Pour contrer la croissance de la population de débris spatiaux, qui pourrait compliquer les activités dans l'espace, les agences spatiales rivalisent d'imagination. Dernière en date : celle de deux équipes de chercheurs qui veulent combinent un télescope, en l'occurrence l'EUSO, qui doit être installé en 2017 sur l'ISS, et un laser conçu pour étudier les rayons cosmiques. Un test va être réalisé dans l'espace.

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    Les débris spatiaux qui s'accumulent depuis le début des activités spatiales il y a une cinquantaine d'années sont constitués d'objets artificiels en orbite autour de la Terre à différentes altitudes. Ils sont surtout concentrés sous les 2.000 km d'altitude, là où sont installés les satellites d'observation de la Terreobservation de la Terre, ainsi que la Station spatiale internationale (à 400 kilomètres).

    Entre 2000 et 2014, leur nombre a presque doublé. Mais dans l'état actuel des choses, la situation est encore sous contrôle. La probabilité que la quantité de débris s'envole n'est pas très grande... mais elle n'est pas nulle. Si la situation devait se dégrader, le risque est que certaines orbites subissent le syndrome de Kessler. Les débris déjà créés, se heurtant les uns avec les autres, généreraient de nouveaux débris et donc un risque accru de collisions. Cet effet boule de neige entraînerait une augmentation exponentielle d'objets et certaines orbites deviendraient impraticables à long terme. Il deviendrait très difficile, et parfois impossible, de placer de nouveaux satellites en orbite. C'est pourquoi il faut œuvrer avant que la probabilité d'une perte de contrôle ne s'accroisse.

    C'est donc un réel sujet de préoccupation, pris au sérieux par les agences spatiales. Tandis que les opérateurs commencent à travailler sur des solutions pour contrôler la quantité de ces débris spatiaux, les agences spatiales réfléchissent à des systèmes pour se débarrasser de ceux existant. Et il existe de nombreux projets, parfois originaux. En témoignent ces deux équipes de chercheurs qui ont décidé d'associer, en les adaptant, deux instruments. Le premier est le futur télescope de la mission EUSO, qui devrait être installé sur la Station spatiale internationale en 2017, conçu pour détecter les rayons cosmiques dits d'ultra-haute énergie. L'autre est un laserlaser de nouvelle génération à très haute puissance, développé notamment pour l'accélération de particules à très haute énergie. Leur idée est de détecter les petits débris et les pousser dans l'atmosphèreatmosphère terrestre.

    Les deux équipes ont réalisé « qu'elles pouvaient associer leurs technologies pour aborder le problème de débris spatiaux de façon nouvelle et potentiellement intéressante, nous explique Étienne Parizot, responsable de JEM-EUSO (Extreme Universe Space Observatory) au niveau français. Dans un premier temps, nous voulons montrer qu'il est possible de détecter et d'agir sur les débris mesurant entre 1 et 10 cm, mais dans l'hypothèse où tout fonctionne comme espéré, nous ne pourrons agir que sur les débris qui sont sous ou au niveau de l'orbite de la Station spatiale internationale, et ceux-là ne représentent qu'une très petite fraction des débris, la plupart se trouvant autour de 800 km d'altitude. »

    Schéma de l'installation du télescope EUSO dans le secteur japonais de la Station spatiale (tel qu'il était envisagé en 2013). © Nasa

    Schéma de l'installation du télescope EUSO dans le secteur japonais de la Station spatiale (tel qu'il était envisagé en 2013). © Nasa

    Un rayon laser pour descendre les débris

    L'équipe travaillant sur ce laser s'est rendu compte qu'avec cette génération d'instrument, « il est possible de focaliser que le faisceau lumineux en différents endroits et ce très rapidement, simplement en changeant le déphasage entre différentes fibres optiquesfibres optiques ». Le principe est « de chauffer suffisamment les débris pour qu'une petite partie se vaporise, et l'éjection du gazgaz ainsi produite provoque un mouvementmouvement par réaction, lequel infléchit la trajectoire du débris pour le diriger vers l'atmosphère, où il se consumera naturellement », précise ce chercheur à l'Institut national de physiquephysique nucléaire et de physique des particules (IN2P3).

    Quant à l'EUSO, cet instrument doit détecter les particules du rayonnement cosmique grâce aux « traînées de fluorescence qu'elles laissent dans l'atmosphère ». L'équipe qui l'a conçu a réalisé que son mode de fonctionnement peut également s'appliquer à la chasse aux débris. Explications.

    Les particules cosmiques ont tant d'énergie qu'en pénétrant dans l'atmosphère « elles produisent d'autres particules secondaires lesquelles, elles-mêmes, en génèrent d'autres ». Au final, il se développe une gerbe de particules qui peut en compter de 100 à 200 milliards et qui, au contact des moléculesmolécules de l'airair, produisent une traînée de lumièrelumière fluorescente. Avec l'EUSO, il doit être possible de la détecter dans l'ultravioletultraviolet et en déduire la trajectoire et l'énergie du rayon cosmique incident. Or, c'est exactement ce qu'il faut pour les débris... Si l'un d'eux est illuminé par le soleilsoleil, en effet, il « va réfléchir un peu de lumière et comme il se déplace dans le champ du détecteur, il laissera une trace qui pourrait être assez similaire à celle laissée par un rayon cosmique dans l'atmosphère ». Du coup, il sera possible de savoir d'où il vient et quelle est sa trajectoire. Ne reste plus alors qu'à le viser avec un tir laser.

    Plus facile à dire qu'à faire car la mise au point de ce système ne sera pas simple. Un des principaux points durs est la vitessevitesse à laquelle doit être réalisée la reconstruction de la trajectoire du débris. « Il sortira très vite du champ de l'instrument, ce qui laisse très peu de temps au laser pour le toucher. » De plus, la reconstruction de sa trajectoire sera forcément approximative car « limitée par la résolutionrésolution angulaire de l'instrument ». Bien que l'information pour le laser soit peu précise, « l'idée est de balayer très rapidement la région où il doit se trouver pour le toucher à plusieurs reprises » de façon à ce qu'il renvoie plus de lumière, ce qui augmentera la précision de sa localisation.

    Un Mini-Euso pour tester cette idée originale

    Autre contrainte, « s'assurer que l'instrument saura voir les débris ». Bien qu'il soit capable de détecter des photonsphotons uniques, cet instrument fonctionne mieux quand il y a moins de lumière, « essentiellement de nuit et quand il n'y a pas de LuneLune ». Mais par faible luminositéluminosité, les débris spatiaux risque de demeurer invisibles. D'où la nécessité « d'adapter suffisamment le seuil de sensibilité du détecteur pour voir le débris mais sans brûler les capteurscapteurs ». L'idée serait de l'utiliser quand le soleil est rasant, donc à son coucher et son lever depuis la Station spatiale. À ce moment-là, il fait encore nuit dans la zone de la Terre que l'on observe mais le débris est éclairé par le soleil.

    Avant d'envisager un système opérationnel, il faut démontrer qu'on peut le faire ! Certes, l'EUSO a déjà volé à bord d’un ballon du Cnes et un deuxième vol de longue duréedurée est en préparation « mais rien ne vaut une mise en situation réelle ». D'où l'idée d'un démonstrateurdémonstrateur à bord de la Station spatiale internationale. « L'idée est d'installer un petit télescope de 20 centimètres couplé à un petit laser de 100 fibres optiques. » Ce démonstrateur devrait tester les fonctions principales : détection du débris, reconstruction de sa trajectoire et prédiction de sa position, ce jusqu'à une centaine de kilomètres du complexe orbitalcomplexe orbital. Cette mission a été acceptée l'Agence spatiale italienne et Roscosmos. Mini-EUSO sera lancé à bord d'un cargo Progress et installé à l'intérieur de la partie russe du complexe orbital. Il observera à travers une fenêtrefenêtre de quartzquartz qui laisse passer l'ultraviolet.

    Si cette expérience se révèle concluante, l'étape suivante sera d'installer un télescope de 3 mètres, couplé à un laser de 10.000 fibres. À plus long terme, « on peut envisager le lancement d'un satellite sur une orbite polaire à quelque 800 kilomètres d'altitude », là où évoluent la plupart des satellites d'observation de la Terre et où les débris spatiaux sont les plus nombreux. Autre idée, « le développement d'un dispositif miniaturisé à installer à bord d'un satellite qui l'utiliserait en cas de nécessité ».