Pour exploiter des courants marins ou de marée, Magnus Landberg a imaginé des ailes qui virevoltent sous l’eau comme celles des kitesurfeurs dans les airs. L’astuce, c’est qu’elles transportent en même temps des turbines dont les pales sont mises en mouvement par un courant apparent démultiplié par dix. Des tests viennent de se montrer concluants.

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    Les courants océaniques et de maréemarée sont vus comme d'importantes sources d'énergie renouvelable. En effet, ces mouvementsmouvements d'eau ont l'avantage d'être réguliers et surtout prévisibles à de longues échéances, à l'inverse des ressources exploitées par les éoliennes et par les installations photovoltaïques (comme en témoignent leurs faibles facteurs de chargefacteurs de charge). Ainsi, divers projets ont vu le jour pour produire une énergie dite marine. Leur cheval de bataille : l'hydrolienne, soit le pendant subaquatique de l'éolienne.

    Ces installations de production d'électricité ont cependant des défauts non négligeables. La plupart d'entre elles ne sont économiquement viables que si les courants exploités ont une vitessevitesse supérieure à 2,5 m/s. Par ailleurs, les zones pouvant les accueillir restent limitées, puisqu'elles sont bien souvent prévues pour reposer à quelques dizaines de mètres de profondeur au maximum (entre 30 et 50 m). Enfin, elles sont généralement onéreuses à construire (certaines pèsent plusieurs dizaines de tonnes), à mettre en place puis à entretenir. Pour pallier ces défauts, Magnus Landberg a inventé une nouvelle technologie : Deep Green.

    Comme d'autres ingénieurs travaillant dans le domaine de l'éolien, il a été inspiré par les ailes volantes des kitesurfeurs, car elles ont une particularité intéressante. En mouvement, la vitesse apparente du vent à leur contact est plus de 10 fois supérieure à sa vitesse réelle. Or, ce qui vaut dans l'airair vaut dans l'eau, même si la densité de ce milieu est 900 fois plus importante. Ainsi, Magnus Landberg a développé des ailes fixées par un câble sur les fonds marins, et qui possèdent chacune une turbine couplée à des pales sur leur face ventrale.


    Présentation du concept de l’aile sous-marine Deep Green. Elle est construite en fibres de carbone, un matériau qui résiste bien au milieu marin dans le temps. Elle intègre notamment des compartiments étanches (avec des batteries), un système de gestion de la flottabilité et des capteurs de pression. © Minesto123, YouTube

    Démultiplier la vitesse des courants marins par dix

    Les ailes ont été conçues de manière à se mettre en mouvement dans des courants de faible vitesse (inférieure à 2 m/s), sachant que les pales sont alors actionnées par un mouvement d'eau apparent dix fois plus important. Voici quelques jours, un démonstrateurdémonstrateur de 3 m d'envergure a fait ses preuves en Irlande du Nord en produisant ses premiers kilowatts-heures. Il est utilisé dans le cadre d'une phase de test préalable à la commercialisation d'installations de plus grande taille par l'entreprise suédoise Minesto.

    L'un des modèles prévus fera 14 m d'envergure et sera doté d'un rotor de 1,15 m de diamètre. La puissance de sa turbine affichera 850 kW dans des courants marins ou de marée ayant une vitesse de 1,7 m/s. Cette aile est conçue pour être fixée par 90 à 120 m de fond, au moyen d'un câble long de 110 à 140 m (en fonctionnement, le dispositif reste toujours à plus de 20 m de profondeur).

    Ce lien vise bien évidemment à retenir le dispositif sur les fonds marins, grâce à un ancrage de petite taille, tout en servant de guide pour le câble électrique qui évacue la production et pour celui qui transmet les commandes au système de direction. Notons qu'il est également envisagé de construire de véritables fermes d'ailes sous-marines. Pour le modèle présenté, le DG14, 16 installations tiendraient sur un kilomètre carré.

    Des ailes sous-marines aux avantages non négligeables

    Avec ces quelques chiffres, les avantages du dispositif apparaissent clairement. L'aile Deep Green peut être installée à de grandes profondeurs, sachant que sa maintenance peut se faire en surface (ce qui réduit les coûts d'exploitation). De même, aucun navire spécifique n'est nécessaire pour la mettre à l'eau ou intervenir dessus, alors que c'est le cas pour les éoliennes offshore. Enfin, l'aile, son câble et son point d'attache sont bien moins coûteux à construire (poids total de 11 tonnes), tout en ayant un impact réduit sur l'environnement (les turbulencesturbulences générées n'affectent pas les fonds marins).

    Selon le directeur de Minesto et les résultats des premiers tests en conditions réelles, ce produit serait tout à fait rentable en présence de faibles flux d'eau. Ce résultat ouvre de nouvelles perspectives d'exploitation des courants marins ou de marée pour la production d'une électricité verte.