Une équipe internationale a découvert trois étoiles très âgées de compositions et de tailles singulières. Celles-ci apportent un nouveau regard sur l’époque des premières étoiles appelée âge sombre. Ces astres montrent la nécessité de développer de nouveaux modèles théoriques pour la formation des étoiles des premiers temps.

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    Lors de l'âge sombre, l'univers était rempli d'hydrogène neutre et les étoiles n'étaient pas encore formées. Dans ce cadre, aussitôt que les étoiles ont commencé à se former elles ont réionisé l’hydrogène et les photons ont alors pu se propager pour éventuellement parvenir jusqu'à nous. Aujourd'hui nous pouvons observer la faible lueur de cette première génération d'étoiles.

    Les toutes premières étoiles de l'univers sont massives et d'évolution rapide. Elles forment progressivement de très petites quantités d'éléments lourds (carbone, ferfer, etc.) qu'elles répandent dans la matièrematière interstellaire lors de leur explosion finale. Les seules étoiles qui peuvent encore témoigner de l'âge sombre sont celles de faible massemasse : inférieure à celle du Soleil, elles ont une évolution très lente, une duréedurée de vie très longue et elles subsistent encore de nos jours.

    Leur matière primitive contient peu d'éléments lourds, car ceux-ci commençaient à peine à se former dans l'univers. Or, la théorie prédit qu'il est difficile de former des étoiles de petites masses à partir d'éléments contenant peu de métauxmétaux, car ils sont nécessaires pour assurer le refroidissement de la matière qui se condense en étoile.

    Image du site Futura Sciences

    Après 380.000 ans, le gazgaz ionisé (ionised gaz, sur le schéma) produit par le Big BangBig Bang se refroidit et devient neutre (neutral hydrogen), c'est le commencement de l'âge sombre. Les premières étoiles massives se forment (The First Stars) et la lumièrelumière qu'elles produisent va peu à peu réioniser l'univers. © Amanda Smith

    Trois étoiles datant de l’âge sombre déjà riches en carbone

    Les trois étoiles nouvellement découvertes datent de l'âge sombre (il y a plus de 13 milliards d'années). Elles sont de faible masse et possèdent 100.000 fois moins de fer que le SoleilSoleil, contredisant les prédictions théoriques. Cela démontre que le mécanisme de formation des premières étoiles doit nécessairement pouvoir conduire aussi à la formation d'étoiles de faible masse telles que le Soleil voire moins (tout en contenant peu d'éléments lourds).

    L'étude des abondances relatives des éléments composant ces étoiles révèle qu'elles ont un taux élevé de carbone en comparaison avec celui de matériaux plus lourds tels que le fer. Cela signifie que ces étoiles anciennes appartiennent à une classe particulière d'étoiles dont un premier « prototype » avait déjà été identifié en 1981. Or, la présence d'une fraction importante de carbone pourrait être un ingrédient essentiel à la formation des étoiles de faible masse grâce à sa grande efficacité - sous toutes ses formes - à refroidir le nuagenuage primordial lorsqu'il se contracte.

    Cependant, en menant d'autres recherches, les scientifiques ont découvert en 2011 l'étoile SDSS J102915+1729272. Celle-ci est exceptionnelle car elle contient autant de fer que les trois étoiles d'une récente étude dirigée par Piercarlo Bonifacio, chercheur du CNRS au laboratoire GalaxiesGalaxies, étoiles, physiquephysique, instrumentation (GEPI, CNRS, observatoire de Paris, université Paris Diderot) et publiée dans la revue Astronomy and Astrophysics du 26 mai 2015 (disponible sur arXiv). Plus précisément elle ne présente pas de surabondance de carbone par rapport au fer.

    Or, si le carbone contribue fortement au refroidissement, celui-ci n'est pas, classiquement, suffisant pour permettre la formation d'étoiles de masse inférieure à 10 masses solaires. Pour franchir ce seuil et parvenir à la formation d'étoiles de la taille de celles observées ici, il faut un mécanisme de refroidissement supplémentaire, plus important, comme par l'entremise des poussières. C'est le seul processus qui peut amener le gaz du nuage primordial dans le bon régime de masses.

    Découverte en 2011, SDSS J102915+1729272 est l’une des étoiles les plus âgées de la galaxie. © Eso

    Découverte en 2011, SDSS J102915+1729272 est l’une des étoiles les plus âgées de la galaxie. © Eso

    L’énigme de l’absence du lithium se confirme

    L'étude des éléments au sein de ces astresastres suggère donc un nouveau scénario de la formation des premières étoiles. Il faut également expliquer le taux de carbone particulièrement élevé, observé dans l'une d'entre elles. Les étoiles ne se forment pas isolément, mais en groupe, au sein de petits halos de matière sombrematière sombre. Les massives en fin de vie, expulsent la matière qu'elles ont formée, mais une partie, notamment les éléments légers comme le carbone et l'oxygèneoxygène retombent vers l'étoile. Certaines supernovaesupernovae, de faible énergieénergie d'explosion, n'expulsent que les couches plus externes, notamment celles qui contiennent les éléments légers comme le carbone et l'oxygène. Ce qui permet d'expliquer l'enrichissement particulier en carbone des étoiles formées ultérieurement à partir de cette matière expulsée.

    Si ce scénario apporte un nouveau regard sur la formation des premières générations d’étoiles, avec ces observations les astronomesastronomes font aussi face à une nouvelle question, car dans l'atmosphèreatmosphère de ces étoiles on pourrait s'attendre à observer du lithiumlithium, puisque celui-ci a été produit en même temps que l'héliumhélium au moment du Big Bang. Pourtant aucune trace de lithium n'a été détectée dans ces étoiles... Un mystère de plus qui fait de ces étoiles des premiers âges des objets d'autant plus fascinants à étudier.