Le nouvel atlas de la pollution lumineuse montre que 80 % de la population mondiale ne connait plus de nuit noire peuplée d’étoiles. Les scientifiques s’inquiètent de l'impact de cette clarté nocturne, semblable à un « crépuscule permanent », sur la faune, la flore et aussi sur la santé humaine. Malheureusement, les projections indiquent que cela ne devrait pas s’arranger si l’on continue de remplacer les lampes au sodium par des Led.

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    Cet été, si vous avez envie d'admirer l'arche de la Voie lactée à travers un ciel constellé de milliers d'étoiles, il vous faudra pour cela rejoindre les derniers et rares territoires en France métropolitaine où la nuit peut encore être d'un noir d'encre : le parc des Causses du Quercy, entre Cahors et Figeac, la partie est du parc des Landes de Gascogne (au sud-est de Bordeaux), ou certains endroits du parc d'Armorique, en Bretagne. Réduits à des portions congrues, ces espaces dénués de pollution lumineusepollution lumineuse (celle-ci est principalement créée par l'éclairage public des grandes villes et de leurs banlieues) sont en voie de disparition.

    C'est le cas en France, mais aussi dans toute l'Europe. Ainsi, certaines régions comme l'Angleterre, les Alpes du Sud, la Belgique ou les Pays-Bas sont à tel point inondées de lumière artificielle que la plupart de leurs habitants ne peuvent plus voir qu'une poignée d'étoiles lorsqu'ils lèvent les yeuxyeux au ciel.

    La dernière carte de pollution lumineuse dans le monde, réalisée sous la direction de Fabio Falchi, de l'ISTIL (Italian Light Pollution Science and Technology Institute), a été publiée le 10 juin dans la revue Science Advances. Selon le New World Atlas of Artificial Night Sky Brightness, en Europe et aussi à travers les États-Unis, quelque 99 % de la population vit sous un ciel nocturnenocturne orangé, où les étoiles s'éteignent... À l'échelle mondiale, cela représenterait 83 % de la population. L'augmentation est d'environ 6 % par an, soulignent les chercheurs. Et cela ne devrait pas s'arranger (malgré les efforts de certaines localités, sensibilisées au problème). Bien au contraire !

    Nouvel atlas mondial de la pollution lumineuse. Ce sont dans les régions les moins peuplées et aussi les moins riches, dont beaucoup sont dans l’hémisphère sud, que l’on trouve les nuits les plus noires de la planète. Les niveaux de pollution lumineuse sont en microcandelas par mètre carré. En noir : inférieur à 1,7 donc ciel noir ; en bleu : entre 1,7 et 14, ce qui se traduit par un horizon dégradé par la clarté ; en vert : entre 14 et 87, soit un ciel dégradé jusqu’au zénith ; en jaune : entre 87 et 688, perte du ciel naturel ; en rouge : entre 688 et 3.000, la Voie lactée n’est plus visible ; en blanc : plus de 3.000, les cônes au fond de l’œil permettant la vision diurne s’activent. © ISTIL

    Nouvel atlas mondial de la pollution lumineuse. Ce sont dans les régions les moins peuplées et aussi les moins riches, dont beaucoup sont dans l’hémisphère sud, que l’on trouve les nuits les plus noires de la planète. Les niveaux de pollution lumineuse sont en microcandelas par mètre carré. En noir : inférieur à 1,7 donc ciel noir ; en bleu : entre 1,7 et 14, ce qui se traduit par un horizon dégradé par la clarté ; en vert : entre 14 et 87, soit un ciel dégradé jusqu’au zénith ; en jaune : entre 87 et 688, perte du ciel naturel ; en rouge : entre 688 et 3.000, la Voie lactée n’est plus visible ; en blanc : plus de 3.000, les cônes au fond de l’œil permettant la vision diurne s’activent. © ISTIL

    Trop de lumière la nuit

    « Quelle chose horrible pour nous, en tant qu'espèceespèce, de vivre dans un crépuscule permanent et de ne jamais être en mesure de voir les étoiles », déplore Travis Longcore, spécialiste de l'écologieécologie urbaine travaillant sur les moyens de calculer l' « illuminance horizontale » (comment la lumière artificielle est réfléchie par les nuagesnuages et le sol, selon les conditions météométéo). Cet atlas est un outil dans son étude des nuisancesnuisances sur la faunefaune et la flore causées par les myriades de lumières artificielles qui éclairent indirectement le ciel. L'exemple le plus connu est celui de la migration des oiseaux qui peut être différée dans la saisonsaison. Cela affecte aussi nombre de pollinisateurs nocturnes comme les chauves-souris, sans oublier les écosystèmesécosystèmes sous-marinssous-marins, rappelle le chercheur à l'université du sud de la Californie.

    Enfin, nous ne sommes pas épargnés non plus car cette clarté a pour effet indésirable d'augmenter la production de la mélatoninemélatonine, et donc de perturber le sommeilsommeil. S'ensuit un risque accru de développer certains cancerscancers« Nous pouvons certainement réduire les niveaux de pollution lumineuse en éteignant les lumières, mais nous ne pouvons pas réparer les dégâts que nous avons déjà fait », s'inquiète Fabio Falchi.

    En effet, l'équipe internationale qui a réalisé des projections signale que si chaque lampe au sodium est remplacée par des lampadaires à Led, comme cela est en cours, le ciel nocturne nous apparaîtrait alors encore plus clair, car ces lampes émettent plus de lumière bleuelumière bleue. L'Homme y est très sensible et, en outre, elle se disperse mieux dans l'atmosphèreatmosphère.

    La pollution lumineuse en Europe. © ISTIL

    La pollution lumineuse en Europe. © ISTIL

    Un atlas réalisé à l’aide de milliers de citoyens scientifiques

    « Le nouvel atlas fournit une documentation critique sur l'état de l'environnement nocturne alors même que nous sommes à l'aubeaube d'une transition vers la technologie LedLed dans le monde entier, résume l'auteur principal de ces travaux. Sauf si un examen attentif est porté sur la couleurcouleur et les niveaux d'éclairages des Led, cette transition pourrait malheureusement conduire à une augmentation de 2 à 3 fois la lueur dans le ciel par les nuits claires », déplore Fabio Falchi qui, rappelons-le, avait produit la première carte mondiale de la pollution lumineuse en 2001.

    Quinze ans plus tard, les chercheurs ont pu bénéficier des observations du satellite Suomi NPP, équipé du premier instrument spécialement créée pour mesurer la pollution lumineuse des cités terrestres et des données collectées par plus de 30.000 personnes dans le monde sur la qualité du ciel. « Les scientifiques citoyens nous ont fourni environ 20 % de l'ensemble des données utilisées pour l'étalonnage, salue le professeur Christopher Kyba, du GFZ German Research Centre for Geosciences et coauteur de l'étude, sans eux nous n'aurions pas eu de données d'étalonnage en provenance d'autres pays que l'Europe et l'Amérique du Nord ». Plus de 300 cartes régionales ont été assemblées pour ce nouvel atlas. Comme on peut le voir, les régions les plus touchées sont, en tête, Singapour, le Qatar et les Émirats Arabes Unis. Sans surprise, c'est sur le continent africain que l'on trouve les dix pays qui ont la pollution lumineuse la plus faible.