Connue depuis un demi-siècle, la boucle de Arp est une arche de poussière cosmique qui a longtemps été considérée comme une excroissance de la galaxie Messier 81. Une récente étude remet en cause cette hypothèse : cette boucle ferait partie de notre propre galaxie.


au sommaire


    • Retrouvez les plus belles images de galaxies 

    Dans les années 1950, l'astronomeastronome américain Halton Arp se prend d'affection pour les galaxies particulières qu'il décide de recenser dans son Atlas of Peculiar Galaxies. Parmi les 338 membres de l'APG, on trouve par exemple NGC 5128, une galaxie elliptique traversée par une bande de poussière sombre, Arp 87, une paire de galaxies en train de fusionner dans la constellation du Lion, ou encore M 81M 81, une belle spirale dans la constellation de la Grande Ourse. M 81 est l'imposante voisine de la galaxie du Cigaregalaxie du Cigare (M 82) où le télescope spatialtélescope spatial Chandra a débusqué deux trous noirs intermédiaires. Ce couple de galaxies fut découvert en 1774 par l'astronome Johann Elert Bode et ajouté six ans plus tard par Charles MessierCharles Messier dans son célèbre catalogue d'objets nébuleux.

    150.000 années-lumièreannées-lumière séparent les deux galaxies qui se sont croisées il y a quelques centaines de millions d'années. M 82M 82 semble le plus avoir souffert de cette rencontre, en témoignent son aspect tourmenté et les nombreuses flambées d'étoilesétoiles qu'elle connaît. On la retrouve donc naturellement en bonne place dans le catalogue de Arp. Mais qu'est-ce qui justifie qu'on y croise également M 81, une galaxie d'aspect si débonnaire ? À y regarder de plus près, un étrange anneau de matièrematière se déploie sur le côté de M 81 (à droite de la galaxie sur l'image en bas de l'article). Découverte en 1965 par Arp, cette boucle fut rapidement considérée comme une traînée d'étoiles et de matière arrachée à l'un des deux protagonistes, la suite logique de la collision galactique. De telles traînées sont observées régulièrement dans des galaxies en interaction gravitationnelle, comme celles de l'amas de la Vierge. Le même phénomène a été observé sur des quasars en collision.

    M 81 (à gauche) et M 82 forment un célèbre couple de galaxies dans la constellation de la Grande Ourse. © Johannes Schedler

    M 81 (à gauche) et M 82 forment un célèbre couple de galaxies dans la constellation de la Grande Ourse. © Johannes Schedler

    La boucle de Arp nous revient

    Il y a quelques mois, une étude de M 81 présentée par Antonio Sollima de l'IAC, l'institut d'astrophysiqueastrophysique des Canaries, est venue remettre en cause l'idée de traînée d'étoiles rattachée à M 81. Selon l'auteur de l'étude, la boucle de Arpboucle de Arp ne se situerait pas à 12 millions d'années de nous, la distance qui nous sépare de ce couple galactique dans la Grande Ourse, mais appartiendrait à notre propre galaxie et ferait partie des nuagesnuages poussiéreux qu'on commence à soupçonner dans notre halo galactique. Pour étayer cette hypothèse, l'équipe d'A. Sollima s'appuie sur des observations réalisées dans le visible et l'infrarougeinfrarouge par les satellites IRAS et Spitzer.

    Il aura fallu toute la dextérité de l'astrophotographe R. Jay GaBany pour révéler la boucle de Arp. Un exploit qui doit également beaucoup au matériel utilisé, le télescope de 50 centimètres de diamètre du National Optical Astronomy Observatory installé sous le ciel encore préservé de l'Arizona, et surtout à la duréedurée de la pose photographique avec une caméra ccd : plus de 20 heures cumulées ! En observant avec attention l'image de R. Jay GaBany, on se rend compte effectivement que la boucle de Arp passe devant M 81. Un effet de perspective que les astronomes auront mis 45 ans à déjouer.