Alors que la Chine est sous le choc après les terribles explosions du port de Tianjin et les émissions de cyanure, une étude démontre une pollution atmosphérique plus insidieuse mais continue et très dangereuse. Les particules fines et le dioxyde de soufre, notamment, atteignent des taux énormes. Le phénomène est connu mais vient de faire l’objet d’une étude précise, qui a permis de dresser des cartes détaillées.

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    En Chine, la pollution de l'air serait responsable de la mort de 1,6 million de personnes par an, soit 4.000 par jour. Les concentrations en particules fines sont particulièrement importantes à l'est du pays. © Global Panorama, Flickr, CC by-sa 2.0

    En Chine, la pollution de l'air serait responsable de la mort de 1,6 million de personnes par an, soit 4.000 par jour. Les concentrations en particules fines sont particulièrement importantes à l'est du pays. © Global Panorama, Flickr, CC by-sa 2.0

    « La plus grande catastrophe environnementale du monde aujourd'hui » : le groupe Berkeley Earth, rassemblant des physiciensphysiciens qui s'intéressent à l'évolution du climat, ne mâche pas ses mots pour décrire l'ampleur de la pollution atmosphérique en Chine. Selon les auteurs, Richard Miller (cofondateur de ce groupe avec sa femme Elizabeth Miller puis rejoint par le prix Nobel Saul Perlmutter) et Robert Rohde, le phénomène serait responsable de la mort de 1,6 million de personnes par an, soit 4.000 par jour, ce qui représenterait 17 % de la mortalité du pays. D'après les cartes publiées et selon les indicateurs utilisés aux États-Unis, l'airair ne serait bon à peu près nulle part dans ce pays et 38 % de la population respirerait un air « malsain » (unhealthy). La pollution est la plus importante dans l'est du pays et autour des principales villes, là où se situent les industries. Mais les cités peuvent aussi recevoir les polluants amenés par le vent. C'est le cas de Beijing (Pékin). « C'est comme si chaque personne, homme, femme ou enfant, fumait une cigarette et demie par heure. »

    Acceptée par la revue Plos One mais pas encore publiée, l'étude est disponible en PDF sur le site de Berkeley Earth (cliquer sur ce lien pour télécharger le document). Le groupe publie aussi un communiqué de presse, des graphiques et une animation sur YouTubeYouTube, que nous reproduisons ici. L'étude s'appuie sur l'analyse de la pollution à l'échelle de l'heure sur 1.500 sites, des données partielles rendues publiques par les autorités chinoises, nationales ou provinciales. La publication porteporte sur la première série de mesures sur 4 mois entre avril et août 2014 mais, explique le groupe, les données récupérées depuis couvrent 16 mois, entre avril 2014 et août 2015 et ce sont elles qui sont présentées dans l'animation vidéo.


    L'évolution des concentrations en particules fines (PM2,5) dans l'est de la Chine entre avril 2014 et août 2015. Les taux sont presque toujours supérieurs aux valeurs considérées comme sans risque. © Berkeley Earth

    Des pics de pollution quasiment permanents

    Les mesures portent sur les particules fines, PM10 et PM2,5, c'est-à-dire de tailles inférieures à, respectivement 10 et 2,5 micronsmicrons, ainsi que sur l'ozoneozone (O3), le dioxyde de soufresoufre (SO2) et le dioxyde d'azoteazote (NONO2). Pour les particules fines, associées avec plus ou moins de certitudes à différentes maladies pulmonaires (voir ce document de l'Inserm), les taux limites varient selon la taille et les réglementations.

    Les valeurs mesurées dans la partie est de la Chine les dépassent assez largement. Les concentrations (en moyenne) de PM10 y sont toujours supérieures à 50 µg/m3 (microgramme par mètre cube d'air), une dose qu'il est recommandé, en France, de ne pas dépasser plus de 35 jours par an. Selon Airparif, qui suit ces pollutions dans l’air de la capitale, le taux de PM10 moyen était de 31 µg/m3 en 1998 pour descendre à 21 en 2014. Dans les villes françaises, un « pic de pollution » commence officiellement à 50 µg/m3 de PM10 moyenné sur 24 heures, avec information du public, et le seuil d'alerte est à 80 µg/m3.

    La pollution aux particules fines (représentée sur cette carte) mais aussi à différentes molécules touche une grande partie de l'est de la Chine. Une étude détaillée le montre sans ambiguïté et permet d'estimer les effets sur la santé. © Robert A. Rohde et Richard A. Muller

    La pollution aux particules fines (représentée sur cette carte) mais aussi à différentes molécules touche une grande partie de l'est de la Chine. Une étude détaillée le montre sans ambiguïté et permet d'estimer les effets sur la santé. © Robert A. Rohde et Richard A. Muller

    Les valeurs observées en Chine sont plus élevées encore pour les PM2,5. Selon les auteurs 38 % de la population vivraient dans une atmosphèreatmosphère avec une concentration supérieure à 55 et 45 % à plus de 35 µg/m3. À Beijing, les mesures indiquent d'importantes variations journalières et des taux régulièrement au-dessus de 50 µg/m3 avec des pics fréquents à 100 et, plus rarement, à 150, voire exceptionnellement 250 (5 fois sur les 4 mois d'observations). À titre de comparaison, Airparif indique des teneurs annuellesannuelles de 20 µg/m3 en 2000 à 14 en 2014.

    La concordance entre les pollutions par les PM2,5 et par le soufre font dire aux auteurs que la source principale vient des centrales à charboncharbon, ce qui n'est guère surprenant. Lutter contre cette pollution mortelle, en Chine comme ailleurs, c'est donc aussi agir pour réduire les émissionsémissions de CO2.