Les récifs coralliens ne se trouvent pas qu'au large de l'Australie ou dans les eaux tempérées. Ils prospèrent aussi dans les eaux froides et sombres du Groenland. Des scientifiques ont mis au jour un jardin sous-marin unique dans la baie de Davis, le premier en son genre dans cette région.


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    On imagine les coraux comme des communautés colorées qui se développent en récif dans les eaux chaudes et peu profondes. Pourtant, ils existent aussi dans les profondeurs de mers plus froides. Des chercheurs danois et anglais ont identifié au large du détroit de Davis, entre le Groenland et le Canada, un jardin sous-marin exceptionnel. Sous les eaux glacées de l'océan Arctique, une colonie de coraux mous prospère à environ 500 mètres de profondeur. Cet écosystème, unique en son genre dans cette région, a été décrit dans un article paru dans Frontiers in Marine Science.

    Un aperçu du jardin de corallien identifié à 550 mètres de profondeur au large du Groenland. On peut y voir des éponges, des anémones et des crinoïdes. © ZSL, GINR
    Un aperçu du jardin de corallien identifié à 550 mètres de profondeur au large du Groenland. On peut y voir des éponges, des anémones et des crinoïdes. © ZSL, GINR

    Un jardin corallien dans les eaux glacées et sombres

    Grâce à un dispositif peu onéreux composé d'une caméra GoPro, des lumièreslumières et laserslasers fixés, tous protégés par des housses pressurisées, sur une mouture métallique, les chercheurs ont pu identifier les espèces présentes, grâce à une vidéo de ce jardin tapi dans les ténèbres.

    Le jardin corallien est dense : plus de 9 coraux par mètre carré. Parmi les 150 espèces identifiées, les coraux mous, comme les grognonnes, de l'ordre des Alcyonacea et plusieurs espèces de coraux « chou-fleur » sont prédominants. En plus des coraux, les scientifiques ont aussi observé de nombreuses espèces benthiquesbenthiques vivant à ces profondeurs, comme des éponges ou des crinoïdescrinoïdes. Ces espèces ont été déjà observées près de l'Islande mais jamais à l'ouest du Groenland

    « Les jardins de coraux sont caractérisés par une collection d'une espèce, ou plus, de corailcorail (qui ne forme pas de récif), installée sur des sols durs ou mous allant du sablesable à la roche, et qui abritent une faunefaune très diverse », explique, dans un communiqué, Chris Yesson, chercheur de la Société zoologique de Londres ayant participé à l'étude.

    Cette oasis aquatique est située à proximité de zone de pêchepêche riche en flétans et en morues. Pour la protéger, les scientifiques proposent d'inscrire 486 km2 de cet écosystème en tant que « zone marine vulnérable » selon les critères de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agricultureagriculture (FAOFAO).

     

    Jardin de coraux et d'éponges, à 550 m. © ZSL, GINR


    Découverte : un récif corallien au Groenland

    Article publié le 29 janvier 2014 par Quentin Mauguit

    Par le plus grand des hasards, un premier récif corallienrécif corallien a été découvert au large du Groenland. Inutile d'espérer y plonger, il se trouve à plusieurs centaines de mètres de profondeur, dans une eau d'un peu moins de 5 °C soumise à de forts courants.

    Le hasard fait parfois bien les choses en science. Un nouvel exemple vient de nous parvenir du Groenland, précisément des fonds marins situés au large des côtes sud-ouest de ce territoire. Commençons... par le commencement. En juin 2012, un navire de recherche canadien se trouvait au sud d'Ivittuut lorsqu'une rosetterosette CTD a théoriquement été descendue par 900 m de fond, entre autres dans le but de prélever de l'eau. La surprise est arrivée à la remontée, lorsque les scientifiques ont constaté la destruction partielle de leur équipement, comme s'il s'était écrasé sur un obstacle.

    Dans leur malheur, ils ont néanmoins constaté qu'un fragment de Lophelia pertusa de 25 cm de long était pris dans le câble de la rosette. Or, il s'agit d'une espèce de corail qui a la particularité de produire un squelette calcairecalcaire et de vivre en colonie. En d'autres mots, c'est un constructeur de récif (ou scléractiniairescléractiniaire) bien connu dans les eaux froides de l'Atlantique, notamment au large de l'Islande et de la Norvège. C'est d'ailleurs dans ce pays que se trouve la plus grande formation connue. Située à 300 m de profondeur, elle mesure 35 km de long, 3km de large et 35 m de haut.

    Un peu plus tard la même année, en septembre et octobre 2012, un autre navire de recherche canadien, le CCGS Henry Larsen, est retourné sur le site de l'incident, cette fois dans le but d'envoyer une caméra sur les fonds marins. Des images ont ainsi été récoltées entre 670 et 1.025 m de profondeur. Elles ont très nettement révélé l'existence d'un récif corallien, le tout premier localisé dans les eaux du Groenland.

    Photographie du fragment de <em>Lophelia pertusa </em>vivant qui a été remonté au large du Groenland en juin 2012, accroché au câble d’une rosette CTD. © <em>Bedford Institute of Oceanography</em>
    Photographie du fragment de Lophelia pertusa vivant qui a été remonté au large du Groenland en juin 2012, accroché au câble d’une rosette CTD. © Bedford Institute of Oceanography

    Un récif corallien dans le noir complet

    Le récif se trouve à environ 800 m de profondeur, donc dans le noir complet, sur un affleurementaffleurement rocheux du talus continental. L'eau y a une température du 4,86 °C, qu'elle doit au passage de la branche nord-ouest du courant nord-atlantique. Autre détail d'importance, les courants marins sont particulièrement forts au niveau du récif. Ainsi, les deux conditions classiquement requises pour le développement de Lophelia pertusa sont réunies (température et courant).

    Cette découverte étend donc l'aire de distributionaire de distribution de cette espèce, tout en révélant une connexion possible entre les populations présentent de part et d'autre de l'Atlantique. Cette information devra cependant être confirmée par de nouvelles études, tout comme bien d'autres points. Par exemple, l'étendue du récif corallien n'a toujours pas été déterminée avec précision, ni son âge. À titre de comparaison, le récif norvégien précédemment évoqué aurait près de 8.500 ans, ce qui signifie qu'il s'est probablement développé après le retrait des glaces de la dernière période glaciaire.

    Cette découverte a été rapportée par l'université technique du Danemark (TUD Aqua), où travaille notamment Helle Jørgensbye qui s'intéresse de près à l'étude de ce site. Les récifs jouent un rôle crucial pour de nombreuses espèces de poissonspoissons ou d'invertébrésinvertébrés, en fournissant des ressources alimentaires ainsi que des habitats complexes où se réfugier. Cependant, ils sont particulièrement sensibles au chalutage. Les auteurs de la présentation faite dans Ices Insight suggèrent donc de protéger au plus vite le récif groenlandais et ses alentours.