Face au mouvement d'ensemble de plusieurs centaines d’amas de galaxies, mis en évidence après l'analyse des mesures du rayonnement fossile fournies par WMap, un groupe d’astrophysiciens est parvenu à cette conclusion stupéfiante : ces vastes structures subiraient l’attraction de matière existant au-delà de l’Univers visible. Ce résultat inattendu fait intervenir des prédictions issues de la théorie de l’inflation. Mais il reste à confirmer cette interprétation hardie.

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    Le bullet cluster, que l'on voit ici sur la sphère céleste montrant le rayonnement de fond diffus observé par WMap, est situé à proximité de la zone violette, entre les constellations du Centaure et des Voiles. Il se dirige en direction de cette région. Crédit : Nasa/WMap/A. Kashlinsky et al.

    Le bullet cluster, que l'on voit ici sur la sphère céleste montrant le rayonnement de fond diffus observé par WMap, est situé à proximité de la zone violette, entre les constellations du Centaure et des Voiles. Il se dirige en direction de cette région. Crédit : Nasa/WMap/A. Kashlinsky et al.

    Depuis sa découverte en 1965 par Penzias et Wilson, le rayonnement fossile est devenu une mine d'informations précieuses pour la cosmologie. Possédant le spectre d'un corps noir presque parfait, il recèle en lui ce qu'on appelle des anisotropies secondaires causées, par exemple, par l'effet Sunyaev-Zeldovitch (SZ). C'est cet effet qui a été la clé de la découverte de chercheurs comme Alexander Kashlinsky du NASA's Goddard Space Flight CenterGoddard Space Flight Center à Greenbelt aux Etats-Unis.

    En quoi consiste cet effet ? Il s'observe à l'échelle des amas de galaxiesamas de galaxies, plongés dans un gazgaz de matière noire mais aussi dans un plasma très chaud dont la température dépasse le million de kelvinskelvins et qui, de ce fait, émet des rayons Xrayons X. Les électronsélectrons de ce plasma sont donc particulièrement énergétiques et il leur arrive de cogner les photonsphotons du rayonnement de fond diffusdiffus à qui ils communiquent de l'énergieénergie. Le résultat final est que le spectre de corps noir si parfait de ce dernier (à 10-5 près) subit de légères distorsions. Si les mouvementsmouvements des amas de galaxies étaient aléatoires, les changements de spectre de corps noir causés par ces choc d'électrons ne montreraient aucune direction particulière.

    Kashlinsky et ses collègues étaient en train d'effectuer des statistiques sur les mesures de l'effet SZ sur 700 amas de galaxies, dont le célèbre Bullet Cluster, lorsqu'ils ont découvert, à leur grand étonnement, qu'il semblait au contraire exister une direction préférentielle dans laquelle un grand nombre d'amas se dirigeaient !

    Cliquez pour agrandir. Le disque violet indique la zone de la sphère céleste dans laquelle le rayonnement fossile révèle un courant d'amas de galaxies. Crédit : Nasa/WMap/A. Kashlinsky <em>et al.</em>

    Cliquez pour agrandir. Le disque violet indique la zone de la sphère céleste dans laquelle le rayonnement fossile révèle un courant d'amas de galaxies. Crédit : Nasa/WMap/A. Kashlinsky et al.

    Un attracteur entre le Centaure et les Voiles ?

    Le catalogue d'amas de galaxie utilisé incluant des objets situés jusqu'à 6 milliards d'années-lumièreannées-lumière, c'est presque la moitié de l'UniversUnivers observable qui a ainsi été sondé. Un nombre important d'amas montrent en mouvement apparentmouvement apparent vers une région de la sphère céleste dont la taille angulairetaille angulaire est de 20° et qui se trouve entre les constellationsconstellations du Centaure et des Voiles. Or, la vitessevitesse d'ensemble de ces amas est constante sur au moins un milliard d'années-lumière et elle est de plus de 3 millions de kilomètres par heure, ce qui indique que ce véritable « courant d'amas de galaxie » doit se poursuivre au-delà du cosmoscosmos visible !

    Les astrophysiciensastrophysiciens l'ont appelé un « courant noir »  (dark flow en anglais) car son origine physiquephysique doit être située dans une partie de l'Univers au-delà de l'horizon cosmologiquehorizon cosmologique, c'est-à-dire d'une région dont nous n'avons encore reçu aucun photon.

    Cliquez pour agrandir. Le <em>bullet cluster</em> est l'un des amas pris dans le courant noir. Crédit : Nasa/STScI/Magellan/U.Arizona/D.Clowe <em>et al.</em>

    Cliquez pour agrandir. Le bullet cluster est l'un des amas pris dans le courant noir. Crédit : Nasa/STScI/Magellan/U.Arizona/D.Clowe et al.

    Un tel phénomène est un défi pour le modèle standard de la cosmologiemodèle standard de la cosmologie mais il semble avoir une explication plausible dans celui qui est sur le point de le supplanter : le modèle inflationnaire. En effet, dans son cadre, si l'Univers nous apparaît homogène à des distances supérieures à la taille des amas de galaxies, il devient inhomogène à de très grandes échelles au-delà de l'horizon cosmologique. Des surdensités qui existaient alors localement et qui ont été emportées par l'accélération de l'expansion de l'espace, causée par l'ère inflationnaire, au-delà de cet horizon peuvent produire une attraction dans une direction donnée d'une partie de la matièrematière de l'Univers observable.

    C'est en tout cas les conclusions auxquelles sont arrivés les astrophysiciens dans une série de publications sur ArxivArxiv.org. Reste à voir si les observations et les analyses ultérieures de leurs collègues vont confirmer cette étonnante découverte et, surtout, son interprétation.