Un robot sous-marin vient d'atteindre le fond de la fosse des Mariannes, à plus de dix mille mètres de profondeur, sur les traces de Jacques Piccard qui avait atteint le point le plus bas du globe en 1960. Mais depuis 2003, plus aucun engin n'était capable de descendre au-delà de six mille cinq cents mètres.

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    Le Nereus à l'essai, au mois d'avril, avant sa plongée dans la fosse des Mariannes, au plus profond des océans du globe. © Tom Kleindinst / Woods Hole Oceanographic Institution

    Le Nereus à l'essai, au mois d'avril, avant sa plongée dans la fosse des Mariannes, au plus profond des océans du globe. © Tom Kleindinst / Woods Hole Oceanographic Institution

    Il en est presque des grands fonds comme de la LuneLune. Après les conquêtes des années 1960, les hommes ont déserté l'endroit. Le 23 janvier 1960, le Suisse Jacques Piccard et l'Américain Don Walsh atteignent ChallengerChallenger Deep, le point le plus profond de la planète, au plus bas de la fosse des Mariannes, dans l'océan Pacifique, par 11° 21' de latitude nord et 142° 12' de longitude est. Ils descendent à bord d'un bathyscaphebathyscaphe, le Trieste, conçu par Auguste PiccardAuguste Piccard, père de Jacques, et atteignent une profondeur estimée  par la suite à 10.916 mètres.

    Le <em>Nereus</em> avant une plongée, mis à l'eau depuis le <em>Kilo Moana</em>, un navire basé à Honolulu (cliquer sur l'image pour l'agrandir). Ce Rov pèse trois tonnes et mesure 4,25 mètres de longueur pour 2,3 de large. Il est relié au navire par un long câble en fibre de verre protégée par une couche de plastique. Fin comme un cheveu, il mesure 40 kilomètres de longueur. Un câble en acier, trop lourd, se briserait sous son propre poids. Cette fibre optique sert à transmettre les commandes et, dans l'autre sens, à envoyer les images des caméras du bord. Dans l'eau, le <em>Nereus</em> est allégé par des flotteurs (qui jouent le rôle du ballon dans un dirigeable) constitués d'environ 800 sphères creuses de 9 centimètres de diamètre. La propulsion électrique et l'électronique sont alimentées par 4.000 batteries lithium-ion. © Matt Heintz, <em>Woods Hole Oceanographic Institution</em>

    Le Nereus avant une plongée, mis à l'eau depuis le Kilo Moana, un navire basé à Honolulu (cliquer sur l'image pour l'agrandir). Ce Rov pèse trois tonnes et mesure 4,25 mètres de longueur pour 2,3 de large. Il est relié au navire par un long câble en fibre de verre protégée par une couche de plastique. Fin comme un cheveu, il mesure 40 kilomètres de longueur. Un câble en acier, trop lourd, se briserait sous son propre poids. Cette fibre optique sert à transmettre les commandes et, dans l'autre sens, à envoyer les images des caméras du bord. Dans l'eau, le Nereus est allégé par des flotteurs (qui jouent le rôle du ballon dans un dirigeable) constitués d'environ 800 sphères creuses de 9 centimètres de diamètre. La propulsion électrique et l'électronique sont alimentées par 4.000 batteries lithium-ion. © Matt Heintz, Woods Hole Oceanographic Institution

    La fosse des Mariannes a ensuite vécu une longue période de tranquillité et n'a revu un engin fabriqué de main d'homme que 35 ans plus tard. En 1995 puis en 1998, Kokai, un ROV (Remote Operated Vehicle) japonais, a exploré Challenger Deep.

    Parmi les sédiments récupérés par l'engin téléguidé depuis la surface, Hiroshi Kitazato et ses collègues ont repéré la présence de foraminifères vivant paisiblement à près de 11.000 mètres. La carrière de Kokai s'est arrêtée en 2003 lorsqu'un câble s'est rompu tandis qu'il explorait la fosse de Nankai.

    Le bras du Nereus peut collecter des échantillons (cliquer sur l'image pour l'agrandir). On le voit ici à l'œuvre au fond de la fosse des Mariannes.<br />© <em>Woods Hole Oceanographic Institution</em>

    Le bras du Nereus peut collecter des échantillons (cliquer sur l'image pour l'agrandir). On le voit ici à l'œuvre au fond de la fosse des Mariannes.
    © Woods Hole Oceanographic Institution

    Un monde à découvrir

    Depuis la perte de cet engin, les océanographes ne disposaient plus de sous-marins, habités ou téléguidés, capables de descendre à plus de 6.500 mètres. En France, l'Ifremer utilise le Nautile (avec équipage) et le Victor 6000, un Rov.

    La situation vient de changer grâce à la Woods Hole Oceanographic Institution. Depuis le navire Kilo Moana, un Rov, le Nereus, a à son tour parcouru la fosse des Mariannes. La plus profonde des plongées, sur Deep Challenger, a amené l'engin de trois tonnes, relié au navire par un câble en fibre de verre, à 10.902 mètres.

    Dans la main d'Eleonor Bors, étudiante, une holothurie (ou concombre de mer), un échinoderme comme les oursins et les étoiles de mer, trouvée dans la fosse des Mariannes (cliquer sur l'image pour l'agrandir).<br />© Barbara Fletcher, <em>SPAWAR Systems Center Pacific</em>

    Dans la main d'Eleonor Bors, étudiante, une holothurie (ou concombre de mer), un échinoderme comme les oursins et les étoiles de mer, trouvée dans la fosse des Mariannes (cliquer sur l'image pour l'agrandir).
    © Barbara Fletcher, SPAWAR Systems Center Pacific

    Durant ses dix heures de plongée, l'appareil a pu collecter des sédiments à différentes profondeurs, ramenant des animaux et des roches et l'expédition revient vers Hawaï où elle est attendue le 5 juin.

    La mise en œuvre du Nereus inaugure de nouvelles campagnes d'exploration qui seront nécessairement fructueuses car les fonds marins au-delà de 6.000 mètres sont très peu connus, bien moins que la surface de la Lune, de Mars, de MercureMercure ou de TitanTitan.