L'effet cocktail commence à être bien étudié concernant les particules de l'air ambiant. Mais qu'en est-il concernant les molécules présentes dans l'eau du robinet ? Une récente étude américaine lève le voile. 


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    Le rôle des agences sanitaires, qu'elles soient françaises, européennes, américaines..., est de statuer sur la dangerosité toxicologique des moléculesmolécules que l'on retrouve au sein de nos aliments, de l'airair que l'on respire et de l'eau courante. Si depuis quelques décennies, des normes sont fixées et révisées régulièrement en fonction de nouvelles analyses concernant chaque molécule jugée dangereuse à une certaine dose, peu de travaux sont effectués à propos de l'effet cocktail. L'effet cocktaileffet cocktail en toxicologietoxicologie, c'est le fait que diverses molécules interagissent entres elles et aboutissent à un impact alors difficilement mesurable dans un milieu contrôlé comme un laboratoire. Les combinaisons et les interactions sont extrêmement nombreuses. Néanmoins, des prises de conscience ont fait émerger des normes concernant les polluants de l'air ambiant à partir de cet effet cocktail. Concernant l'eau, il existe peu de données. Une nouvelle étude pourrait nous en apprendre davantage. 

    Quelques rappels de toxicologie

    Nous savons qu'aucune molécule active, qu'elle soit naturelle ou de synthèse, n'est anodine et qu'elle peut potentiellement avoir des effets sur notre organisme. C'est pour cela que les agences s'appliquent à contrôler la balance bénéfice apporté par une pratique qui relâche telle particule et risque de retrouver cette particule, à une certaine dose, pour l'ensemble de la population dans l'air, l'eau ou l'alimentation. Tout peut potentiellement représenter un danger et, comme en médecine, seule la balance bénéfice/risque a du sens.

    En toxicologie, rien n'a de sens sans la balance bénéfice/risque. © ALDECAstudio, Fotolia
    En toxicologie, rien n'a de sens sans la balance bénéfice/risque. © ALDECAstudio, Fotolia

    L'effet cocktail : la hantise du réductionnisme

    Toutes les particules connues présentes dans l'air ambiant, tous les résidus de pesticides présents dans nos aliments et toutes les molécules potentiellement dangereuses que contient l'eau courante sont soumises à des normes. Par exemple, une dose journalière admissible (DJA) doit être respectée pour toutes les molécules se trouvant dans nos aliments et dans l'eau. Cette DJA correspond au seuil au-delà duquel la molécule seule est susceptible d'avoir un effet sur la santé humaine. Seulement à l'instar des perturbateurs endocriniensperturbateurs endocriniens qui, même à des doses minimes, peuvent interagir entre eux et poser des problèmes sanitaires, il en va de même pour les autres substances. Et cet effet cocktail commence seulement à être étudié, car il génère beaucoup de données. Faute de moyen technologique performant, il était difficile de l'étudier antérieurement.

    Cette nouvelle étude américaine, publiée dans la revue Heliyon, nous apprend donc qu'à long terme la consommation de l'eau du robinet aux Etat-Unis, à cause notamment de l'arsenicarsenic, des traces de produits désinfectantsdésinfectants et radioactifs (à des doses légales), serait susceptible de poser des problèmes sanitaires et d'être en partie responsable de cas de cancerscancers. « L'immense majorité des systèmes d'eau courante respecte les doses légales. Cependant, cette étude nous montre que les contaminants présents dans l'eau à ces concentrations parfaitement légales peuvent impacter négativement la santé humaine », prévient le Dr Olga Naidenko, auteure de l'étude. Le risque calculé dans cette étude est un pur modèle mathématique. Il se base sur le potentiel carcinogènecarcinogène de chaque molécule, leurs probables interactions et les cas de cancers potentiellement associés. Il serait aussi important en ce qui concerne l'effet cocktail de l'air sur le risque de cancers aux États-Unis. Cependant, l'étude ne démontre ni corrélation ni causalité. 


    Cancer : un rapport stigmatise l'eau du robinet

    Publié par le WWF et Guérir.fr, le site de David Servan-Schreiber, un rapport émet un doute sur les effets de l'eau du robinet sur la santé des personnes atteintes d'un cancer. Le rapport n'apporte pas de preuve et en reste au niveau du principe de précautionprincipe de précaution, en précisant que la qualité de l'eau, en France, est plutôt bonne...

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet, publié le 25 juin 2009

    « Si vous êtes atteint d'un cancer, méfiez-vous de l'eau du robinet », c'est ce qu'explique en substance le rapport rédigé sous la direction du WWF et de David Servan-Schreiber (médecin psychiatre), responsable du site Guérir.fr, qui réunit une communauté de personnes victimes de cette maladie. L'équipe signant le texte comprend essentiellement des médecins, dont Luc MontagnierLuc Montagnier, prix Nobel 2008.

    Eau Robinet Licence Commons Malla Mi 02
    Eau Robinet Licence Commons Malla Mi 02

    Le document met en cause la présence dans l'eau de différents produits chimiques, dont les nitrates (apportés en grandes quantités par les engrais agricoles), les pesticides et les médicaments. Tous sont suspectés à des degrés divers d'être liés à des maladies, notamment des cancers, ou d'affecter la faune ou la flore.

    Selon les auteurs, les normes de surveillance de l'eau n'ont pas suffisamment évolué malgré les progrès d'études récentes. Il est vrai que beaucoup mettent en évidence un effet des polluants sur la santé humaine. Par exemple, la féminisation des poissons des rivières paraît liée, chez les hommes, à la diminution du nombre de spermatozoïdesspermatozoïdes. Chez la femme, l'incidence de l'environnement sur le cancer du sein ne fait plus guère de doute, avec la mise en cause d'une longue liste de produits, des pesticides à certaines peintures en passant par des crèmes solaires. Chez les agriculteurs, la maladie de Parkinson semble liée à l'usage des pesticides.
    En quantités plus ou moins élevées, tous ces produits se retrouvent dans les nappes phréatiques et, partant, dans l'eau destinée aux robinets. Il en est de même pour les molécules médicamenteuses, qui commencent à faire l'objet d'une attention plus grande. Les stations d'épuration, en effet, n'ont jamais été conçues pour filtrer l'eau au point de retenir toutes ces molécules.

    Pas de panique

    Pour autant, quel est le danger ? La qualité de l'eau fournie aux usagers varie d'une région à l'autre, notamment selon l'urbanisation et les pratiques agricoles. De plus, les contrôles ne sont pas effectués partout au même rythme. Ainsi, expliquent les scientifiques signataires, l'eau distribuée dans les grandes villes est toujours conforme aux normes en vigueur et les contrôles sont réguliers. En revanche, dans les zones rurales, leur fréquence varie beaucoup. Le problème concerne alors surtout les nitrates et les pesticides. « Pour 5,1 millions de personnes, soit 8,4 % de la population française, l'eau du robinet a été mesurée au moins une fois comme non conforme au cours de l'année 2007 » affirme le rapport.

    Mais, comme le souligne le même texte, la qualité de l'eau est « globalement bonne en France ». Répondant à ce texte, la Direction générale de la santé précise, à propos de ces cinq millions de personnes concernées par un dépassement du seuil, qu'une restriction de la consommation d'eau n'a été décidée que pour 0,8% des cas, soit 40.000 personnes.

    Quant aux pollutions constatées, le risque est très mal quantifié, d'autant que, comme dans tous les phénomènes de toxicitétoxicité, les effets nocifs de différents produits peuvent se renforcer (une situation popularisée sous le nom « d'effet cocktail »). Il est toujours malaisé de quantifier l'effet d'une molécule isolée.

    Que doit-on faire ? Les auteurs du rapport s'en tiennent à des recommandations simples et limitées au principe de précaution. Pour eux, le risque le plus élevé concerne les personnes atteintes d'un cancer et c'est à elles que le rapport s'adresse d'abord. Les conseils sont de se renseigner sur la qualité de l'eau de sa commune et, en cas de doses trop élevées en nitrates ou en pesticides, de privilégier l'eau minérale ou d'utiliser des carafes filtrantes (et de penser à changer les filtres...).

    Ces conseils n'ont rien de neuf, d'ailleurs, puisqu'ils sont donnés depuis longtemps par le Cieau (Centre d'information sur l'eau), chargé, justement, d'informer le grand public sur la qualité de l'eau. On peut également se renseigner sur les pages Web consacrées à l'eau sur le site du Ministère de la Santé.

    Au final, le rapport, qui a connu un bon succès médiatique, a le mérite de faire parler de ce sujet important mais n'apporte aucun élément nouveau et ne doit surtout pas faire trop peur. Au passage, on ajoutera que la consommation d'eau minérale en bouteille (entre 100 et 200 fois plus chère) n'est pas non plus un acte innocent. Sur le plan environnemental, il n'est sans doute pas judicieux de boire une eau extraite à des centaines voire des milliers de kilomètres de chez soi. Il faut également prendre garde à la quantité de sels minérauxminéraux et surtout de sodiumsodium, malsain pour les hypertendus...