L'Homme n'arrivera peut-être pas à limiter le recours aux énergies fossiles pendant les prochaines décennies. Il devra alors être en mesure de capturer le gaz carbonique (CO2) produit par l'industrie puis de le stocker durablement dans le sol. Cela n'est pas gagné… Toutefois, des résultats prometteurs ont été obtenus avec du basalte, à la surprise des chercheurs.

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    L'Homme injecte chaque année environ 40 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère. Ce chiffre devrait augmenter avec l'utilisation des réserves d'énergies fossiles encore disponibles (dans le but de résoudre les problèmes d'une population grandissante). Il y a probablement encore assez de pétrolepétrole et de charbon pour assurer une transition douce vers un mode de vie plus durable, fondé sur les énergies renouvelables - et peut-être sur la fusion - d'ici l'horizon 2050. Cependant, malheureusement, le changement climatique résultant fera des centaines de millions, peut-être des milliards, de réfugiés climatiques, plongeant le « village global » de l'humanité dans la guerre civile bien avant 2050 si nous ne réduisons pas tout de suite l'usage des énergies fossiles.

    Comment résoudre cette contradiction ? Peut-être en découvrant le moyen d'enfouir rapidement le CO2 généré par le développement industriel. On parle plus précisément de « séquestration géologique ». En effet, l'idée de base est, par exemple, d'utiliser les roches des anciens gisementsgisements de pétrole pour y stocker du gazgaz carbonique liquéfié.

    Des expériences sont en cours à ce sujet mais le concept, bien que séduisant, n'est pas sans problèmes. Ainsi, rien ne garantit vraiment que le dioxyde de carbone ne s'échappera pas à nouveau rapidement dans l'atmosphère.

    La séquestration géologique du gaz carbonique commence avec sa capture à la sortie d'usine, souvent des centrales thermiques (<em>power plant</em>, en anglais, en bas à gauche sur le schéma). Le dioxyde de carbone est ensuite compressé, parfois jusqu'à devenir liquide, puis transporté et injecté dans le sol d'un ancien gisement de pétrole, par exemple. © CO2CRC

    La séquestration géologique du gaz carbonique commence avec sa capture à la sortie d'usine, souvent des centrales thermiques (power plant, en anglais, en bas à gauche sur le schéma). Le dioxyde de carbone est ensuite compressé, parfois jusqu'à devenir liquide, puis transporté et injecté dans le sol d'un ancien gisement de pétrole, par exemple. © CO2CRC

    Séquestrer le CO2 sous forme de carbonates dans le basalte

    D'autres chercheurs ont donc décidé d'explorer une autre idée. Elle consiste à injecter le CO2 dans des roches basaltiquesbasaltiques de manière à y produire des réactions de précipitation. Le gaz carbonique étant piégé sous forme solidesolide, son stockage est beaucoup plus stable.

    Ainsi, les membres du projet CarbFix viennent d'annoncer, via une publication dans le journal Science, qu'ils avaient obtenu des résultats spectaculaires. Ceux-ci ne donnent pas encore une solution définitive au problème du réchauffement climatiqueréchauffement climatique mais ils apportent un peu d'espoir.

    Cela fait dix ans que des scientifiques islandais, français et états-uniens se sont lancés dans le projet CarbFix, à 25 kilomètres à l'est de Reykjavik, en Islande (voir sur Vimeo). Pour cela, ils se sont d'abord proposé de capter le gaz carbonique provenant du dégazagedégazage du magmamagma dans le sol. Mélangé à de l'eau, le dioxyde de carbone donne ensuite un fluide dont le pH est de 3,2 à cause de la présence de l'acide carboniqueacide carbonique qui s'y est formé. Les géochimistes avaient prédit que, injecté dans du basalte à des profondeurs comprises entre 400 et 800 mètres, cet acide dissoudrait les ionsions calciumcalcium et magnésiummagnésium de la roche encaissante et qu'une réaction de précipitation donnerait finalement des carbonates. Le processus était tout de même censé prendre plus d'une décennie.

    Une des carottes prélevées dans le basalte montre des précipitations de carbonates blanches et vertes. © CarbFix

    Une des carottes prélevées dans le basalte montre des précipitations de carbonates blanches et vertes. © CarbFix

    Une séquestration géologique à vitesse record

    L'expérience a débuté en 2012. Pour s'assurer qu'il n'y avait pas de fuite, un peu de carbone (sous la forme d'un de ses isotopesisotopes, à savoir le fameux carbone 14) a été injecté, lui aussi avec l'eau contenant de l'acide carbonique. On pouvait, de cette manière, identifier en surface d'éventuelles remontées du gaz carbonique. Rien de tel n'a été mesuré.

    Après environ un an et demi de fonctionnement, un problème rencontré avec une des pompes dans un puits de surveillance des opérations a conduit les ingénieurs à la retirer du sol. À leur grande surprise, elle était recouverte de calcitecalcite contenant du carbone 14. Des analyses ultérieures ont conduit à la conclusion que 95 % des 220 tonnes de CO2 avaient été transformées en ce minéralminéral. Le processus de séquestration géologique était donc bien plus rapide que prévu (moins de deux ans) !

    Les basaltesbasaltes sont abondants sur TerreTerre. Il y en a beaucoup sur les continents mais aussi, et surtout, au fond des océans : ils constituent la croûte océaniquecroûte océanique. Reste à savoir si cette expérience à petite échelle donnera les mêmes résultats à beaucoup plus grande échelle. On pourrait imaginer que la précipitation, si efficace, de la calcite pourrait bien s'opposer à l'injection de l'eau chargée de gaz carbonique par exemple. Enfin, le prix de cette technique de séquestration géologique reste prohibitif ; il faudrait constituer une véritable économie qui inciterait vraiment les industriels à l'utiliser. Il reste donc encore bien du chemin à parcourir avant de pouvoir affirmer que l'on détient la solution aux problèmes du réchauffement climatique permettant de maintenir la production d'énergie.