Installé par 20 m de fond en mer d'Iroise, au large de Molène, en Bretagne, l'observatoire Medon appartient à une nouvelle génération d'instruments. Opérant en permanence, cet engin automatique réalisé par l'Ifremer transmet ses observations à terre en temps réel grâce à un câble. Et même, bientôt, sur Internet avec un accès libre ! Nadine Lantéri, responsable du projet pour l’Ifremer, revient pour Futura-Sciences sur ses principales caractéristiques.

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    Les activités anthropiques impactent les fonds marins, qu'ils soient situés à proximité du littoral ou au large, à de grandes profondeurs. Pour détecter ces évolutions, il faut étudier et suivre ces milieux dans le temps. Ue telle démarche nécessite cependant de gros moyens logistiques, humains ou financiers, surtout si l'on souhaite mettre en place un suivi à grande échelle.

    La solution aujourd'hui pour s'affranchir des navires de recherches et des engins sous-marins consiste à installer de véritables laboratoires sous-marins pérennes. Câblés, afin d'éviter les limitations imposées par le stockage des données ou l'alimentation des systèmes, et pour transmettre des informations en temps réel, ils doivent être autonomes, nécessitant donc peu d'interventions à distance des opérateurs.

    C'est dans cette optique qu'est né l'observatoire sous-marin câblé développé par l'Ifremer dans le cadre du projet INTEREG « MeDON » (pour Marine e-Data Observatory Network), piloté par le Plymouth Marine Laboratory. Ce dispositif a été installé le 13 juin dernier par 20 m de fond au cœur du parc marin d’Iroise, au large de Molène. Il est relié à la terre ferme par un câble long de 2 km et transmet des données physicochimiques mais aussi des sons et des images. Nadine Lantéri, responsable du projet à l'Ifremer, revient pour Futura-Sciences sur les objectifs et les avantages de cette installation.

    Après un mois d'immersion, des plongeurs (ici Michel Répécaud) ont réalisé une maintenance préventive de l'observatoire sous-marin Medon. Quinze jours auront suffi pour que certains poissons puissent prendre leurs quartiers à proximité de l'installation. Elle est pourtant située sur une grande étendue de sable. © Olivier Dugornay, Ifremer

    Après un mois d'immersion, des plongeurs (ici Michel Répécaud) ont réalisé une maintenance préventive de l'observatoire sous-marin Medon. Quinze jours auront suffi pour que certains poissons puissent prendre leurs quartiers à proximité de l'installation. Elle est pourtant située sur une grande étendue de sable. © Olivier Dugornay, Ifremer

    Medon, un observatoire sous-marin pour le grand public

    « Le projet Medon vise à proposer un nouveau mode de surveillance des milieux côtiers avec le principe et la technologie des laboratoires sous-marins. Lors de sa conception, notre objectif était de faire quelque chose d'assez facile à maintenir et sur lequel on puisse rapidement intervenir sans avoir besoin de programmer des bateaux ou l'utilisation de Rov (NDLRNDLR : un sous-marin filoguidé commandé à distance), ceci afin de pouvoir être réactifréactif pendant la phase d'essai. »

    La particularité de Medon réside dans le fait qu'il n'est pas uniquement destiné à l'observation du milieu. Pour l'Ifremer, il s'agit également d'un démonstrateurdémonstrateur technologique intégrant des solutions éprouvées dans l'industrie dans un système dédié au monde sous-marin, par exemple, la gestion des pannes au fond. Si un capteurcapteur est défaillant, le système intègre un dispositif pouvant couper l'alimentation et envoyer des alarmes. Depuis la terre, les opérateurs sont alors en mesure d'identifier les dysfonctionnements, de couper les sondes défectueuses, le tout bien sûr pour maintenir le reste du système opérationnel.  

    L'observatoire embarque de nombreux outils. « L'Ifremer a réalisé les infrastructures et a installé trois capteurs à bord : une caméra HD, un courantomètre à effet dopplereffet doppler détectant le courant dans la colonne d'eau et la houle, un piézomètrepiézomètre pouvant réaliser des mesures de sismicité (en test). Le Plymouth Marine Laboratory, le coordinateur du projet, a fourni une sonde multiparamètre réalisant des mesures hydrologiques : température, oxygénation, fluorescence, etc. L'Ensta Bretagne [NDLR : l'École nationale supérieure des techniques avancées Bretagne] a installé des hydrophones pour écouter les bruits marins. Il n'y en a que deux pour l'instant mais l'idée est d'en mettre trois afin de pouvoir réaliser de la triangulationtriangulation du signal et localiser la source de l'émissionémission sonore, des dauphins par exemple. »

    Grâce à son petit format, Medon ne nécessite pas de gros navires pour sa mise en place. L'observatoire a plus précisément été réalisé par les équipes de l’unité Recherches et développements technologiques de l’Institut Carnot Ifremer-Edrome et par France Télécom Marine avec l’aide d’Iroise Mer. © Yves Gladu, Ifremer

    Grâce à son petit format, Medon ne nécessite pas de gros navires pour sa mise en place. L'observatoire a plus précisément été réalisé par les équipes de l’unité Recherches et développements technologiques de l’Institut Carnot Ifremer-Edrome et par France Télécom Marine avec l’aide d’Iroise Mer. © Yves Gladu, Ifremer

    Des dimensions modestes mais de grands enjeux

    L'installation se compose de deux étages. La partie basse mesure environ 2,5 m de côté et pèse 1,5 t. Elle sert à ancrer Medon au fond, ou plutôt à l'y maintenir car il est juste posé. La partie supérieure est quant à elle plus petite (2,3 m de longueur et 1 m de largeur) et pèse 300 kgkg. Elle accueille tous les instruments. Aucun forage n'a donc été réalisé, comme le confirme Nadine Lantéri : « On restituera la zone dans sa configuration initiale. Quand on dépose des infrastructures de ce type sur des espaces protégés, on s'engage à remettre le milieu dans l'état où il était. On retirera aussi le câble et tout ce qui va avec ». L'installation va fonctionner pendant douze mois dans le cadre du projet Medon, mais l'Ifremer a comme objectif de maintenir un observatoire pilote sur une dizaine d'années pour valider les principes et être prêt pour ensuite déployer d'autres systèmes.

    « Nous allons rentrer dans une phase opérationnelle, les observatoires vont remplir des fonctions plus différenciées. Par exemple, un besoin de ce type d'installation a été identifié au large de Marmara en Turquie, au niveau de la faille nord anatolienne. Elle est en activité et présente des portions qui n'ont pas encore cassé. Leur rupture menacerait Istanbul. C'est un site potentiel de déploiement d'un observatoire pour surveiller l'activité sismique et mettre au point des méthodes d'avertissement en cas de dangers imminents pour la population. C'est à 800 m de fond et c'est loin de chez nous. Le fait d'avoir un recul de plusieurs années sur la technologie requise nous prépare à ce travail. Mais la première applicationapplication reste actuellement de surveiller le milieu marin. » Plusieurs parcs seraient d'ailleurs déjà intéressés par cette technologie.

    L'observatoire va franchir une nouvelle étape dans son évolution courant octobre. L'instrumentation va être sortie de l'eau afin de subir sa première grosse opération de maintenance. Les données et images vidéo seront ensuite diffusées en temps réel et, comme l'espèrent les membres du projet, en libre accès sur InternetInternet. Des roussettes, des poissons et peut-être même des dauphins vont pouvoir nous émerveiller.