La surface de la Lune présente de curieux motifs en tourbillons. Ces régions, plus brillantes, auraient été protégées de l'érosion du vent solaire par des sortes de bulles magnétiques locales.


au sommaire


    À l'origine et à son début en 2007, la mission de la Nasa, Time History of Events and Macroscale Interactions during Substorms (ThemisThemis en abrégé) était constituée de cinq petits satellites autour de la Terre, chargés d'étudier les phénomènes dans la magnétosphère terrestre à l'origine des aurores polaires. Plus généralement, cela permettait d'avoir des renseignements sur la façon dont la Terre interagit magnétiquement avec le plasma du vent solaire, lors de son déplacement sur son orbite autour du Soleil. Ces études présentent, bien sûr, un intérêt intrinsèque mais elles peuvent aider à protéger nos satellites lorsqu'une tempêtetempête se produit dans la magnétosphère à l’occasion d’une colère du Soleil.

    Ensuite, la Nasa a été amenée à envoyer deux des satellites de Themis en direction de la LuneLune. Leur réassignation a permis le démarrage d'une seconde mission appelée Arthemis : Acceleration, Reconnection, TurbulenceTurbulence and Electrodynamics of the Moon's Interaction with the Sun, ce qui signifie Accélération, Reconnexion, Turbulence et Électrodynamique de l'Interaction de la Lune avec le Soleil.

    Les deux sondes se sont retrouvées en 2011, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, à des points de Lagrange du système Terre-Lune. Là aussi, les instruments de mesures des sondes, capables de mesurer des champs électriqueschamps électriques et magnétiques, ont permis de renouveler notre connaissance des interactions de la Terre, et maintenant en conjonctionconjonction avec la Lune, au niveau du vent solaire. Le sillage de la Lune dans ce plasma crée d'ailleurs, lui aussi, de fascinantes ondes, illustrant la richesse de ce que l'on peut appeler l'électrodynamique cosmique et dont l'étude complète celle de la mécanique céleste des astresastres.


    Une présentation de la théorie de l'origine des lunar swirls. Traduction et sous-titrages en cliquant sur la roue crantée en bas de la vidéo. © Nasa Goddard

    Des boucliers magnétiques protecteurs

    Les sondes de la mission Artemis se sont finalement retrouvées en orbite autour de la Lune. Bien que notre satellite ne génère plus un champ magnétiquechamp magnétique par effet dynamo, sa croûtecroûte conserve un magnétismemagnétisme résiduel, marqué également par d'autres événements comme la chute d'astéroïdesastéroïdes et de comètescomètes.

    Ces champs magnétiques sont faibles mais ils sont néanmoins mesurables par Artemis ainsi que les effets électriques qu'ils produisent par leurs interactions avec le plasma solaire. Un communiqué de la Nasa vient de faire savoir, ou de rappeler plus exactement, qu'Artemis permettait d'étudier des sortes de bulles magnétiques locales, c'est-à-dire des régions plus fortement magnétisées à la surface de la Lune, et dont on pense qu'elles sont à l'origine de certaines des caractéristiques de la Lune, restées un temps mystérieuses, les lunar swirls, ce qui peut se traduire par « tourbillonstourbillons lunaires », des régions avec un albédoalbédo élevé qui apparaissent donc brillantes et surtout, avec des formes sinueuses.

    Les données d'Artemis permettent toujours de penser, comme l'expliquait Futura dans le précédent article ci-dessous, que cet albédo élevé est dû à un moindre effet d'érosion spatiale du régolite lunaire par les particules du vent solaire. En effet, bien que l'effet soit faible et qu'il ne soit pas en mesure de véritablement protéger des astronautesastronautes qui se déplaceraient à la surface des lunar swirls, les bulles magnétiques dans ces régions se comportent malgré tout comme des boucliers protecteurs contre les particules solaires, lesquelles provoquent l'assombrissement des roches dans les zones non protégées au cours de centaines de millions d'années.


    Lune : des tubes de lave magnétique expliqueraient l'énigme des motifs en tourbillon

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 23/09/2018

    La surface de la Lune présente de curieux motifs en tourbillons, dont l'origine reste mystérieuse. L'un d'eux, Reiner Gamma, vient d'être étudié de près, conduisant à l'idée que ces lunar swirls seraient la manifestation de tubes de lavelave fortement magnétisés.

    Les lunar swirls, ces motifs en forme de tourbillons, sont d'énigmatiques structures brillantes à la surface de la Lune dont la plus connue des astronomesastronomes amateurs, facilement observable, est appelée Reiner Gamma. Les premières hypothèses furent celles d'un cratère puis d'une sorte de plateau, mais l'absence d'ombre projetée a conduit à les rejeter.

    Le mystère de Reiner Gamma s'est épaissi avec le programme Apollo. L'astrophysicienastrophysicien états-unien Robert Lin avait suggéré à la Nasa d'embarquer en plus d'un vaisseau habité deux petits modules à mettre en orbite autour de la Lune pour mesurer la queue de la magnétosphère lunaire. Équipées de magnétomètresmagnétomètres, les deux sondes furent finalement larguées en 1971 et 1972 pendant les missions ApolloApollo 15 et 16, fournissant en bonus la possibilité d'étudier des champs magnétiques lunaires.

    Il apparut que plusieurs lunar swirls, dont Reiner Gamma, étaient des régions fortement magnétisées, ce qui semblait étrange. Ces tourbillons lunaires, en effet, abritent des champs magnétiques de quelques centaines de nanoteslas (nT) au niveau du sol, ce qui est élevé pour notre satellite. La Lune elle-même possède en effet un champ magnétique rémanentrémanent très faible, laissé par l'activité aujourd'hui disparue d'une dynamo équivalente à celle à l'origine du champ magnétique de la Terre. À titre de comparaison, le champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre est de 30.000 nT

    Une vue de <em>Reiner Gamma</em> prise par la sonde LRO. © Nasa, LRO, <em>WAC science team</em>
    Une vue de Reiner Gamma prise par la sonde LRO. © Nasa, LRO, WAC science team

    Des tubes de lave refroidis quand la Lune avait un champ magnétique

    En revanche, ces champs fournissaient une explication à la brillance des lunar swirls. En effet, les particules du vent solaire modifient la couleurcouleur du régolite lunaire, le rendant plus sombre après des centaines de millions d'années. En se comportant comme une sorte de bouclier magnétique, les tourbillons lunaires auraient ralenti l'effet du vent solaire, conservant pour ainsi dire la couleur originelle du sol lunaire.

    Plusieurs explications à l'origine de ces champs magnétiques, étudiés de plus près au cours des années 1990 grâce à la sonde Lunar Prospector, ont été proposées. La dernière en date provient des planétologues Douglas Hemingway et Sonia Tikoo, respectivement des universités de Berkeley et Rutgers, et elle a été publiée dans le Journal of Geophysical Research: Planets.

    Les deux chercheurs ont modélisé mathématiquement les structures magnétiques pouvant être à l'origine de la géométrie des lunar swirls et de leurs champs magnétiques. Selon eux, il devrait s'agir de tubes de lave qui se sont fortement magnétisés dans le champ magnétique lunaire il y a des milliards d'années en se refroidissant juste sous la surface de la Lune.

    Ces laves seraient particulièrement ferromagnétiques à cause de leur contenu anormalement élevé en ferfer du fait de l'absence d'oxygèneoxygène sur la Lune. Dans un tel environnement, on peut montrer qu'au-dessus de 600 °C, des minérauxminéraux présents dans la lave fluide auraient libéré du fer. Il ne se serait pas combiné avec de l'oxygène, comme il l'aurait fait sur Terre, ce qui aurait finalement fourni un matériaumatériau plus intensément magnétisable, et magnétisé, en passant au-dessous de sa température de Curie, séparant l'état magnétique de l'état non-magnétique.


    Sur la Lune, Reiner Gamma serait bien un impact de comète

    Article de Laurent Sacco publié le 08/06/2015

    Reiner Gamma est une étrange formation brillante située sur la Lune et déjà repérée par le découvreur de la diffractiondiffraction, le physicienphysicien et astronome Francesco Maria Grimaldi (1618-1663). Pendant longtemps, les astronomes pensaient, tout comme lui, qu'il s'agissait d'un cratère. Ils n'avaient que partiellement raison car le site serait en fait né de l'effet du souffle d'un impact de comète sur le sol lunaire.

    Reiner Gamma est un exemple de formation lunaire que l'on peut plus ou moins classer parmi les structures rayonnées, également appelées systèmes rayonnants ou traînées rayonnantes. Il s'agit, dans ces cas précis, d'un ensemble de traînées disposées de manière radiale autour d'un cratère d'impact et constituées de la matièrematière expulsée lors de sa formation. Reiner Gamma fait plus exactement partie de ce qui est appelé en anglais des lunar swirls. Ce sont des formes curvilignes constituées de matériaux brillants et, surtout, associées à des anomaliesanomalies magnétiques.

    Tout comme les mascons, qui sont quant à eux des anomalies dans le champ de gravitégravité lunaire, ces formations ont intrigué les sélénologues depuis des décennies et ces derniers ont cherché à en percer les secrets. On a d'abord émis l'hypothèse que les champs magnétiques élevés associés aux lunar swirls étaient des vestiges fossilisés du champ magnétique de la Lune au moment où l'équivalent de la géodynamo de la Terre était encore active il y a des milliards d'années. Et les champs de ces anomalies magnétiques sont assez puissants pour dévier les particules du vent solaire en formant une mini-magnétosphère qui s'étend sur 360 km à la surface. Il se constitue même une couche de plasma, épaisse de 300 km, sur laquelle le vent solaire s'écoule en contournant ces anomalies.

    Or il est établi que le bombardement des particules solaire modifie l'albédo du régolitherégolithe et des roches lunaire en le rendant plus sombre. Une formation comme Reiner Gamma serait donc une portion de la surface lunaire relativement protégée du vent solaire depuis quelques milliards d'années et qui aurait gardé sa couleur primitive.


    La sonde lunaire japonaise Kaguya, de la Jaxa, survole la plus grande mer lunaire, Oceanus Procellarum, en dépassant le cratère Damoiseau. Elle rejoint Reiner Gamma. Dans cette région, la sonde de la Nasa Lunar Prospector a détecté un champ magnétique irrégulier. © Jaxa, YouTube

    Selon les chercheurs de l'université de Brown (États-Unis), il faut cependant considérer une autre hypothèse, celle que soutenait déjà par exemple en 1980 leur collègue Peter Schultz, co-auteur d'un article publié dans le journal Icarus. Pour eux, Reiner Gamma et les autres lunar swirls que l'on peut observer par exemple dans les régions de Mare Marginis et Mare Ingeni, sont les résultats d'impacts de comètes survenus il y a 100 millions d'années tout au plus.

    Du régolithe soufflé par les gaz d'un impact cométaire

    À l'appui de cette thèse, les sélénologues ont réalisé des simulations numériquessimulations numériques de ces impacts de comètes, prenant en compte les propriétés du sol lunaire. Ces simulations soutiennent parfaitement l'hypothèse avancée par Peter Schultz qui lui avait été inspirée en constatant l'effet sur ce sol des gazgaz des modules lunaires du programme Apollo. Il en avait déduit que l'atmosphèreatmosphère gazeuse d'une comète, c'est-à-dire sa chevelure, encore appelée comacoma, pouvait avoir le même effet sur les particules du régolithe, à savoir, souffler la couche superficielle assombrie par le vent solaire pour mettre à jour un nouveau sol plus clair.

    L'analyse numérique de ce phénomène sur ordinateurordinateur avec un petit corps glacé entouré de sa chevelure a montré que c'est effectivement le cas avec l'apparition de terrains brillants s'étendant sur des milliers de kilomètres, comme on en observe sur la Lune. En outre, des tourbillons se forment naturellement dans les matériaux gazeux produits au moment de l'impact, ce qui rend bien compte de la structure tourbillonnaire et sinueuse des lunars swirls.

    CeriseCerise sur le gâteau, on sait que les comètes sont magnétisées. Or, les simulations ont aussi montré que l'énergieénergie de l'impact d'une comète sur la surface de la Lune était convertie en une quantité de chaleurchaleur suffisante pour faire fondre des particules de fer dans le régolithe. En se refroidissant, ces particules peuvent enregistrer le champ magnétique du matériau cométaire et même l'amplifier.

    L'ensemble de ces résultats a donc faire dire à Schultz que « tout ce que nous voyons dans les simulations d'impacts de comètes est compatible avec les structures que nous voyons sur la Lune. Nous pensons que cette hypothèse fournit une explication cohérente, mais de nouvelles missions lunaires seront peut-être nécessaires pour finalement clore le débat ».