Si le retour réussi sur Terre de la capsule Dragon ouvre la voie à une nouvelle ère de la conquête spatiale, l'événement signe également un tournant dans l’utilisation de l’espace. Seule interrogation, cette privatisation de l’accès à l’espace, amorcée par des fonds publics, va-t-elle perdurer ?

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    Du 10 au 28 octobre, SpaceX a réalisé avec succès sa première des douze missions de ravitaillement de l'ISSISS pour le compte de la Nasa. Ce premier vol commercial privé inaugure la nouvelle approche du vol spatial des États-Unis : au secteur privé l'orbite basse et à la puissance publique l'exploration habitée avec en filigrane une moindre dépendance vis-à-vis des capacités russes pour l'envoi d'astronautes américains dans l'espace.

    C'est en 2009 que les États-Unis prennent la décision de confier au secteur privé la desserte de l'ISS. Elle s'appuie sur les conclusions du comité Augustine, mis en place par l'administration Obama pour réfléchir sur l'avenir du programme Constellation et évaluer les plans de la Nasa pour l'exploration humaine du Système solaire. Dans un contexte de stagnation, voire de réduction du budget décennal de la Nasa, le président américain Barack Obama a pris la décision de confier au secteur privé la desserte de l'orbite basse et de charger la Nasa de concevoir un système de transport pour l'exploration.

    En laissant au secteur privé les opérations de fret et de transport d’astronautes à destination de l’ISS, la Nasa peut concentrer ses efforts sur un nouveau système de transport spatial dont l'objectif est d’amener des Hommes sur un astéroïde et sur Mars. © Boeing

    En laissant au secteur privé les opérations de fret et de transport d’astronautes à destination de l’ISS, la Nasa peut concentrer ses efforts sur un nouveau système de transport spatial dont l'objectif est d’amener des Hommes sur un astéroïde et sur Mars. © Boeing

    La Nasa renforce ses partenariats public-privé

    Pour y parvenir, le gouvernement américain renforce donc les deux partenariats public-privé (PPPPPP), mis en place en 2006 par la Nasa pour aider des sociétés privées à mettre au point des systèmes de transports spatiaux pour le fret (CotsCommercial Orbital Transportation Services) et les astronautes (CCDev, Commercial Crew Development), réunis dans un programme commun baptisé C3PO (Commercial Crew & Cargo Program Office). La Nasa met à la disposition de ses partenaires privés ses infrastructures et son personnel dans le cadre de ces deux PPP.

    Devant la maturité des technologies de l'accès à l'espace, l'idée est de mettre en compétition plusieurs projets privés avant de décrémenter jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que deux, qui se partageront des contrats sur plusieurs années. Pour le fret, cette phase est terminée : ce sera SpaceX et Orbital Sciences. Pour le transport d'astronautes, la compétition est en cours entre Boeing, SpaceXSpaceX et Sierra Nevada.

    Sur la question du fret, force est de constater qu'avec une seule destination, la rentabilité de cette activité sera difficile à atteindre. Certains font le pari qu'avec la fin de la Station spatiale, il n'y aura pas de place pour une exploitation opérationnelle de tous ces véhicules. L'exemple d'ArianespaceArianespace est sidérant. Très grand succès commercial, fondé sur la mise à poste de satellites de télécommunications, seul créneau rentable de la conquête de l'espace, Arianespace a du mal à équilibrer ses comptes et serait bien incapable de financer des développements nouveaux tels Ariane 5 MEAriane 5 ME ou le lanceur de nouvelle génération (NGL) qui doit succéder à l'actuelle famille Ariane 5 à l'horizon 2025.

    À l’image, le projet de capsule spatiale de Boeing (CST-100) que la firme propose à la Nasa pour la desserte de l'ISS et a Bigelow Aerospace pour son futur complexe orbital. © Boeing

    À l’image, le projet de capsule spatiale de Boeing (CST-100) que la firme propose à la Nasa pour la desserte de l'ISS et a Bigelow Aerospace pour son futur complexe orbital. © Boeing

    Quel avenir pour les vols habités ?

    Si la question du fret est réglée, bien qu'Orbital Sciences n'ait toujours pas réalisé son vol d'essai (prévu au printemps 2013), la Nasa se focalise sur l'avenir du vol habité. En février 2012, elle a lancé l'appel d'offres sous l'appellation d'Initiative CCICap (Commercial Crew Integrated Capability), alias CCDev-3, de mise en œuvre des technologies en vue des missions commerciales d'astronautes. S'en est suivi le 3 août, la sélection des trois projets destinés à développer un système de transport spatial habité qui doit, à partir de 2016, remplacer la navette et mettre fin au monopole du SoyouzSoyouz russe.

    Cependant, une très grande majorité d'astronautes restent sceptiques à l'idée de voir le secteur privé prendre un rôle majeur dans le transport d'équipage et certains hommes politiques mettent en garde sur cette libéralisation de l’espace qui conduit en quelque sorte à transférer au secteur privé une grande partie de 50 ans de vols spatiaux.

    Néanmoins, cela n'empêche pas des entrepreneurs privés de lorgner sur la future économie Terre-Lune qui pourrait se matérialiser avant la fin de ce siècle. L'idée serait de bâtir des infrastructures industrielles et touristiques en orbite basse, autour de certains points de Lagrangepoints de Lagrange et sur la Lune.