Des chercheurs ayant conduit des expériences sur les conditions qui régnaient sur la Terre primitive suggèrent que celle-ci a pu englober un astre riche en soufre semblable à Mercure. Un scénario qui permettrait d’expliquer les différences du rapport samarium/néodyme dans le manteau et la croûte terrestre ainsi que la longévité du champ magnétique.

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    Il y a quelque 4,5 milliards d'années, les innombrables collisions de planétésimaux autour de notre jeune et flamboyant Soleil ont donné naissance aux planètes que nous connaissons aujourd'hui. Il y eut d'abord Jupiter, comme le suggèrent les modèles concoctés par les planétologues, puis les autres mondes, moins gros et massifs, qui ont émergé de l'immense et chaotique jeu de billard -- plutôt des blocs grossiers de tailles variables. La Terre et la Lune, liées ensemble gravitationnellement, sont vraisemblablement des rescapées de l'empoignade d'un ancien corps nommé Theia (qui devait être aussi grand que Mars) avec notre Planète. Une hypothèse par ailleurs renforcée dans une récente étude. Cet événement de grande ampleur, qui a en partie modifié le destin de la Terre (et de son activité en surface), ne fut peut-être pas le seul subi par notre Planète à cette époque.

    Une équipe de chercheurs intriguée par deux énigmes qui taraudent les spécialistes de la Terre depuis longtemps, à savoir la longévité du champ magnétique et l'importante différence du taux de samarium par rapport au néodyme dans la croûte et le manteau terrestre, a avancé la possibilité qu'un astre ressemblant à MercureMercure soit entré en collision avec la Terre primitive. Un scénario qu'ils défendent dans le numéro du 15 avril 2015 de la revue Nature.

    Un ratio samarium/néodyme différent des météorites

    L'intrigant rapport samarium/néodyme (Sm/Nd) de la croûte et du manteau terrestremanteau terrestre ne rejoint pas en effet celui constaté dans la plupart des météoritesmétéorites qui s'écrasent sur Terre, des matériaux (en l'espèceespèce, des chondreschondres ou grains de quelques micronsmicrons ou millimètres) suspectés d'être les précurseurs des planètes telluriques.

    L'équipe emmenée par Anke Wohlers (université d'Oxford) a soumis en laboratoire des échantillons de roches présentes à l'origine de la Terre primitive aux conditions qui régnaient au cours de la genèse de notre Planète : une température variant entre 1.400 et 1.640 °C et une pressionpression de 1,5 gigapascal, soit environ 15 fois celle qui existe aujourd'hui au fond de la fosse des Mariannes. Le samarium, le néodyme et l'uraniumuranium présents en petite quantité sont attirés par les roches silicatées du manteau et de la croûte terrestrecroûte terrestre mais ils n'ont en revanche pas d'accointance avec le sulfuresulfure ferrique qui représente une part importante du noyau externe de notre Planète.

    La Terre primitive a été bombardée de météorites. Hormis la Lune, représentée à gauche dans le ciel, un corps riche en soufre semblable à Mercure a pu être englouti par la Terre, selon une récente étude publiée dans <em>Nature</em>. © Ron Miller <em>via <a href="http://spaceart1.ning.com/" title="Space art" target="_blank">International space art network</a></em>

    La Terre primitive a été bombardée de météorites. Hormis la Lune, représentée à gauche dans le ciel, un corps riche en soufre semblable à Mercure a pu être englouti par la Terre, selon une récente étude publiée dans Nature. © Ron Miller via International space art network

    Cependant, les chercheurs ont constaté que si un corps composécorps composé de chondriteschondrites à enstatite, riche en soufresoufre -- à l'instar de Mercure, comme l'a observé ces dernières années la sonde Messenger qui gravite autour -- fut très tôt assimilé par la Terre, cela aurait favorisé la dissolution du samarium et du néodyme dans le sulfure de ferfer et donc leur migration vers le noyau. Enfin, puisque le samarium se laisse plus attirer par les silicatessilicates que le néodyme, on peut mieux expliquer pourquoi il s'est moins enfoncé dans les profondeurs et reste plus abondant dans les couches supérieures.

    Une explication de la longévité du champ magnétique terrestre

    Avec cette expérience, les chercheurs font coup double car cette hypothèse qu'un corps comparable à Mercure soit entré en collision avec la Terre leur permettrait aussi de dénouer la seconde énigme évoquée plus haut : la longévité du champ magnétique terrestre. Généré par l'effet dynamoeffet dynamo du noyau liquideliquide qui enrobe la graine métallique, celui-ci devrait subsister au moins 3,5 milliards d'années. Aussi les scientifiques sont nombreux à s'interroger sur les causes de son maintien durable en fusionfusion.

    Dans le cas où un astre riche en soufre se serait mêlé à la Terre primitive, on peut supposer que l'uranium de la croûte terrestre se serait mieux dissous dans le sulfure de fer pour couler jusqu'au centre de la Terre. L'énergieénergie ainsi dégagée par cet élément radioactif permettrait donc de maintenir durablement le noyau terrestrenoyau terrestre en fusion, ce qui nous profite, au contraire d'une planète comme Mars qui, hélas, a perdu cette capacité trop tôt dans son histoire (ce qui lui a valu de perdre l'essentiel de son atmosphèreatmosphère et sans doute les possibilités qu'une activité biologique perdure à sa surface si, toutefois, cela a un jour commencé). Si cette hypothèse se confirme, cela fait beaucoup d'heureux hasards qui ont transformé notre Planète en une oasis bleutée.