Certains déserts océaniques permettent une pénétration profonde de l’oxygène au sein des sédiments. Une nouvelle étude révèle que des microorganismes enterrés depuis 86 millions d’années ont toujours recours à ce gaz pour survivre, mais ils ont dû réduire leur métabolisme pour s’accommoder de la faible quantité d’O2 disponible. Voici un nouveau cas d’adaptation de la vie aux conditions extrêmes.

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    Les prélèvements de sédiments étudiés par Hans Roy ont été réalisés en janvier et février 2009 à partir du navire océanographie R/V Knorr, propriété du Woods Hole Oceanographic Institution. Mis à l'eau en 1968, ce vaisseau peut emporter 32 scientifiques pour des missions en mer de maximum 60 jours. © Hans Roy

    Les prélèvements de sédiments étudiés par Hans Roy ont été réalisés en janvier et février 2009 à partir du navire océanographie R/V Knorr, propriété du Woods Hole Oceanographic Institution. Mis à l'eau en 1968, ce vaisseau peut emporter 32 scientifiques pour des missions en mer de maximum 60 jours. © Hans Roy

    Des particules minérales et biologiques précipitent constamment vers le fond des océans depuis des millions d'années. Leurs dépôts  forment différentes couches, ou strates, pouvant fournir de nombreuses informations sur l'histoire de la Terre. Les sédiments océaniques abritent également environ 90 % des microorganismesmicroorganismes peuplant la Planète, principalement des bactéries. Ils respirent de l'oxygène qui diffuse à partir de l'eau de mer et se nourrissent d'organismes morts tels que des algues.

    La plupart du temps, l'intégralité de l'O2 pénétrant les fonds océaniques est consommée dans les 10 premiers centimètres. Les organismes vivant plus profondément doivent avoir recours à d'autres carburants biochimiques. Certaines régions de la gyre du Pacifique nord (1.000 km au nord d'Hawaï), pauvres en éléments nutritifs, abritent peu d'algues. Le taux de sédimentationsédimentation y est donc lent - 1 mm par millénaire. Les bactériesbactéries vivant sur le fond recevant peu de nourriture, elles sont moins nombreuses. L'oxygène n'est pas consommé rapidement et peut diffuser plus profondément, parfois sur plusieurs dizaines de mètres. 

    Hans Røy, de l'université d'Aarhus au Danemark, a voulu déterminer si la diffusiondiffusion de l'O2 dans cette région permettait d'assurer la vie au sein de sédiments profondément enfouis. La réponse est affirmative : des communautés de microorganismes installées depuis 86 millions d'années respirent de l'oxygène grâce à un étonnant ralentissement de leur métabolismemétabolisme. Cette découverte est présentée dans la revue Science.

    Un tube similaire à celui-ci a été utilisé pour échantillonner les sédiments. Il est simplement enfoncé dans la boue. À la manière d'une seringue, un gros piston aspire les échantillons. © Bo Barker Jørgensen via <em>Science</em>/AAAS

    Un tube similaire à celui-ci a été utilisé pour échantillonner les sédiments. Il est simplement enfoncé dans la boue. À la manière d'une seringue, un gros piston aspire les échantillons. © Bo Barker Jørgensen via Science/AAAS 

    Un métabolisme lent pour une survie prolongée

    Un tube de 30 mètres de long a été utilisé pour extraire un échantillon de sédiments. Chaque strate a ensuite été insérée dans un appareil mesurant la quantité d'oxygène dissout. Les valeurs devant être obtenues en absence de microorganismes étaient connues, une différence avec les mesures indiquent la présence de communauté de microorganismes, consommateurs de l'oxygène. Le taux de consommation moyen de chaque groupe peut également être déterminé. 

    Des bactéries respirant de l'O2 ont été trouvées jusqu'à 30 mètres de profondeur. Elles auraient été enterrées durant le CrétacéCrétacé supérieur, du temps des dinosaures. Les communautés de surface consomment 10 micromoles d'oxygène (µM) par litre de sédiment et par an. Leurs homologues emprisonnées depuis 86 millions d'années ont quant à elles un taux nettement inférieur de 0,001 µM par litre et par an, soit 10.000 fois moins. Par comparaison, l'oxygène contenu dans une seule de nos respirations permettrait de faire vivre les microorganismes contenus dans un mètre cube de sédiment durant... dix ans. Leur nourriture se compose de matériels organiques mais elle est également consommée à une vitessevitesse incroyablement faible.

    Ces microorganismes profondément enfouis dans les fonds marins survivent donc grâce à un ralentissement extrême de leur métabolisme. Il est important de déterminer le minimum de ressources requises pour maintenir la vie sur Terre, non seulement pour mieux comprendre le fonctionnement passé et actuel de la Planète, mais aussi, selon plusieurs chercheurs, pour émettre des hypothèses sur le développement de la vie sur d'autres planètes.