L’océan est le plus important puits de carbone de la planète. Des chercheurs viennent de décrire le réseau d’organismes planctoniques impliqué. Le catalogue créé durant l’expédition Tara Oceans livre ainsi peu à peu ses secrets.

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    Aujourd'hui, la première vision globale du réseau d'espèces liées à la pompe biologique des océans a mis en lumièrelumière de nouveaux acteurs et les principales fonctions bactériennes concernées dans ce processus. Elle a été obtenue en analysant des échantillons récoltés dans des zones pauvres en nutrimentsnutriments, qui couvrent la plus grande partie des océans. Des scientifiques ont également démontré que la présence d'un petit nombre de gènesgènes bactériens et viraux prédit la variabilité de l'export de carbonecarbone vers les profondeurs océaniques. Leurs travaux soulignent l'importance du plancton dans la machine climatique.

    L'océan est le principal puits de carbone planétaire grâce à deux mécanismes principaux :

    • la pompe physiquephysique, qui entraîne les eaux de surface chargées en gaz carboniquegaz carbonique dissous vers des couches plus profondes où il se trouve isolé de l'atmosphère ;
    • la pompe biologique, qui fixe du carbone, soit dans les tissus des organismes via la photosynthèse, soit dans les coquillescoquilles calcairescalcaires de certains micro-organismesmicro-organismes. Une partie du carbone ainsi fixé sous forme de particules marines est par la suite entraînée en profondeur (on parle d'export de carbone) avant d'atteindre les grands fonds où elle sera stockée (on parle alors de séquestration). La pompe biologique est donc l'un des processus biologiques majeur permettant de confiner du carbone sur des échelles de temps géologiques.

    La pompe biologique, largement étudiée depuis les années 1980, fait intervenir le plancton des océans. Ces êtres microscopiques d'une variété extraordinaire (le plancton comprend des virus, des bactériesbactéries, des eucaryoteseucaryotes uni- et multicellulaires) produisent la moitié de l'oxygène de notre planète et sont à la base de la chaîne alimentairechaîne alimentaire océanique qui nourrit les poissonspoissons et les mammifèresmammifères marins. De nombreuses études ont mis en évidence que l'intensité de la pompe biologique est directement corrélée à l'abondance de certaines espèces planctoniques. Cependant, l'organisation des communautés impliquées dans le puits de carbone restait encore très largement méconnue.

    Un réseau planctonique associé à l'export de carbone

    En analysant des échantillons prélevés durant l'expédition Tara Oceans (2009-2013), une équipe interdisciplinaire réunissant des biologistes, des informaticiens et des océanographes, a levé le voile sur ces espèces planctoniques, leurs interactions et les principales fonctions associées à la pompe biologique dans les régions océaniques particulièrement pauvres en nutriments. Ces zones dominent dans les océans (plus de 70 %). Les chercheurs, principalement du CNRS, de l'université Pierre-et-Marie-Curie, de l'université de Nantes, de l'institut de recherche belge VIB (Vlaams Instituut voor BiotechnologieBiotechnologie), de l'EMBL (European Molecular Biology Laboratory) et du CEA (Commissariat à l'énergieénergie atomique et aux énergies alternatives), se sont appuyés sur de précédents articles publiés dans Science, notamment sur la première cartographie des interactions entre organismes planctoniques.

    Grâce à des analyses informatiques, ils ont ainsi décrit le premier « réseau socialréseau social planctonique » associé à l'export de carbone dans les régions pauvres en nutriments. De nombreux acteurs recensés, telles certaines alguesalgues photosynthétiques (en particulier des diatoméesdiatomées) ou des copépodes (ce sont des crevettes microscopiques), étaient déjà connus mais l'implication de certains micro-organismes (parasitesparasites unicellulaires, cyanobactériescyanobactéries et virus) dans l'export du carbone était jusqu'alors largement sous-estimée.

    Protistes divers collectés au cours de l’expédition Tara dans l’océan Indien. © Christian Sardet, Tara Océans, CNRS Photothèque

    Protistes divers collectés au cours de l’expédition Tara dans l’océan Indien. © Christian Sardet, Tara Océans, CNRS Photothèque

    Allant plus loin, les chercheurs ont ensuite caractérisé un réseau de fonctions, cette fois-ci constitué à partir de l'analyse des gènes des bactéries et des virus. La base de donnéesbase de données Tara Oceans a ainsi permis d'établir que l'abondance relative d'un petit nombre de gènes bactériens et viraux prédit une fraction significative de la variabilité de l'export de carbone vers les profondeurs océaniques. Une partie de ces gènes est impliquée dans la photosynthèse et le transport membranaire, favorisant, entre autres, la dégradation et la sédimentationsédimentation de la matièrematière organique. Cependant, la fonction de la majeure partie de ces gènes est encore inconnue.

    Comment le plancton influence-t-il le cycle du carbone ?

    Connaître la structure de ces réseaux et la fonction des gènes impliqués dans le cycle du carbonecycle du carbone ouvre de nombreuses perspectives, notamment la possibilité de modéliser des processus biologiques impliqués dans le cycle du carbone au sein des océans. Il devrait ainsi être possible de tester la robustesse de ces réseaux dans différentes conditions climatiques et de mieux appréhender comment les différentes espèces planctoniques influencent le cycle du carbone et la régulation du climatclimat. Un des objectifs à venir est de reproduire ce travail pour des régions océaniques riches en nutriments afin de compléter les réseaux planctoniques révélés et ainsi de mieux comprendre leurs dynamiques au niveau global.

    Pour disposer d'une vision complète de la pompe biologique à carbone, des travaux futurs devront être complétés par une approche intégrée de plus grande ampleur, notamment sur la mesure spatio-temporelle de la pompe elle-même (nature particulaire, répartition du carbone dans la colonne d'eau de la surface au fond de l'océan, saisonnalité du processus...).

    Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature.