Depuis mars 2014, date à laquelle le projet Stratobus a été dévoilé lors de la deuxième édition des InnovDays de Thales, Futura suit le développement de ce dirigeable « dronisé ». Cette idée d’un véhicule aérien, sorte de chaînon manquant entre les drones et les satellites qui pourra rester un an en mode stationnaire dans la stratosphère, nous a séduite dès sa présentation. Avec Yannick Combet, le chef de projet chez Thales Alenia Space, nous faisons le point sur l’état de ce programme dont le premier vol est prévu d'ici 2025.


au sommaire


    Aujourd'hui, la « première partie du travail est terminée » nous explique Yannick Combet, le chef de projet chez Thales Alenia Space. La faisabilité et la robustesse du concept ont «  été démontrées et confortées par de très nombreux essais sur l'ensemble des différentes technologies ». Néanmoins, le financement de ce projet aéronautique reste un enjeu majeur d'autant plus quand il s'agit d'un tel niveau d'innovation.

    Depuis 2016, avec le soutien de l'État et de la Région Sud, Thales Alenia Space et ses partenaires ont démontré, grâce à un investissement global de plus de 50 millions d'euros, la faisabilité de ce dirigeable, ce qui est un aboutissement remarquable compte tenu de son caractère disruptif. Mais ce projet ambitieux requiert une coopération européenne pour financer l'ensemble du développement, sa certificationcertification et son industrialisation.

    Le saviez-vous ?

    Les dirigeables connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt et devraient faire leur réapparition dans nos cieux d’ici quelques années. Ils apparaissent comme une alternative écologique tout à fait crédible pour le fret aérien de marchandises. Mais le Stratobus de Thales Alenia Space, qui volera à une altitude d’environ 20 kilomètres, ne vise pas ce type de marché, mais ceux des Haps (High Altitude Pseudo Satellite) venant en complément de celui des satellites. Concrètement, Stratobus apporte la permanence sur une zone d'intérêt dont ont besoin bon nombre de services et d'applications d’observation, de télécommunication ou encore scientifiques.

    L'intérêt pour ce type de véhicule reste fort en raison des services auxquels il pourrait répondre avec, à la clé, des perspectives commerciales attrayantes chez des clients venant des secteurs de la défense, de la sécurité et des télécoms. La Direction générale de l'Armement, qui pourrait être le premier utilisateur d'un modèle opérationnel, a d'ailleurs financé des études technico-opérationnelles en vue de missions sur des théâtres d'opération. De plus, la dynamique est plutôt favorable, portée notamment par la littérature scientifique et les publications américaines et chinoises les plus récentes qui montrent tout l'intérêt de l'utilisation des Haps.

    Thales Alenia Space nourrit beaucoup d'espoir pour que la Commission et les agences nationales accordent un « investissement dans ce programme pour la complémentarité qu'il offre aux satellites d'observation de la Terreobservation de la Terre ».

    Du point de vue économique, les « tendances de marchés envisagées au moment du lancement du programme se confirment et sont confortées dans les faits ». À cela s'ajoute que Thales Alenia Space dispose d'une avance technologique par rapport aux États-Unis et à la Chine, et maîtrise de « nombreuses briques de base, parmi les plus pointues ». Le point fort de Stratobus, c'est tout simplement qu'il n'y a aucun projet équivalent dans la stratosphèrestratosphère, en particulier capable d'embarquer une capacité de 250 kilogrammes pour mener ces missions d'observation ou de télécommunications. Cette avance technologique devrait être un atout majeur pour convaincre les financement européens.

    Démonstration réalisée le 11 septembre 2021 à Kiruna, en Suède, avec un ballon stratosphérique ouvert. © Thales Alenia Space
    Démonstration réalisée le 11 septembre 2021 à Kiruna, en Suède, avec un ballon stratosphérique ouvert. © Thales Alenia Space

    Le niveau d'innovation tant au niveau des technologies embarquées, de la consolidation au niveau système que de ses concepts d'opération, font qu'il est impératif d'avancer étape par étape. Ainsi, un passage par des démonstrations d'un système à échelle réduite semble être un point de passage obligé. Thales Alenia Space a repoussé de plusieurs années la date de mise en service d'un premier Stratobus désormais prévue à partir de 2028, « date à laquelle l'équipe du projet devrait avoir terminé la phase de démonstration des modèles à échelle réduite ».

    Premières campagnes d'essais dans la stratosphère

    Aujourd'hui, l'actualité du programme concerne deux campagnes d'essais dans la stratosphère. La première a été un vol mené en septembre 2021 depuis Kiruna, en Suède. Cette démonstration, effectuée dans le cadre du programme européen Hemera, a permis de démontrer la maîtrise du système de sauvegardesauvegarde et la capacité à déchirer l'enveloppe en cas de gros problème. La seconde, réalisée à l'aéroport international de Mahé, aux Seychelles, vient tout juste de se terminer malheureusement sans possibilité de faire voler l'enveloppe dans la stratosphère car l'arrivée précoce de la saisonsaison des pluies n'a pas permis de mener à son terme les opérations de préparation au sol.

    D'ici quelques mois, l'équipe devrait préparer des démonstrateursdémonstrateurs à échelle réduite de 60 x 20 mètres qui « intègreront toutes les composantes du modèle final à échelle 1 » avec l'objectif de « réaliser une campagne de vol qui devrait débuter en 2024 et se terminer en 2025 ». Le but est de démontrer que Stratobus peut voler « avec plusieurs types de charges utiles ».

    Si le concept est aujourd'hui figé, Thales Alenia Space ne « s'interdit évidemment pas à le faire évoluer et peut-être dès les premiers vols opérationnels ». Le niveau de performance, concernant l'emport, devrait être amélioré et la prochaine génération de batteries tiendra compte des avancées réalisées dans le secteur automobileautomobile.


    Stratobus : les dernières évolutions du chaînon manquant entre les drones et les satellites

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 13/09/2019

    Stratobus, le projet de dirigeable stratosphérique de Thales Alenia Space devrait réaliser un premier vol d'essai d'ici fin 2022, début 2023. Si le Stratobus d'aujourd'hui est différent du concept initial, l'intérêt pour ce type de véhicule aérien est en hausse au regard des services identifiés avec, à la clé, des perspectives commerciales attrayantes. Ce futur dirigeable peut être vu comme le « chaînon manquantchaînon manquant » entre les drones et les satellites.

    Lors d'une présentation, en juin dernier, du prototype de la nacelle qui sera accrochée sous le ballon Stratobus, les représentants de Thales Alenia Space et de CNIM ont fait un point d'étape de ce programme. Cette présentation, qui se déroulait sur le banc d'essai de l'équipementier et ensemblier industriel CNIM, à La Seyne-sur-Mer (Var) montre que les ballons et dirigeables ont un bel avenir devant eux.

    Cette plateforme aéronautique générique multimission assure la permanence au-dessus d'un même point et peut être vue comme le « chaînon manquant » entre les drones et les satellites. C'est un ballon stratosphérique volant à une altitude d'environ 20 km avec un mode de fonctionnement proche de celui des satellites.

    Aujourd'hui, la plupart des verrousverrous technologiques, identifiés lors du lancement du projet en avril 2016, ont été levés. Une revue de conception préliminaire est prévue d'ici la fin de l'année, une revue de conception critique en 2021, puis une phase de fabrication du Stratobus avec un premier vol à l'horizon de la fin 2022-début 23. Ce premier vol d'essai aura pour but de valider le concept ainsi que les choix technologiques. Il servira aussi à certifier et qualifier Stratobus, ouvrant la voie à la phase commerciale de production programmée en 2024-25.

    Prototype de nacelle du Stratobus testé chez CNIM qui l'a conçue. Ce banc d'essai, à l'échelle 1 a permis de tester son fonctionnement. Prévue pour porter jusqu'à 450 kg de charge utile, la nacelle, longue de 11 mètres, devra maintenir sa position lors des rotations de l’enveloppe qui suit la course du soleil. L’option retenue a été de raccorder la nacelle à l’enveloppe par un sous-ensemble motorisé composé de câbles, de poulies et d’ancrages qui ont donc été testés avec succès. © Rémy Decourt
    Prototype de nacelle du Stratobus testé chez CNIM qui l'a conçue. Ce banc d'essai, à l'échelle 1 a permis de tester son fonctionnement. Prévue pour porter jusqu'à 450 kg de charge utile, la nacelle, longue de 11 mètres, devra maintenir sa position lors des rotations de l’enveloppe qui suit la course du soleil. L’option retenue a été de raccorder la nacelle à l’enveloppe par un sous-ensemble motorisé composé de câbles, de poulies et d’ancrages qui ont donc été testés avec succès. © Rémy Decourt

    Son enveloppe est l'une des avancées technologies majeures

     Le Stratobus d'aujourd'hui est différent du concept initial de 2016 sur de nombreux points techniques. S'il a conservé son diamètre initial, ce ballon dirigeable d'environ 90.000 m3, est aujourd'hui plus grand et plus fortement motorisé, autorisant plus de maniabilité. Thales Alenia Space a aussi abandonné l'anneau de rotation au profit d'un système très innovant fourni par CNIM qui permettra d'assurer, d'une part, l'orientation permanente du ballon vers le soleil et, d'autre part, le maintien de la position géostationnaire de la nacelle qui supporte les charges utiles.

    L'enveloppe est l'une des retombées technologies majeures du programme Stratobus. Elle est fabriquée dans un matériaumatériau inédit dont la composition exacte est gardée secrète. Alors qu'actuellement les enveloppes de ballons de hautes altitudes ont une duréedurée de vie de 6 mois, celle de Stratobus résistera pendant 5 ans à un environnement très contraignant avec des écarts de températures importants, et une exposition permanente à l'ozoneozone et aux rayonnements UVUV du soleil. L'enveloppe supportera une grande surface de cellules photovoltaïquescellules photovoltaïques qui seront placées sur un quart de sa surface avec un rendement de production d'énergieénergie important, ce qui est suffisant pour fournir l'électricité nécessaire aux moteurs électriques, au système de stockage de d'énergie et aux charges utiles.

    Quant à ses performances, elles restent les mêmes. Stratobus est conçu pour assurer une permanence géostationnaire pendant une année à 20 kilomètres d'altitude avec une charge utile de 250 kilogrammes, mais susceptible d'être portée à 450 kilogrammes. À cette altitude, il sera essentiellement exposé à des ventsvents supérieurs à 90 km/h.

    Des perspectives commerciales attrayantes

    La crédibilité du concept l'est aussi sur le plan du business. De nombreuses marques d'intérêts sont à noter car ce produit répond à des besoins identifiés chez des clients venant des secteurs de la défense, de la sécurité et des télécoms.

    Thales Alenia Space vise notamment le marché des Haps (High Altitude Pseudo Satellite), estimé à 1 milliard de dollars en 2020, avec un taux de croissance annuel attendu à 12 % tout au long de la décennie 2020 et venant en complément de celui des satellites. Stratobus apporte la permanence sur une zone d'intérêt dont ont besoin un certain nombre de services et d'applicationsapplications pour des interventions de courte durée, comme par exemple, la surveillance des frontières, des sites critiques ou des routes migratoires, la lutte contre la piraterie.

    Les opérateurs de satellites, mais aussi de réseaux terrestres de téléphonie, voient dans l'utilisation de Stratobus des possibilités d'améliorer les services de télécoms par satellite en bord de couverture, et de compléter ou de renforcer ponctuellement un réseau de téléphonie terrestre 4G4G. En outre, Stratobus peut aussi contribuer à réduire les temps de latencelatence de service 4G ou InternetInternet, voire être utilisé pour réduire la fracture numériquenumérique au-dessus de zones blanches.

    Enfin, ce ballon stratosphérique peut également être utilisé pour des missions environnementales de surveillance des incendies et de pollution, et pour réaliser des mesures de qualité de l'airair mais aussi de navigation en renforçant ou améliorant localement les signaux Galileo et GPSGPS.


    Découvrez le Stratobus, le futur dirigeable stratosphérique

    Article de Rémy Decourt, publié le 02/05/2016

    En 2020 devrait voler le premier Stratobus, un dirigeable « dronisé » qui pourra rester un an dans la stratosphère, alors que les meilleurs ne tiennent actuellement que quelques dizaines d'heures. Les explications de Jean-Philippe Chessel, le responsable de ce programme de Thales Alenia Space.

    Le projet Stratobus dévoilé lors de la deuxième édition des InnovDays de Thales, en mars 2014, et dont nous nous étions fait l'écho, a bien avancé. « C'est aujourd'hui un programme et une ligne de produits chez Thales Alenia Space » nous explique Jean-Philippe Chessel, le responsable du programme Stratobus. Le projet de recherche et développement a officiellement été lancé mardi 26 avril. L'idée de départ est de développer « un nouveau concept de plateforme stratosphérique autonome à mi-chemin entre les satellites et des drones » pour fournir des services complémentaires de ceux des satellites, avec des applications évidentes dans de nombreux domaines. Elle devrait se concrétiser à l'horizon 2020.

    Ces Stratobus, installés à 20 km d'altitude, pourront être utilisés de jour comme de nuit. Ils pourront porter une charge utile d'au moins 50 kilogrammes et seront dotés d'une puissance électrique de 5 kW, voire beaucoup plus. « On étudie la possibilité pour un client d'embarquer une charge utile qui peut aller jusqu'à 450 kg et de 8 kW de puissance. » Parmi les applications envisagées, on citera en exemple « la surveillance des frontières ou de la piraterie maritime et du support dans la gestion des catastrophes naturelles ou des incendies de grande ampleur ».

    Ces Stratobus sont également bien adaptés à des missions de télécommunications. Ainsi, ils peuvent « renforcer le réseau GSMGSM » au cours d'évènements de massemasse ou « améliorer le système GPS » au-dessus de zones de trafic intense. Autre exemple : ils pourront également être « utilisés pour des applications environnementales, comme la surveillance de l'érosion des côtes, les dégazagesdégazages sauvages ou la propreté des plages, et ils pourront même voir sous les arbresarbres ».


    Cette vidéo passe en revue le programme Stratobus avec ses points forts, les missions envisageables et les principaux choix techniques. © Thales Alenia Space

    Les adaptations au vol dans la stratosphère

    La réalisation du Stratobus réunira cinq industriels français : Alcen, Solution F (pour la propulsion électrique), Tronico (l'électronique de puissance), Airstar Aerospace (l'enveloppe) et la Cnim (nacelle et anneau). Deux firmes étrangères, la norvégienne Prototech (pile à combustiblepile à combustible réversibleréversible) et la néerlandaise SSBV (système de sauvegarde) complètent l'équipe. Le CEA collabore également. « Nous développons avec lui, spécialement pour le Stratobus, une technologie photovoltaïque photosensible sur les deux faces avec un rendement de 22 % et un bilan énergétique équivalent à 29 % ». Enfin, l'Onera intervient pour les études aérodynamiques de l'hélice. Avec un diamètre de 3,8 m, elle aura une « forme adaptée à la densité de l'air dans la stratosphère, 15 fois plus faible qu'à basse altitude ». Enfin, le Cnes, qui depuis plus de 50 ans entretient une activité « ballons », une des plus importantes au monde, « a validé les choix technologiques retenus pour le Stratobus ». Il apportera son expertise technique et son expérience « dans la mise en œuvre opérationnelle, la constructionconstruction des scénarios de mission, en particulier la prise en compte des vents ».

    Situés à seulement une vingtaine de kilomètres au-dessus de la Terre, les dirigeables stratosphériques de Thales Alenia Space, les futurs Stratobus, pourraient remplir certaines missions actuellement confiées à des satellites mais pour un coût bien inférieur. © Thales Alenia Space
    Situés à seulement une vingtaine de kilomètres au-dessus de la Terre, les dirigeables stratosphériques de Thales Alenia Space, les futurs Stratobus, pourraient remplir certaines missions actuellement confiées à des satellites mais pour un coût bien inférieur. © Thales Alenia Space

    Ce programme a été confirmé dans les projets porteurs pour le plan d'Investissement d'avenir du commissariat général à l'investissement (CGI), ce qui permet de démarrer, avec une aide financière de l'État français, la première des trois phases qui « va consister à développer les technologies nécessaires au Stratobus. C'est cette phase que le CGI finance, de sorte que la propriété intellectuelle du concept sera française ». On estime que plus de mille emplois directs seront créés par ce programme. Au terme de cette phase, « il sera réalisé un démonstrateur à échelle réduite de 40 mètres de long, de 10 mètres de diamètre et d'un volumevolume de 3.500 mètres cubes ». À l'issue de cette deuxième phase débutera vraisemblablement en 2018 la « fabrication du premier Stratobus, le Prototype Flight Model (PFM) sur financement privé d'un premier client d'ores et déjà identifié et qui pourrait nous en acheter trois ».

    Ce premier modèle sera construit sur la base aérienne 125 d'Istres, « seule base militaire en Europe à avoir accès à la stratosphère et capable de créer un "tunnel" pour monter à ces 20 kilomètres d'altitude ». C'est là que sera testé le démonstrateur, en 2020. Quant aux spécifications de la certification en vol du Stratobus, « elles seront édictées par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), car il faut créer une base réglementaire pour les dirigeables dronisés, laquelle n'existe pas encore ». Le contrôle de cette certification sera réalisé par la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC).

    Depuis les premières études« le concept a légèrement évolué ». Pour rester en vol stationnairevol stationnaire dans la stratosphère, « quatre moteurs sont maintenant prévus, contre deux initialement ». Quant à l'enveloppe, en polymèrespolymères et en fibres de carbonefibres de carbone tressées, elle devra être « légère, transparente et opaque à certains endroits, et résister au rayonnement ultraviolet ».

    Mais pas seulement. Elle devra également avoir des caractéristiques thermo-optiques remarquables, « parce que le point dur d'un dirigeable, c'est sa température ». Si on laisse le gazgaz porteur s'échauffer, il peut déchirer l'enveloppe, d'où la « nécessité d'une enveloppe avec un coefficient d'absorptionabsorption de l'éclairement solaire très faible ».