Le sixième homme à avoir marché sur la Lune, Edgar Mitchell, vient de décéder à 85 ans. En 1971, membre d’équipage d’Apollo 14, il a longuement marché sur notre satellite et même tracté la première brouette spatiale. Original, il était passionné de sciences parallèles et avait récemment défrayé la chronique avec une caméra ramenée clandestinement de son aventure lunaire.

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    Le 9 février 1971, le module lunaire baptisé Antares de la mission Apollo 14 se pose dans une région accidentée, Fra Mauro. Le choix de ce terrain difficile vient de l'objectif ambitieux : pour Apollo 11 et 12, la priorité était la sécurité et d'acquérir de la pratique dans cet exercice inédit mais cette fois, les astronautes viennent d'abord en explorateurs scientifiques. Près du site d'atterrissage - d'alunissage, disait-on à l'époque - se trouvent des éjectas de lavelave, au bord du Cone Crater. Ramenées sur Terre, ces roches basaltiquesbasaltiques pourraient montrer quelque chose de la nature des profondeurs de la Lune. C'est ce que devait faire l'équipage d'ApolloApollo 13 mais une explosion a contraint les astronautes à faire un tour de notre satellite et à revenir bredouilles.

    Tandis que Stuart Roosa tourne dans le module orbital, ses deux collègues commencent une exploration de deux jours. Le plus connu des deux est Alan Shepard, qui fut, en 1961, le premier Américain dans l'espace avec un vol suborbitalsuborbital dans une capsule Mercury. Atteint de la maladie de Menièremaladie de Menière, il fut ensuite interdit de vol mais parvint à réintégrer le corps des astronautes en mai 1969. D'abord assigné à la mission Apollo 13, il fut finalement exclu parce qu'il était un peu tard pour s'entraîner suffisamment. Il restera dans l'histoire comme le premier homme à avoir tiré des balles de golf (deux) sur la Lune.

    Le site d'alunissage d'Apollo 14 photographié en 2011 par la sonde orbitale LRO. On distingue le module lunaire (son premier étage, du moins), au centre, entouré d'une tache noire générée par les moteurs à l'atterrissage et au décollage. À gauche, la flèche indique l'emplacement des instruments de l'Alsep (<em>Apollo Lunar Surface Experiments Package</em>). La direction du <em>Cone Crater</em> est indiquée en haut à droite. Les traces des allées-et-venues des deux astronautes sont clairement visibles. © Nasa, GSFC, <em>Arizona State University</em>

    Le site d'alunissage d'Apollo 14 photographié en 2011 par la sonde orbitale LRO. On distingue le module lunaire (son premier étage, du moins), au centre, entouré d'une tache noire générée par les moteurs à l'atterrissage et au décollage. À gauche, la flèche indique l'emplacement des instruments de l'Alsep (Apollo Lunar Surface Experiments Package). La direction du Cone Crater est indiquée en haut à droite. Les traces des allées-et-venues des deux astronautes sont clairement visibles. © Nasa, GSFC, Arizona State University

    Une première longue marche lunaire

    L'autre, pilote du module lunaire, s'appelle Edgar Mitchell et en est à son premier vol dans l'espace (ce sera aussi son dernier). Diplômé en management, il l'est aussi en aéronautique et astronautique, après un passage au MIT (Massachusetts Institute of Technology), comme le rappelle sa biographie publiée par la Nasa. Militaire dans la Marine, il est devenu pilote d'essai après avoir volé sur le bombardier stratégique A3.

    Lors de la première des deux sorties, les astronautes s'éloignent du LM (pour Lunar Module en anglais qui signifie « module lunaire ») pour déployer les instruments de l'Alsep (Apollo Lunar Surface Experiments Package), dont des percuteurs et des « géophones » pour étudier les propriétés physiques du sous-sol lunaire. La seconde sortie est une longue marche vers le Cone Crater, à environ un kilomètre, au cours de laquelle les astronautes traînent leur matériel dans une brouette, le chariot à outils lunaires, ou MET (Modular Equipment Transporter), moins commode que prévu.

    En plus de neuf heures d'exploration, les deux hommes collectent 46 kgkg de roches lunaires. La mission sera, entre autres, l'occasion des premières images vidéo en couleurs de la surface de la Lune. La caméra d'Apollo 12, en couleurs, n'avait pratiquement pas fonctionné car l'astronaute Alan Bean l'avait malencontreusement dirigée vers le SoleilSoleil pendant son installation sur son trépied.

    Edgar Mitchell à l'époque d'Apollo 14. © Nasa

    Edgar Mitchell à l'époque d'Apollo 14. © Nasa

    Edgar Mitchell, adepte de la transmission de pensée

    Une autre caméra, argentique, 16 mm, est fixée dans le module lunaire et filme à travers le hublot. Elle est censée y rester et donc descendre s'écraser sur la Lune après le retour en orbiteorbite et le passage des astronautes dans le module de service qui, seul, revient vers la Terre. Cependant, les astronautes ont le droit de ramener quelques souvenirs, la Nasa en a même déterminer la liste. Cette caméra 16 mm n'en fait pas partie mais Edgar Mitchell passe outre et la récupère. L'Agence spatiale américaine lui aurait demandé, par la suite, de lui rendre l'appareil, sans succès. En 2011, quand il la propose lors d'une vente aux enchères, la NasaNasa s'en offusque et intente un procès pour récupérer l'appareil qui, finalement, sera envoyé dans un musée.

    L'homme est un original, il est vrai. Après son vol dans l'espace, il dit avoir été bouleversé par la beauté de la Terre (comme nombre d'astronautes qui ont la chance d'admirer cette vision), bien plus frappante que sur n'importe quelle photographiephotographie. Il dira aussi avoir tenté des expériences de transmission de pensée durant le voyage avec quatre personnes. Après son départ de la Nasa, il cofondera l'Institute of noetic sciences, qui veut explorer les pouvoirs inconnus du cerveaucerveau humain, avec l'idée d'une sorte d'interconnexion générale de la conscience des humains et du reste du monde. À 85 ans, il a été emporté par une maladie qui s'est déclarée rapidement durant, précisément, le 45e anniversaire de la mission Apollo 14 qui se déroula du 31 janvier au 9 février 1971.