Alors qu'un navire est actuellement dans la zone où se trouvent des débris qui pourraient être ceux du Boeing 777 du vol 370 de Malaysia Airlines, les hypothèses tournent un peu en rond. Des enquêteurs, dont ceux du BEA français, sont actuellement au travail pour décrypter ce qui peut l'être. Il faut en revenir aux faits... mais il en manque.

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    Une lueur d'espoir de retrouver une trace du vol MH370 de Malaysia Airlines, disparu au-dessus de l'océan Indien le 8 mars 2014, vient de (re)naître après les déclarations, jeudi 20 mars, de l'Autorité australienne de sécurité maritime (Amsa). Les images fournies par des satellites montrent des débris flottants, dont « deux pourraient être liés aux recherches », le plus grand mesurant 24 m. L'information relance une enquête difficile sur une disparition mystérieuse. L'épave de l'avion est recherchée sur une zone immense du sud de l'océan Indien, bien plus vaste que celle où avaient été retrouvés quelques morceaux de l'Airbus A300 du vol AF447, puis l'épave près de deux ans après le crash.

    Le manque de données sur les premiers moments de cette affaire, quand l'avion disparaît des radars, interrompt les communications et change de cap laisse libre cours aux hypothèses les plus diverses. Rappelons que dans un tel cas, il faut d'abord réunir le maximum de données et s'en tenir aux faits. C'est ce que doivent répéter à chaque catastrophe les enquêteurs du BEA (Bureau d'enquêtes et d'analyse pour la sécurité de l'aviation civile). Trois d'entre eux ont d'ailleurs rejoint Kuala Lumpur, en Malaisie, pour participer à l'enquête. C'est désormais une force internationale, avec satellites et avions, qui est mobilisée pour comprendre cet accidentaccident hors norme.

    Hypothèses et éléments troublants

    Face à ces informations manquantes et à des éléments troublants, les hypothèses fleurissent, plausibles pour certaines mais qui restent toujours à vérifier. Parce que l'avion était piloté après le changement de cap, l'enquête s'oriente -- notamment -- sur un acte malveillant ou suicidaire du pilote ou de l'équipage. Le moindre indice ressemble alors à un soupçon, puis le soupçon à un acte d'accusation. Le commandant de bord, Zaharie Ahmad Shah, avait chez lui un simulateur de vol correspondant au Boeing 777 qu'il pilotait, et il aurait effacé des fichiers de son disque durdisque dur. Ces éléments pourraient donc indiquer qu'il a appris ainsi à trafiquer le système électronique de l'avion et qu'il a caché ses méfaits... ou bien qu'il était passionné par son métier. Devant ces incertitudes, il n'est donc pas inutile de revenir sur les faits connus.

    Le vol MH370 décolle de Kuala Lumpur dans la nuit, le samedi 8 mars à 0 h 41 (heure locale) et prend son cap vers Pékin. L'avion est un Boeing 777-200ER, un biréacteur long-courrier en version à grande autonomieautonomie (ER signifie extended range). Il embarque du carburant pour une autonomie de 8 h, soit les 6 h pour rallier Pékin et 2 h pour la sécurité, par exemple pour rejoindre un aéroport de dégagement en cas de problème. À bord se trouvent 239 personnes, dont 12 membres d'équipage.

    En rouge, les positions possibles du Boeing 777 disparu au moment du dernier contact par satellite (dont la position est indiquée par une croix, à 35.800 km d'altitude) et du dernier contact radar (<em>last radar contact</em>). L'avion était <em>« quelque part sur les lignes rouges »</em> (<em>somewhere on red lines</em>). © Gouvernement malaisien

    En rouge, les positions possibles du Boeing 777 disparu au moment du dernier contact par satellite (dont la position est indiquée par une croix, à 35.800 km d'altitude) et du dernier contact radar (last radar contact). L'avion était « quelque part sur les lignes rouges » (somewhere on red lines). © Gouvernement malaisien

    Les satellites apportent la preuve que l'avion a volé environ 7 h

    Peu de temps après le décollage, à 1 h 07, le système d'émission d'informations techniques (Acars, Aircraft Communication Addressing And Reporting System) est désactivé. L'Acars (un service payant) permet d'envoyer régulièrement une série d'informations, déterminées à l'avance (position, vitesse, altitude, paramètres moteur, etc.) qui servent à la compagnie, notamment pour la maintenance. Quelques minutes plus tard, l'avion quitte l'espace aérien malaisien et le copilote Fariq Abdul Hamid termine la communication par « all right, good night » (« eh bien bonne nuit »). À 1 h 21, le transpondeur est désactivé. Cet instrument, lorsqu'il reçoit le signal d'un radar secondaire, renvoie sur une fréquence voisine, et automatiquement, des informations dont un code que l'équipage enregistre lui-même. Il existe notamment trois codes de détresse (7600 pour une panne radio, 7500 pour un détournement et 7700 pour une panne très grave).

    Les radars civils perdent sa trace. Mais des radars militaires primaires de la Malaisie (qui positionnent l'avion en recevant directement son écho radar), dont les informations ont été analysées ensuite, repèrent l'avion très à l'ouest de sa destination, jusqu'à 2 h 15. L'appareil a effectué un virage à gauche peu après la fin de la communication radio pour prendre un cap ouest ou ouest-sud-ouest (alors que sa route initiale était environ nord-est). Selon différentes sources, les échos radar indiquent des changements de cap et également des variations d'altitude. L'avion serait monté à 45.000 pieds (environ 13.700 m), soit au-dessus du plafond normal pour cet appareil, puis serait descendu assez rapidement, avec un taux de descente compatible avec un décrochagedécrochage.

    À 8 h 11, le réseau de satellites d'Inmarsat reçoit une réponse à un « pingping » envoyé à l'avion. Comme pour mesurer la vitesse sur InternetInternet, un ping est régulièrement envoyé aux clients du service. Dans l'avion, le système Satcom répond immédiatement par un signal qui ne contient pas d'information (et donc qui n'indique pas la position). Parmi les hypothèses encore en cours (du moins celles rapportées par les médias) figure celle d'un acte terroriste de la part de l'équipage lui-même. D'une manière générale, toutes celles qui ont été émises sont imparfaites et clochent quelque part. Si l'équipage est coupable, il lui fallait d'abord désactiver le système Acars. De l'avis des pilotes, cette action est très difficile, car rien n'est prévu pour effectuer une telle opération depuis le cockpit. Pourtant, une autre rumeur, relayée par le New York Times, donne une autre information : le plan de vol aurait été modifié directement dans le FMS (Flight Management System) avant ou après le décollage. Il est possible en effet de le savoir si ces données ont été émises par l'ADS (Automatic Dependent Surveillance) en mode « B » (broadcastbroadcast), un système qui émet en permanence des informations sur la position de l'avion à destination des autres appareils et des contrôleurs. L'équipage a-t-il délibérément fait grimper l'avion à haute altitude pour tuer tous les passagers, ce qui aurait impliqué de désactiver aussi l'ouverture des trappes libérant les masques à oxygène ?

    Un Boeing 777-200ER de Malaysia Airlines. Dans cette version, ce biréacteur a une autonomie maximale de 14.300 km. Le premier exemplaire a été livré en février 1997. Celui du vol MH370 avait été mis en service en mai 2002. © Malaysia Airlines, Konstantin von Wedelstaedt, GNU 1.2

    Un Boeing 777-200ER de Malaysia Airlines. Dans cette version, ce biréacteur a une autonomie maximale de 14.300 km. Le premier exemplaire a été livré en février 1997. Celui du vol MH370 avait été mis en service en mai 2002. © Malaysia Airlines, Konstantin von Wedelstaedt, GNU 1.2

    Un peu trop d'hypothèses sur la disparition du vol MH370

    Restent toutes les autres hypothèses, comme celle d'un « exploit » au sens informatique du terme. Le Huffington Post rapporte la démonstration d'une simple application, PlaneSploit, qui serait capable, depuis un smartphone AndroidAndroid, de prendre le contrôle de l'informatique d'un avion, FMS, ADS-B et Acars inclus. Futura-Sciences avait détaillé le fonctionnement ce logiciellogiciel créé par Hugo Teso. « La prouesse [...] reste pour le moment improbable à réaliser en conditions réelles », concluait l'article.

    Une autre hypothèse a beaucoup de succès : celle d'un pilote canadien, Chris Goodfellow, sans rapport avec l'enquête. Publiée discrètement sur GoogleGoogle+ puis diffusée par Wired, elle explique l'événement par un feufeu électrique. Après avoir mis en panne l'Acars, il aurait généré de la fumée dans le cockpit, peu après la dernière communication radio. Les pilotes font alors ce que l'on doit faire dans ce cas : débrancher tous les systèmes électriques puis les rebrancher un par un pour repérer le fautif et dérouter l'avion vers une piste propice. Séparé par un massif montagneux de Kuala Lumpur, l'équipage aurait visé l'aéroport de Pulau Langkawi, sur une île dans l'ouest de la Malaisie. La montée aurait pu être décidée pour tenter d'étouffer l'incendie par défaut d'oxygène, et la descente serait le résultat d'un décrochage ou d'une descente d'urgence. La fumée aurait eu raison de l'équipage (s'il y a des flammes, les masques à oxygène sont déconseillés) et le pilote automatique aurait continué à diriger l'avion jusqu'à épuisement du carburant. Quant aux changements de cap observés, ils proviendraient des imprécisions des radars primaires. L'hypothèse est, au mieux, plausible comme bien d'autres... Les enquêteurs, eux, cherchent les indices.