Premier touriste de l’espace à avoir séjourné à bord de la Station spatiale internationale, Dennis Tito s’est lancé un nouveau défi. Il veut être le premier entrepreneur privé à mettre sur pied une mission habitée à destination de Mars. Pour cela, il a besoin de la Nasa. De ses moyens financiers, mais également de son futur lanceur lourd et de son expertise.

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    Au début de l'année, et à la surprise quasi générale, Dennis Tito, connu comme le premier touriste spatial à avoir séjourné à bord de l'ISSISS en 2001, annonçait une mission martienne habitée avant la fin de cette décennie, alors que la Nasa n'en envisage pas avant les années 2030. Certes, le projet de Dennis Tito ne prévoit qu'un survolsurvol de la planète (un tour avant le retour vers la Terre), mais qui totalisera tout de même 501 jours dans l'espace et plus de 500 millions de kilomètres à parcourir !

    Depuis, on attendait que Dennis Tito dévoile son scénario. Et c'est ce qu'il vient de faire. L'objectif est d'utiliser la fenêtrefenêtre de tir de 2017 qui placera la Terre et Mars à la plus courte distance depuis de nombreuses années, tandis qu'un cycle de faible activité solaire permettra une exposition plus réduite de l'équipage aux radiations spatiales.

    Fenêtre de tir en 2017 pour une mission habitée vers Mars

    Le départ est prévu à l'intérieur de cette fenêtre de tir, qui s'ouvre le 25 décembre 2017 et se ferme le 5 janvier 2018. Le véhicule spatial devrait atteindre la Planète rouge le 20 août 2018 et revenir sur Terre le 21 mai 2019. Au plus près de Mars, l'engin se situera à une centaine de kilomètres, et l'équipage profitera de cette situation pendant dix heures.

    Un des modules pressurisés du cargo Cygnus, que Thales Alenia Space construit dans son usine turinoise pour Orbital Sciences, en juillet 2013. Dennis Tito envisage d’utiliser une version modifiée de ce cargo pour une mission habitée vers Mars. © Rémy Decourt

    Un des modules pressurisés du cargo Cygnus, que Thales Alenia Space construit dans son usine turinoise pour Orbital Sciences, en juillet 2013. Dennis Tito envisage d’utiliser une version modifiée de ce cargo pour une mission habitée vers Mars. © Rémy Decourt

    Pour réaliser ce survol martien, Inspiration Mars, la société que Dennis Tito a créée pour cette aventure, a étudié trois systèmes de transport spatial pour en retenir un seul. L'OrionOrion de la Nasa et les structures gonflables ont été abandonnés au profit d'une version dérivée du module pressurisé du cargo Cygnus d'Orbital Sciences conçu par Thales Alenia Space. Seule contrainte : si Orion a pour grand avantage de ne nécessiter qu'un seul lancement depuis la Terre, le départ avec le Cygnus en nécessitera deux. Le premier lancement permettra la mise en orbite du vaisseau martien, et sera réalisé par le lanceur lourd SLS de la Nasa, en cours de développement, mais qui devrait être prêt en 2017. Quant à l'équipage, il sera amené à bord de l'engin en orbite vraisemblablement par SpaceXSpaceX.

    La Nasa sceptique

    Surtout, Dennis Tito voudrait mener son projet « en collaboration avec la Nasa, au nom de l'Amérique et pour le bien de l'humanité ». Cependant, si la Nasa n'est pas contre une participation au projet, elle refuse de financer une partie de la mission estimée à un milliard de dollars. Or, Dennis Tito compte sur un financement de la Nasa. Il lui manque encore 700 millions de dollars pour boucler le budget.

    Bien que l'Agence spatiale américaine soutienne le projet, elle trouve que le calendrier proposé est trop court et que le temps manque pour préparer la mission. Trop de questions en suspens sur les dangers encourus dans l'espace (rayonnements, collisions, pannes mécaniques) n'ont pas pu être simulées. La Nasa doute également qu'un système de support de vie pour une durée de voyage aussi longue soit opérationnel fin 2017. Les études sur les effets du rayonnement spatial sont parcellaires et, surtout, on dispose de très peu d'informations sur les répercussions psychologiques et physiologiques d'une mission habitée de 501 jours vers Mars dans un très petit habitacle.

    Malgré tout, l'agence spatiale américaine se dit prête à partager son expertise technique avec la société Inspiration Mars. Elle s'est engagée à lancer le véhicule spatial martien. Prévoyant, Dennis Tito a préparé deux alternatives dans le cas où son partenariat avec la Nasa devait ne pas aboutir. Il pourrait se tourner vers les Russes ou les Chinois, a-t-il dit. La solution chinoise ne paraît guère réaliste d'un point de vue politique et compte tenu des règles Itar sur l'exportation des technologies, mais l'option russe est séduisante. Elle l'est d'autant plus que la Russie veut aller sur Mars et que son agence spatiale, Roscosmos, a en projet un lanceur lourd (hérité de l'Energia de Bourane) et un véhicule martien dérivé de la technologie SoyouzSoyouz.