Le télescope Herschel a peut-être observé une des étapes menant de l'effondrement d'un nuage moléculaire à l’existence des protoétoiles. Il s’agirait d’une zone où commence juste la formation de cœurs préstellaires, dans un nuage moléculaire situé dans la constellation de Persée.

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    Représentation d'artiste de l'Observatoire spatial Herschel. © ESA-D. Ducros

    Représentation d'artiste de l'Observatoire spatial Herschel. © ESA-D. Ducros

    La naissance des étoiles est un problème d'astrophysique complexe. Il est bien difficile de comprendre les événements se déroulant lors de ces naissances. Des considérations théoriques et des calculs analytiques ne suffisent pas toujours, il faut alors faire intervenir des supercalculateurssupercalculateurs et surtout des observations pour avancer.

    Dans la Voie lactée, tout commence par un nuagenuage moléculaire géant constitué essentiellement d'hydrogène sous forme H2. Contenant environ 105 masses solaires et d'une taille comprise entre 10 et 50 parsecs, ce nuage est à peine plus chaud que le rayonnement fossilerayonnement fossile baignant l'universunivers observable, avec des températures comprises entre 10 et 30 kelvinskelvins. Pour différentes raisons, si sa densité et sa température dépassent des valeurs en relation avec ce qu'on appelle la masse de Jeans, ce nuage va s'engager dans un effondrementeffondrement gravitationnel. Parmi ces raisons, on peut citer l'explosion d'une supernovasupernova, une collision avec un autre nuage moléculaire ou le passage à travers l'un des bras spiraux de la Galaxie.

    Dans ce nuage en effondrement, des processus de fragmentation turbulente conduisent à la formation d'un enchevêtrement complexe de filaments. Puis, dans un deuxième temps, la gravitégravité prend le dessus et fragmente les filaments les plus denses. Les régions résultantes sont potentiellement de futur amas ouverts d'étoilesamas ouverts d'étoiles et peuvent contenir elles-mêmes des régions encore plus denses, formées par fragmentation, contenant quelques masses solaires. 

    Les différentes étapes de la formation d'un système planétaire (en bas à gauche). En haut à gauche, on voit une représentation d'un nuage moléculaire géant en train de s'effondrer qui va donner un nuage turbulent contenant des filaments et des cœurs denses formant des protoétoiles. Un des cœurs préstellaires donnera finalement une étoile avec un disque protoplanétaire (en bas du schéma). © Bill Saxton, NRAO/AUI/NSF

    Les différentes étapes de la formation d'un système planétaire (en bas à gauche). En haut à gauche, on voit une représentation d'un nuage moléculaire géant en train de s'effondrer qui va donner un nuage turbulent contenant des filaments et des cœurs denses formant des protoétoiles. Un des cœurs préstellaires donnera finalement une étoile avec un disque protoplanétaire (en bas du schéma). © Bill Saxton, NRAO/AUI/NSF

    Ces futurs amas stellaires contiennent alors ce qu'on appelle des cœurs préstellaires qui donneront des étoiles individuelles ou des étoiles multiples. Lorsque ces cœurs préstellaires en effondrement gravitationnel atteignent un état d'équilibre hydrostatique, ils deviennent des protoétoilesprotoétoiles. Ce stade de protoétoile est très bref, quelques centaines de milliers d'années au maximum. Lorsque des réactions thermonucléaires démarrent, la protoétoile atteint finalement l'équilibre thermodynamiquethermodynamique et une étoile est née.

    Pour tester les théories sur le passage d'un nuage moléculaire géant, dont les densités sont d'environ 1.000 moléculesmolécules/cm3, à des densités 1020 fois supérieures, il faut voir à l'intérieur de ces nuages. Poussiéreux, ils sont opaques dans le visible, d'où la nécessité d'employer des instruments capables de voir dans certaines bandes de l'infrarougeinfrarouge et submilimétriques. Le télescopetélescope Herschel a été spécialement conçu pour nous renseigner sur la naissance des étoiles en observant dans l'infrarouge.

    Des cœurs préstellaires en train de naître

    Dans un article publié sur arxiv, un groupe d'astrophysiciensastrophysiciens vient d'annoncer qu'ils pensaient avoir observé avec Herschel un de ces cœurs préstellaires, gravitationnellement lié. Il se trouve dans un nuage moléculaire géant situé à 770 années-lumièreannées-lumière de la Terre dans la constellationconstellation de Persée. Ce n'est pas la première fois qu'on en observe, notamment dans la région d'Aquila RiftRift (dans le seul complexe d'Aquila, les images obtenues avec Herschel ont mis en évidence environ 500 cœurs préstellaires et 200 protoétoiles), mais celui-ci est particulier.


    Plus de deux ans après son lancement, le télescope spatial Herschel a déjà livré une moisson de résultats spectaculaires. Un voyage grâce à la lumière infrarouge de 12 milliards d'années. Nuages de gaz interstellaire, naissances des étoiles et des systèmes solaires, galaxies, et cosmologie. Pour en savoir plus : http ://www.herschel.fr (Herschel France : Cnes, CEA, CNRS). Herschel est une mission scientifique de l'Agence spatiale européenne. © regardssurlunivers-YouTube

    La découverte a eu lieu lors d'une campagne d'observation avec Herschel de la fameuse ceinture de Gouldceinture de Gould (un anneau géant de nurseries d'étoiles dont le SoleilSoleil occupe le centre). Dans une concentration de matièrematière contenant l'équivalent d'environ 100 masses solaires et baptisée Persée B1-E, les chercheurs ont distingué plusieurs sous-structures plus denses pouvant être des cœurs préstellaires. En utilisant le radiotélescoperadiotélescope de Green Bank, il leur a été possible de préciser la température interne de ces structures ainsi que la vitessevitesse de molécules les composant. Il apparaît que l'une de ces structures semble bel et bien gravitationnellement liée et est un bon candidat au titre d'authentique cœur préstellaire.

    Si tel est le cas, c'est une découverte importante car comme le processus de formation d'un amas d'étoile ouvert est très rapide, il est difficile de le surprendre à son tout début. Certains des cœurs préstellaires subissent alors l'influence des étoiles déjà formées dans l'amas sous forme d'ondes de choc ou de ventsvents stellaires, ce qui complique encore les processus à l'œuvre.

    Avec Persée B1-E, on aurait donc la première observation d'une région tout juste en train de former des cœurs préstellaires et donc libre de l'influence des jeunes étoiles. Les astrophysiciens disposent peut-être là d'une nouvelle clé pour résoudre l'énigme de la naissance des étoiles, une étape importante ayant mené l'univers du Big Bang au vivant.