusqu'à 20 fois plus massive que Phobos, se serait éloignée de Mars selon un scénario similaire à celui montré dans la vidéo ci-dessus en raison de l'existence d'anneaux. Une résonancerésonance orbitaleorbitale se serait alors produite avec Deimos, ce qui aurait conduit son plan orbital à s'incliner des 2 % observés. Deimos existerait dans ce scénario depuis des milliards d'années mais deux autres cycles anneau-lune se seraient produits entretemps.

    Phobos serait l'une des lunes dernièrement formées et elle ne serait âgée que de 200 millions d'années environ. On pourrait tester ce scénario en étudiant des échantillons rocheux en provenance de Phobos et aussi de Deimos. Une mission en ce sens de la Jaxa pour Phobos, MMX, est prévue avec un lancement à l'horizon 2029.


    Mars serait déjà en train de s'entourer d'anneaux

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 28/02/2017

    Deux chercheurs indiens qui ont étudié des données de la sonde Maven suggèrent que Mars est peut-être déjà en train de s'entourer d'anneaux. La matière qui les composerait proviendrait de l'une des deux lunes de Mars, probablement sous l'effet de ses forces de marée.

    Les anneaux de Saturne fascinent et longtemps les astronomesastronomes ont pensé qu'ils étaient uniques dans le Système solaireSystème solaire. Puis d'autres finirent par être détectés autour de JupiterJupiter, UranusUranus et Neptune. En réalité, elles ne seraient pas les seules.

    En effet, selon deux chercheurs indiens qui viennent de publier un article dans le célèbre journal Icarus, des anneaux commenceraient tout juste à se former autour de Mars (à l'échelle de temps du Système solaire). Ils proviendraient de matériaux arrachés à ses deux satellites. Leur naissance était certes annoncée depuis quelque temps déjà mais les chercheurs pensaient qu'elle ne surviendrait pas avant plusieurs millions d'années.

    Prenons par exemple le cas de Phobos qui orbite autour de Mars à seulement 6.000 kilomètres d'altitude (il s'agit du satellite le plus proche d'une planète à travers tout le Système solaire). Alors que les forces de gravitationforces de gravitation conduisent notre Lune à s'éloigner de la Terre, dans le cas de la lune martienne, elles tendent à le rapprocher de la Planète rouge d'environ deux mètres chaque siècle. Tant et si bien que d'ici 30 à 50 millions d'années, ce petit corps céleste sera passé sous la fameuse limite de Roche. Sa propre gravitégravité, et in fine les forces de cohésion de la matière qui le composent ne pourront alors plus s'opposer aux forces de marée de la planète qui le mettront en pièces.

    Phobos, un sombre satellite qui passe devant Mars. Il ressemble aux météorites à chondrites carbonées qui proviennent des régions les plus éloignées de la ceinture d’astéroïdes. Ce qui laisse à penser qu’il ne s’est pas formé en même temps que Mars ni à partir des mêmes matériaux. © G. Neukum (FU Berlin) et al., Mars Express, DLR, ESA
    Phobos, un sombre satellite qui passe devant Mars. Il ressemble aux météorites à chondrites carbonées qui proviennent des régions les plus éloignées de la ceinture d’astéroïdes. Ce qui laisse à penser qu’il ne s’est pas formé en même temps que Mars ni à partir des mêmes matériaux. © G. Neukum (FU Berlin) et al., Mars Express, DLR, ESA

    Des poussières arrachées à Phobos et Deimos ?

    Selon Jayesh Pabari et P. J. Bhalodi du Physical Research Laboratory en Inde, les instruments de la sonde Maven (Mars Atmosphere and Volatile Evolution) ont fait une étrange découverte. Ils avaient déjà permis de démontrer l'existence de nuagesnuages de poussière autour de la planète mais en affinant les analyses des données les concernant, environ 0,6 % d'entre elles ne proviendraient pas de la surface. La majeure partie est de la poussière interplanétaire avec, en second, de la matière injectée dans l'atmosphèreatmosphère supérieure par la chute d'astéroïdes sur Mars. En ce qui concerne la fraction restante, sa composition semble la rattacher à Phobos ou Deimos.

    Il n'est pas encore possible d'affirmer que cette observation prouve que des anneaux sont déjà en train de se constituer autour de Mars à partir d'une de ces lunes. Toutefois, selon les chercheurs, elle en ouvre tout de même la possibilité. Il faudrait sans doute une nouvelle mission destinée à tester cette hypothèse pour en avoir le cœur net.


    Un jour, Mars sera peut-être une planète aux anneaux

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 29/11/2015

    C'est inexorable : étreint par les forces de marées de Mars, l'un de ses satellites, Phobos, finira en morceaux. Avant qu'ils ne s'abattent tous sur la surface de la Planète rouge, une étude estime que les débris pourraient former des anneaux durant un à cent millions d'années. Cela promet un spectacle grandiose mais pas avant vingt à quarante millions d'années !

    Dans notre Système solaire, toutes les planètes géantes ont des anneaux. Autour de Jupiter et Neptune, ils sont plutôt sombres et peu denses, au contraire du cas célèbre de Saturne où ils sont très nombreux, denses et davantage réfléchissants, car riches en glace, bien qu'extrêmement fins (1,4 km maximum) et très étendus. Pour ce qui est des quatre planètes rocheuses, aucune n'en possède. Du moins, pour l'instant...

    En effet, comme le suggère une étude qui vient de paraître dans Nature Geoscience, Mars qui, comme on l'a vu récemment, va se débarrasser lentement mais sûrement de son satellite Phobos (la peur, en grec), pourrait très bien s'entourer d'anneaux créés à partir des débris. D'ailleurs, ce ne serait peut-être pas la première fois. Certains planétologues estiment en effet que voici 4,5 milliards d'années, quelques planètes (20 à 30 %) possédaient beaucoup plus de lunes mais elles furent mises en pièces et assimilées au reste du corps planétaire.

    Évidemment, ce sera un spectacle magnifique pour toutes celles et ceux qui braqueront alors leurs télescopestélescopes sur notre voisine. En plus d'une Planète rouge plus brillante (selon la densité des anneaux) dans le ciel terrestre, nous pourrons admirer l'ombre de ses anneaux projetée sur sa surface. Un véritable pare-soleilsoleil pour les éventuels colons qui seraient présents sur place si, toutefois, cette question sera encore d'actualité car le phénomène est prévu de se produire dans 20 à 40 millions d'années... Il faudra patienter un peu. Le spectacle devrait durer ensuite entre 1 et 100 millions d'années, selon les scénarios.

    Le cratère Stickney, large de 10 km. Si Phobos n’était pas aussi poreux, l’impact aurait pu briser ce petit satellite naturel de Mars. © Nasa
    Le cratère Stickney, large de 10 km. Si Phobos n’était pas aussi poreux, l’impact aurait pu briser ce petit satellite naturel de Mars. © Nasa

    Deux scénarios pour les anneaux

    Le petit Phobos (27 x 22 x 18 km) est le seul satellite naturel avec TritonTriton autour de Neptune à se rapprocher doucement - de quelques centimètres par an - de la planète autour de laquelle il gravite. Étreint inexorablement par les forces de marées de Mars, ce corps fragile et poreux vraisemblablement pétri de matériaux grossiers faiblement liés est voué à se briser en morceaux qui s'abattront ensuite à la surface de la planète. Les fissures visibles à sa surface témoignent du processus irrésistible en cours.

    Pour les deux jeunes chercheurs de l'université de Berkeley qui se sont intéressés au destin inhabituel de cette lune minuscule, il se pourrait que les débris continuent de graviter plusieurs dizaines de millions d'années après que les plus gros soient tomber en spirale sur la surface sur un angle rasant de sorte que les cratères formés soient ovoïdes plutôt que circulaires (cela est déjà observé, ce qui suggère qu'un phénomène semblable se serait déjà produit). À terme, les morceaux s'abattront progressivement en pluie sur le sol martien à travers ce qui reste d’atmosphère, un peu comme une tempêtetempête d'étoiles filantesétoiles filantes.

    En adaptant les connaissances et techniques élaborées pour mieux comprendre la structure des anneaux de Saturne à leurs modèles qui intègrent les données sur la composition de Phobos et les effets des impacts qu'il a subi dans le passé comme le très impressionnant cratère Stickney (10 km de diamètre, un sixième de sa circonférence), Benjamin Black et Tushar Mittal ont obtenu deux scénarios probables.

    « Si la lune se brise à 1,2 rayon martien, environ 680 km au-dessus de la surface, il formera un véritable anneau étroit d'une densité comparable à celle de l'un des anneaux les plus massifs de Saturne » explique l'un des auteurs dans le communiqué de l'université de Berkeley. Avec le temps, les anneaux pourraient s'étaler jusqu'au sommet de l'atmosphère de Mars et s'abattre peu à peu sur le sol. Dans l'hypothèse où Phobos se déchire à une distance plus élevée (il est actuellement à 6.000 km au-dessus du sol martien), l'anneau serait plus diffusdiffus mais pourrait persister une centaine de millions d'années. Plus petit et plus éloigné, Deimos (la terreur), quant à lui, ne connaîtra pas le même sort.