Alors qu'elles peuvent paraître protégées, les eaux situées à environ 1.000 mètres de profondeur se réchauffent aussi. C'est d'autant plus inquiétant que le phénomène est plus rapide que dans les eaux de surface.


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    Malgré les centaines de mètres qui les séparent de la surface et des records de température toujours plus hauts, les eaux mésopélagiques, situées entre 200 et 1.000 mètres de profondeur, se réchauffent à un rythme alarmant. Cette zone abrite de nombreuses espèces de petits poissons qui nourrissent les grands prédateurs comme les thons, certains cétacés ou l'espèce humaine.

    Une étude menée conjointement par l'université d'Hokkaido au Japon et du Queensland en Australie a analysé la vitessevitesse des changements climatiques à travers les profondeurs de l'océan. Selon leur publication parue dans Nature Climate Change, les eaux les plus profondes ne sont pas épargnées.

    Les différentes zones de l'océan selon la profondeur. © Domaine public
    Les différentes zones de l'océan selon la profondeur. © Domaine public

    Les eaux profondes se réchauffent plus vite que les eaux de surface

    Dans cette publication, les chercheurs se sont intéressés à une donnée particulière appelée « climate velocity » que l'on peut traduire littéralement par « vitesse climatique ». Celle-ci correspond à la vitesse et la direction des changements climatiques d'un environnement donné. Elle permet de mettre en lumièrelumière la menace qui pèse sur la biodiversité qui doit faire face aux changements, le plus souvent trop rapides.

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    Jamais les océans n’ont été aussi chauds

    Si les eaux de surface se réchauffent rapidement, c'est d'autant plus vrai pour les eaux situées à plus de 1.000 mètres de profondeur. Selon les chercheurs, la température de ces eaux a changé deux à quatre fois plus rapidement entre 1955 et 2005 que les eaux de surface. L'évolution du changement de température dans les eaux profondes a été simulée selon plusieurs scénarios. Des diminutions drastiques (scénario RCP2.6) des émissionsémissions de gaz à effet de serre permettraient de ralentir ce phénomène dans les eaux de surface, mais pas dans les eaux mésopélagiques, où l'accélération se poursuit.

    Et selon les prédictions faites par les scientifiques, le phénomène devrait se poursuivre dans le futur. À la fin du siècle, les vitesses du changement climatique dans la couche mésopélagique de l'océan devront être entre 4 et 11 fois supérieures aux vitesses actuelles dans les eaux de surface. Et cela sous toutes les latitudeslatitudes, à l'exception des pôles.

    La vitesse climatique en kilomètre par décennie pour les températures des océans maintenant (1955-2005) et les projections futures (2050-2100) à la surface de l'océan et dans les eaux mésopélagiques selon plusieurs scénarios d'émission de gaz à effet de serre. (RCP2.6, RCP4.5 et RCP8.5). © Isaac Brito-Morales et al., <em>Nature Climate Change</em>
    La vitesse climatique en kilomètre par décennie pour les températures des océans maintenant (1955-2005) et les projections futures (2050-2100) à la surface de l'océan et dans les eaux mésopélagiques selon plusieurs scénarios d'émission de gaz à effet de serre. (RCP2.6, RCP4.5 et RCP8.5). © Isaac Brito-Morales et al., Nature Climate Change

    La biodiversité menacée

    Ce n'est pas une bonne nouvelle pour la biodiversité. La zone mésopélagique abrite, entre autres, des poissons-lanternes (ou Myctophidae), une vaste famille qui regroupe plus de 200 espèces différentes. Ces petits poissons sont la nourriture de base de plusieurs grands prédateurs.

    La biodiversité des grands fonds est susceptible d’être plus à risque

    « Nos résultats suggèrent que la biodiversité des grands fonds est susceptible d'être plus à risque car ils sont adaptés à des environnements thermiques beaucoup plus stables, explique dans un communiqué de presse Jorge García Molinos, écologiste climatique au Centre de recherche arctiquearctique de l'université d'Hokkaido, qui a contribué à l'étude. Alors qu'on ne sait pas si et comment les espèces des profondeurs peuvent s'adapter à ces changements, nous recommandons de suivre une approche prudente qui limite les effets négatifs des activités humaines comme l'exploitation minière et la pêchepêche en eaux profondes, ainsi que la création d'un réseau de grandes aires marines protégées pour les grands fonds », conclut-il.


     Les océans se réchauffent 13 % plus vite que prévu

     Article publié le 15 mars 2017 par Xavier DemeersmanXavier Demeersman

    Une équipe de chercheurs a quantifié la chaleurchaleur absorbée par l'océan mondial entre 1960 et 2015, en parvenant à harmoniser les résultats de mesures effectuées avec des méthodes différentes. Leurs résultats montrent que le réchauffement est plus élevé que prévu de 13 %, et qu'il s'accélère.

    Au cours de ces 60 dernières années, « le taux de réchauffement de la planète a considérablement changé » relate dans The Guardian John Abraham, professeur de sciences thermiques et coauteur, avec d'autres chercheurs, climatologuesclimatologues et océanographes, d'une étude sur l'évolution des températures des océans qui vient de paraître dans Science Advances.

    Pour lui et ses collègues, l'océan mondial, qui absorbe 93 % de l'excès de chaleur dû au changement climatique, conserve la mémoire récente du réchauffement. Comprendre la répartition des températures sur tout le Globe, leur évolution et les échanges avec l'atmosphèreatmosphère est crucial pour prédire les conséquences dans le futur.

    « L'un des principaux résultats montre que nous sommes en train de chauffer 13 % plus vite qu'on ne le pensait précédemment, rapporte le professeur. Et il s'accélère ». En effet, en 1992, « le taux de réchauffement était presque deux fois plus important que celui de 1960 ». De pus, depuis 1990, l'élévation des températures des océans ne concerne plus seulement les eaux en surface mais aussi celles jusqu'à une profondeur de 700 m.


    Extrait du film Avant le déluge. Le changement climatique expliqué à Leonardo Dicaprio. © National Geographic

    Combler les lacunes des données du passé

    Depuis 2005, il est devenu aisé de suivre l'évolution des températures des océans de la surface jusqu'à 2.000 m de profondeur grâce au réseau de balises flottantes Argo. Elles sont près de 3.500 à collecter régulièrement des données, transmises ensuite par satellite. En revanche, auparavant elles étaient relevées par des bathythermographes, répartis inégalement sur le Globe car déployés surtout par des navires le long des routes commerciales, pour la plupart dans l'hémisphère nordhémisphère nord.

    Le problème à résoudre est donc d'harmoniser ces relevés et de combler les lacunes afin de réaliser la meilleure quantificationquantification possible du réchauffement global lors de ces dernières décennies. Pour cela, explique le chercheur, « nous avons premièrement corrigé les données antérieures des biais connus dans les mesures. Deuxièmement, nous avons rapporté les mesures de températures aux résultats calculés à partir de modèles informatiques climatiques avancés. Troisièmement, nous avons appliqué la connaissance des températures à de plus grandes surfaces, si bien qu'une seule mesure est représentative d'un grand espace autour du site évalué. Enfin, nous avons utilisé la connaissance des températures récentes et bien observées pour démontrer que cette méthode a produit d'excellents résultats ». Ils ont ainsi pu remonter jusqu'à la fin des années 1950.

    Une des rivières atmosphériques à l’origine de pluies diluviennes en Californie, en février 2017. © EarthObservatory
    Une des rivières atmosphériques à l’origine de pluies diluviennes en Californie, en février 2017. © EarthObservatory

    Les chercheurs ont pu constater que le réchauffement observé des eaux corrobore les prédictions des modèles climatiquesmodèles climatiques. En outre, il ressort de leurs résultats que les océans du sud ont été les premiers à réagir, puis furent suivis plus récemment par l'Atlantique et l'océan Indien.

    Les auteurs rappellent les liens des océans avec la météométéo et le climatclimat. Des températures plus élevées, cela signifie davantage de tempêtes, de typhons et d’ouragans... « Ce processus est une raison majeure pour laquelle 2016 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée, battant le précédent record de 2015, écrivent-ils. En outre, 2015 a été une année avec des records d'ouragansouragans, de vaguesvagues de chaleur, des sécheressessécheresses et des feux de brousse à travers le monde. » D'ailleurs, pour eux, les pluies torrentielles qui ont sévi cet hiverhiver en Californie en seraient une autre démonstration.


    L’impact du réchauffement climatique sur l’océan mondial enfin mesuré

    Article de Quentin Mauduit publié le 08/08/2013

    Les espèces marines migrent vers les pôles en réponse au réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Par ailleurs, la vitesse à laquelle se déplacent certaines de leurs aires de distributionaires de distribution étonne. Voici les informations clés d'une étude qui a examiné la réponse globale de l'océan mondial à l'augmentation de la température de ses eaux de surface. Une première.

    Depuis quelques années, les revues spécialisées nous livrent régulièrement des études qui décrivent les effets du réchauffement climatique sur un taxontaxon ou un écosystèmeécosystème précis. Grâce à elles, nous avons pu nous forger une image de la réponse apportée par les milieux terrestres. En revanche, la situation est toute autre pour le plus grand écosystème de la planète : l'océan mondial. Certes, nous avons dernièrement appris que les poissons migrent vers le nord et deviennent de plus en plus petits, que des coraux sont fragilisés par l'acidification des eaux (tandis que d'autres s'en accommodent), que les baleines grises changent de régime alimentaire, etc.

    Bien sûr, ces données sont intéressantes, mais elles ne reflètent pas la réponse globale de l'océan à la montée en température de ses eaux de surface. En effet, elles sont trop ciblées et trop localisées, mais les choses viennent de changer grâce à un projet dirigé par le National Center for Ecological Analysis and Synthesis (NCEAS, États-Unis). Des scientifiques de 17 institutions ont compilé en trois ans une base de donnéesbase de données qui répertorie 1.735 comportements biologiques adoptés par des organismes marins ou des communautés marines en réponse au réchauffement climatique. En moyenne, ils ont été étudiés sur des périodes de 40 ans.

    L'analyse de cette base de données a déjà révélé de précieuses informations, qui viennent d'être présentées dans la revue Nature Climate Change par Elvira Poloczanska, en tant que première auteure. La conclusion générale confirme en partie ce que nous savions déjà : de nombreuses espèces marines migrent vers les pôles. La surprise est venue de la vitesse à laquelle certaines aires se déplacent.

    Plusieurs espèces marines ont déjà adapté leur période de reproduction, de migration ou de prise de nourriture en réponse au réchauffement climatique. © Chris Brown, UCSB
    Plusieurs espèces marines ont déjà adapté leur période de reproduction, de migration ou de prise de nourriture en réponse au réchauffement climatique. © Chris Brown, UCSB

    Le phytoplancton migre de 46,7 km par an vers les pôles

    En effet, la limite supérieure de la distribution des espèces marines remonterait en moyenne de 72 km par décennie, soit bien plus que la vitesse moyenne de 6 km par décennie affichée par les organismes terrestres. Un détail d'importance doit être précisé : l'augmentation de la température des océans est trois fois moins rapide que celle affectant les milieux terrestres. C'est dire si la réponse des organismes marins confrontés au réchauffement climatique est importante. Les groupes les plus actifs sont le phytoplancton (467 km par décennie), les poissons osseux (277 km par décennie) et le zooplanctonzooplancton invertébréinvertébré (142 km par décennie).

    Des changements conséquents ont également été notés dans la périodicité des événements océaniques (comme les efflorescences algales). Maintenant, au printemps, certains d'entre eux se produiraient en moyenne quatre jours plus tôt qu'auparavant (contre deux jours pour les phénomènes périodiquesphénomènes périodiques terrestres). Une fois encore, cela dépend des taxons considérés. Certains événements liés au zooplancton invertébré ou aux larveslarves de poissons osseux arrivent maintenant avec 11 jours d'avance par rapport à ce qui s'observait par le passé.

    Le réchauffement climatique est bien en cause

    Reste à savoir si le réchauffement climatique est bien responsable de ces changements de comportement. Plusieurs indices le confirment. Par exemple, au sein d'une même communauté, les poissons aimantaimant plutôt les eaux chaudes, ou au contraire les eaux froides, réagissent différemment. Par ailleurs, des populations distinctes d'un taxon ont eu les mêmes réponses à l'augmentation des températures. Des statistiques ont été faites pour appuyer ces observations. Au total, près de 81 % des changements répertoriés, que ce soit en matièrematière de distribution, de phénologie, de composition de communauté, d'abondance ou de démographie, seraient significativement corrélés au réchauffement.

    Cette étude devrait grandement venir en aide aux experts du Giec qui, grâce à elle, pourront mieux préciser les conséquences du réchauffement climatique sur la vie marine dans leur cinquième rapport. Son premier volet (physiquephysique de l'atmosphère) devrait paraître en 2013, tandis que les deux autres sont prévus pour 2014.