La météorite qui a explosé au-dessus de la ville de Tcheliabinsk le 15 février 2013 contenait de la jadéite, un minéral se formant dans des conditions de températures et de pressions très élevées. Sa présence dans les veines de fusion atteste de la puissante collision qu’a subie le corps parent avec un astéroïde de plus de 150 mètres de diamètre. De quoi reconstituer l'histoire...

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    Grâce aux nombreux outils d'analyses mis à leur disposition, les scientifiques peuvent à présent reconstituer une partie de l'histoire de la météorite de Tcheliabinsk. L'événement s'était produit le 15 février 2013, au petit matin vers 9 h 20 en heure locale, au-dessus de la grande ville de l'Oural, située dans le sud-ouest de la Russie. En pénétrant dans l'atmosphèreatmosphère, le corps céleste d'une taille estimée entre 17 et 20 m se brisa en plusieurs morceaux de tailles variables à environ 30 km d'altitude. Au sol, l'onde de choc surprit avec fracas les habitants et fit plus de mille blessés. Selon les informations réunies, il s'agit de la deuxième plus importante déflagration dans l'atmosphère jamais enregistrée, équivalent à 500 kilotonnes de TNT.

    Par chance pour la science, l'intrus céleste nous a laissé dans sa chute plusieurs fragments en cadeau. Une occasion rare qui, conjuguée aux données sur sa trajectoire recueillie par les satellites et les nombreux témoignages vidéo, permet aux chercheurs de reconstituer son parcours. Rare car, en effet, la plupart des objets connus naviguant dans les parages de la Terre (en anglais NEO, pour Near Earth Objects) échappent aux chercheurs lorsqu'ils s'échouent dans notre atmosphère ou sont totalement désintégrés. Les autres, c'est-à-dire la grande majorité, s'abîment dans les océans ou encore dans des régions peu habitées...

    Fragments de la météorite de Tcheliabinsk, retrouvés par une équipe de l’université de la ville de l’Oural. © Alexander Sapozhnikov, Wikimedia, Creative Commons

    Fragments de la météorite de Tcheliabinsk, retrouvés par une équipe de l’université de la ville de l’Oural. © Alexander Sapozhnikov, Wikimedia, Creative Commons

    La météorite de Tcheliabinsk est née d'un choc violent

    Cherchant à approfondir les recherches sur les origines de la météorite, le professeur Shin Ozawa et ses collègues de l'université Tohoku à Sendai (Japon) se sont intéressés de près aux veines de fusion et aux différents éléments observés dans les fragments retrouvés ou repêchés. Ces empreintes, trahissant des températures et des pressions élevées, n'ont pu être provoquées, expliquent-ils dans l'article publié dans la revue Scientific reports, que par un impact violent, probablement entre l'astéroïde parent et un autre de ses semblables.

    Pour confondre le coupable, les chercheurs ont mis en évidence la présence de jadéite, un minéralminéral très dense qui se forme exclusivement sous très haute pression. Les échantillons examinés au microscope électroniquemicroscope électronique attestent d'une cristallisation rapide qui, selon leurs calculs du taux de solidification, est le produit d'une collision du corps d'origine avec un astéroïde de 150 à 190 m de diamètre qui se déplaçait à une vitesse relative entre 0,4 et 1,5 km par seconde.

    La météorite de Tcheliabinsk observée au microscope électronique. Dans le cadre a, on distingue la structure générale typique de cette chondrite. En b, l’image révèle les veines de fusion (SMV) caractéristiques d’un événement violent. L’agrandissement c détaille les parties riches en jadéite. À plus grande échelle, l'image d montre la distribution de la jadéite et de verre feldspathique. En : enstatite ; Di : diopside, Fsp = feldspath albitique ; Me : métal (nickel-fer) ; Tro : troïlite , Chr : chromite ; SMV : veine de fusion ; Mtx : matrice de veine de fusion ; Jd : jadéite ; Gl : verre feldspathique. © Shin Ozawa, Masaaki Miyahara, Eiji Ohtani, Olga N. Koroleva, Yoshinori Ito, Konstantin D. Litasov et Nikolay P. Pokhilenko

    La météorite de Tcheliabinsk observée au microscope électronique. Dans le cadre a, on distingue la structure générale typique de cette chondrite. En b, l’image révèle les veines de fusion (SMV) caractéristiques d’un événement violent. L’agrandissement c détaille les parties riches en jadéite. À plus grande échelle, l'image d montre la distribution de la jadéite et de verre feldspathique. En : enstatite ; Di : diopside, Fsp = feldspath albitique ; Me : métal (nickel-fer) ; Tro : troïlite , Chr : chromite ; SMV : veine de fusion ; Mtx : matrice de veine de fusion ; Jd : jadéite ; Gl : verre feldspathique. © Shin Ozawa, Masaaki Miyahara, Eiji Ohtani, Olga N. Koroleva, Yoshinori Ito, Konstantin D. Litasov et Nikolay P. Pokhilenko

    Selon une récente étude isotopique (samariumsamarium-|e088f6151aff539db367ea6b504d9ebd| des échantillons récoltés, la fracture de l'astéroïde remonterait au plus tard à 290 millions d'années. Tout indique qu'il s'agit du dernier impact majeur et donc de l'acte de naissance de la météoritemétéorite de 17 à 20 m de diamètre (celle-ci n'aurait pas supporté de collisions ultérieures). Enfin, puisque selon une étude publiée en 1997, les corps présents dans la ceinture principale d’astéroïdes (située entre 2 et 3,2 UAUA) peuvent espérer graviter en moyenne une dizaine de millions d'années sans craindre de collisions, il est probable que notre météorite de Tcheliabinsk fut alors détournée de son orbiteorbite originelle, il y a moins de 10 millions d'années, pour se placer fortuitement sur une trajectoire qui la conduira finalement à croiser celle de notre planète.

    L'événement qui a marqué la journée du 15 février 2013 a, pour la première fois, permis aux scientifiques de recomposer un fragment de la vie passée de l'un de ces objets célestes. Dans le cadre de la recherche de candidats potentiellement dangereux, à l'échelle régionale ou planétaire, ces données tombent à pic.