Pari technologique gagné pour les équipes de Lisa Pathfinder, ce satellite de l'Esa qui doit démontrer la faisabilité technique de l'observatoire spatial eLisa, pour détecter les ondes gravitationnelles depuis l'espace. Comme nous l'explique le responsable de la mission, l'engin surpasse les attentes. Ses performances sont cinq fois supérieures au cahier des charges, et très proches de ce qui est requis pour eLisa.

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    Lorsque la mission Lisa Pathfinder est conçue, les ondes gravitationnelles ne sont qu'une théorie prédite en 1916 par Albert EinsteinEinstein, alors convaincu du fait que des objets courbent l'espace-temps en fonction de leur masse. Il en fait un des piliers de la relativité générale. Pourtant, le satellite Lisa Pathfinder n'est pas chargé de les détecter. L'engin n'est qu'un démonstrateurdémonstrateur de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Esa), conçu par Airbus Defence and Space, pour tester des technologies clés qui serviront un jour à l'observation des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles depuis l'espace. En effet, l'Esa a en projet depuis plusieurs années la réalisation de l'observatoire spatial eLisa (evolved Laser Interferometer Space AntennaLaser Interferometer Space Antenna), un gigantesque interféromètre constitué de trois satellites formant un triangle équilatéral d'un million de kilomètres de côté et échangeant entre eux des faisceaux laser. « L'idée est de mesurer d'infimes variations relatives de la distance entre les satellites causées par le passage d'ondes gravitationnelles. Pour l'instant, il nous faut encore démontrer qu'on peut le faire » nous expliquait Damien Texier, responsable de la mission en opération à l'Esa, avant le lancement du satellite.

    C'est aujourd'hui chose faite. Les technologies envisagées pour eLisa ont été testées avec succès. Pour cela, le satellite a libéré deux masses étalons, faites d'un alliage d'or et de platine, pesant chacune 1,96 kgkg, de façon à leur faire subir la chute libre la plus pure jamais provoquée dans l'espace et de suivre leur position relative avec un degré de précision extrême. À l'intérieur du satellite, ces deux masses sont à l'abri de toutes les forces externes et internes susceptibles de s'exercer sur elles, à l'exception d'une seule : la gravitégravité.

     Au cœur du satellite Lisa Pathfinder se trouve le système de laser qui permettra de mesurer les infimes mouvements des deux masses étalons, baptisées Jake et Elwood, représentées ici par les cubes jaunes. © Esa, ATG Medialab

    Au cœur du satellite Lisa Pathfinder se trouve le système de laser qui permettra de mesurer les infimes mouvements des deux masses étalons, baptisées Jake et Elwood, représentées ici par les cubes jaunes. © Esa, ATG Medialab

    Oui, eLisa est faisable

    Comme le souligne le professeur Karsten Danzmann, directeur à l'institut Max PlanckMax Planck de physiquephysique gravitationnelle et directeur de l'Institut de physique gravitationnelle à Leibniz Universität Hannover, « avec Lisa Pathfidner, nous avons créé l'endroit le plus tranquille connu de l'humanité. Sa performance est spectaculaire et dépasse de loin toutes nos attentes ». Après deux mois d'expérience, les résultats montrent que les deux masses d'épreuve au cœur du satellite tombent librement dans l'espace sous l'influence de la seule gravité.

    Elles ne sont perturbées par aucune autre force extérieure, comme le vent solairevent solaire ou la pressionpression de la lumièrelumière du SoleilSoleil. En éliminant toutes sources de perturbations, les scientifiques ont pu observer la chute libre la plus parfaite jamais créée. Les mesures réalisées de la position relative et l'orientation des deux masses est plus fine que celle initialement prévue, inférieure à 0,01 nanomètrenanomètre, soit moins d'un millionième de l'épaisseur d'un cheveu. La performance montre que eLisa pourra être construit car il sera capable de détecter ces perturbations. L'instrument pourra donc mesurer des fluctuations causées par de lointaines fusionsfusions de trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs.

    Mais, en février, alors que Lisa Pathfinder se préparait à débuter son expérience à plus de 1,5 million de kilomètres de la Terre, les membres des collaborations Ligo et VirgoVirgo annoncent une nouvelle sensationnelle. Le 14 septembre 2015, les deux interféromètres construits aux États-Unis et qui constituent le Ligo (Laser Interferometer Gravitational-wave ObservatoryLaser Interferometer Gravitational-wave Observatory), ont détecté le passage d’une onde gravitationnelle correspondant à la fusion de deux trous noirs de masses stellaires, comme le laissaient entendre les rumeurs depuis quelques semaines.

    Alors, pourquoi construire un observatoire spatial, au coût estimé entre 1,5 et 2 milliards d'euros s'il est possible de détecter ces ondes depuis la Terre ? Parce qu'eLisa viendra compléter ces instruments terrestres en mesurant des ondes de faibles fréquencesfréquences, ce qui est impossible depuis le sol. Ligo et Virgo, en effet, ne peuvent détecter que des fréquences comprises entre dix et plusieurs milliers de hertzhertz. Or, les ondes gravitationnelles couvrent un spectrespectre beaucoup plus large. En particulier, celles produites produites par des évènements exotiquesexotiques, comme la fusion de trous noirs supermassifs, ont des fréquences plus basses, entre 0,1 mHz et 1 Hz, et, de ce fait, ne sont détectables que depuis l'espace.