Des minitrous noirs de toutes les masses ont pu naître au moment du Big Bang mais quelle est la limite de ceux, géants, qui se tapissent au cœur des galaxies ? Elle serait de 50 milliards de masses solaires, et ne pourrait être dépassée que par fusion.

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    La théorie de la relativité générale est centenaire et on fête ce mois-ci la découverte par Karl Schwarzschild, en décembre 1915, de la solution des équations d'EinsteinEinstein décrivant le champ de gravité d'une étoile. Il faudra pourtant attendre les travaux d'Oppenheimer et Snyder à la fin des années 1930 pour se rendre compte qu'elles décrivent aussi ce que nous appelons un trou noir, puis le renouveau de la relativité générale dans les années 1960 pour que les astrophysiciensastrophysiciens prennent le concept au sérieux, notamment sous la poussée de la découverte des quasars.

    Rapidement, l'idée naîtra que des trous noirs de grandes masses se cachent au cœur des galaxiesgalaxies. Ainsi, dès 1964, les grands astrophysiciens Zel'dovich, Novikov et Salpeter avaient proposé que les quasarsquasars, plus généralement les noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies, soient des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs accrétant de la matièrematière. En 1971, Donald Lynden-Bell et Martin Rees proposaient de leur côté qu'il en existait un au cœur de la Voie lactéeVoie lactée. Au moins depuis le début des années 1990, il semblait clair que la plupart des grandes galaxies doivent probablement abriter en leur centre l'un de ces astresastres compacts.

    Tel est bien le cas et l'on a pu mesurer leurs masses qui vont de plusieurs millions de fois à plusieurs milliards de fois celle du SoleilSoleil. La question d'une masse limite se pose donc pour ces monstres de la nature. C'est sur elle que s'est penché l'astrophysicien britannique Andrew King, qui vient de donner une réponse plausible dans un article déposé sur arxiv.

    Une image de Centaurus A révélant les jets émis par le très actif trou noir central de cette galaxie, réalisée avec trois instruments fonctionnant à différentes longueurs d'onde. Les données submillimétriques à 870 microns obtenues à l'aide du télescope Apex et la caméra Laboca (<em>Large Apex Bolometer Camera</em>) sont figurées en orange. Les données en rayons X de Chandra sont montrées en bleu. Les données de lumière visible du WFI (<em>Wide Field Imager</em>) du télescope MPG-Eso de 2,2 mètres situé à La Silla, au Chili, montrent les étoiles et la ligne de poussières caractéristique de la galaxie quasiment en couleurs réelles. © Eso, Nasa

    Une image de Centaurus A révélant les jets émis par le très actif trou noir central de cette galaxie, réalisée avec trois instruments fonctionnant à différentes longueurs d'onde. Les données submillimétriques à 870 microns obtenues à l'aide du télescope Apex et la caméra Laboca (Large Apex Bolometer Camera) sont figurées en orange. Les données en rayons X de Chandra sont montrées en bleu. Les données de lumière visible du WFI (Wide Field Imager) du télescope MPG-Eso de 2,2 mètres situé à La Silla, au Chili, montrent les étoiles et la ligne de poussières caractéristique de la galaxie quasiment en couleurs réelles. © Eso, Nasa

    Des étoiles en formation détruiraient les disques d'accrétion

    A priori, la physiquephysique même des trous noirs ne pose aucune limite à leurs masses, qui pourraient s'échelonner entre celle de PlanckPlanck et l'infini. Mais cette physique suppose que les équations de la relativité générale sont rigoureusement exactes et que les effets quantiques sont négligeables sur l'espace-tempsespace-temps et l'état de la matièreétat de la matière absorbée par ces objets. Il se pourrait bien que ce ne soit qu'une excellente approximation dans la plupart de situations astrophysiquesastrophysiques déjà observées mais pas en général (c'est, de fait, certainement faux au cœur des trous noirs). Stephen Hawking a d'ailleurs proposé d'amender la théorie classique des trous noirs, et le concept d'étoile de Planck, encore peu exploré, pourrait peut-être nous réserver des surprises quant à la stabilité d'un trou noir au-dessus d'une masse donnée. Enfin, les projets Event Horizon Telescope et eLisa pourraient eux aussi conduire à reconsidérer la validité des équations de la relativité générale, qui ne sont qu'une des solutions possibles pour les théories relativistes de gravitationgravitation avec une métrique variable de l'espace-temps.

    Mais Andrew King court-circuite toutes ces considérations. Pour cela, il s'est intéressé à la physique du disque d'accrétiondisque d'accrétion qui se forme quand un trou noir absorbe de la matière sous forme de nuagesnuages ou de courants de gazgaz. Il en déduit qu'au-delà d'une certaine taille, elle-même fonction de la masse d'un trou noir supermassif, ce disque devient instable et se fragmente en nuages qui s'effondrent pour donner des étoiles. Au final, l'accrétion est arrêtée, de sorte que le trou noir ne peut plus croître de cette manière. Cela se produirait si la masse de l'astre compact dépasse les 50 milliards de masses solaires. Il se trouve que le plus massif connu à ce jour est, peut-être, celui qui se cache derrière le quasar S5 0014+81, et il semble contenir 40 milliards de masses solaires.

    Cependant, comme le reconnaît le chercheur, ce mécanisme n'interdit pas une croissance au-delà de cette limite à l'occasion de la fusionfusion de deux trous noirs supermassifs accompagnant celle de deux galaxies.