En réfléchissant les rayons du soleil, les particules émises lors d’éruptions volcaniques majeures refroidissent l’atmosphère et ont un effet direct sur l'atmosphère mais assez bref, deux à trois ans. Pourtant, elles modifient pendant plus de 20 ans la circulation océanique de l’Atlantique nord, laquelle module le climat européen. C’est ce que viennent de découvrir des chercheurs du CNRS, de l’IRD, du CEA et de Météo‐France en combinant, pour la première fois, des simulations climatiques, des mesures océanographiques récentes et des informations issues d’archives naturelles du climat.

au sommaire


    L'océan Atlantique est le siège de variations de la température de surface qui s'étendent sur plusieurs décennies et qui influencent le climat de l'Europe. Cette variabilité lente est due à des modifications de la circulation océanique, qui relie les courants de surface aux courants profonds, et qui transporte la chaleurchaleur depuis les tropiques jusqu'aux mers de Norvège et du Groenland. Cependant, sa cause reste mal connue. Afin d'en décrypter les mécanismes, des chercheurs du CNRS, de l’IRD, du CEA et de Météo‐France ont tout d'abord utilisé des informations couvrant le dernier millénaire et issues d'archives naturelles du climat. Ainsi, l'étude de la composition chimique de l'eau des carottes de glace du Groenland permet d'y estimer les changements passés de température.

    Ces données montrent le lien étroit entre la température de surface de l'océan Atlantique et la température de l'airair au-dessus du Groenland, et révèlent que la variabilité du climat dans cette région est un phénomène périodiquephénomène périodique dont certains cycles ou oscillations durent environ vingt ans. En utilisant des simulations numériquessimulations numériques de plus de vingt modèles de climat différents, les chercheurs ont également mis en évidence que des éruptions volcaniques majeures, comme celle de l'Agung, en Indonésie en 1963, ou du Pinatubo, aux Philippines, en 1991, pouvaient modifier en profondeur la circulation océanique de l'Atlantique nord.

     Les carottes de glace racontent les climats du passé, notamment grâce au dosage des isotopes de l'oxygène, dont les proportions dépendent de la température locale au moment où l'eau a gelé. Les couvertures glaciaires de l'Antarctique et du Groenland permettent de remonter à des centaines de milliers d'années en arrière. On voit ici une carotte issue d'un forage Epica, en Antarctique. © CNRS Photothèque, L. Augustin

    Les carottes de glace racontent les climats du passé, notamment grâce au dosage des isotopes de l'oxygène, dont les proportions dépendent de la température locale au moment où l'eau a gelé. Les couvertures glaciaires de l'Antarctique et du Groenland permettent de remonter à des centaines de milliers d'années en arrière. On voit ici une carotte issue d'un forage Epica, en Antarctique. © CNRS Photothèque, L. Augustin

    Les courants océaniques s'accélèrent 15 ans après une éruption

    En effet, les grandes quantités de particules émises par ces éruptions vers la haute atmosphère réfléchissent une partie du rayonnement solaire par un effet similaire à celui d'un parasol, ce qui entraîne un refroidissement du climat à la surface de la Terre. Ce refroidissement, qui ne dure que deux à trois ans, provoque alors une réorganisation de la circulation océanique dans l'océan Atlantique nord. Quinze ans environ après le début de l'éruption, cette circulation s'accélère, puis ralentit au bout de vingt-cinq ans, et accélère à nouveau trente-cinq ans après. Les éruptions volcaniqueséruptions volcaniques semblent ainsi fonctionner, sur la circulation océanique de l'Atlantique nord, à la manière d'un pace-maker qui met en route une variabilité sur vingt ans.

    Les scientifiques ont confirmé ces résultats publiés dans Nature Communications, en les comparant avec des observations de la salinitésalinité océanique, facteur déterminant pour la plongée des eaux et donc de la circulation océanique. Ils ont décelé, dans les simulations numériques et dans ces observations océanographiques modernes, des variations similaires au début des années 1970 et 1990 liées à l'éruption du volcanvolcan Agung. Grâce à des observations issues de carottes de glace groenlandaises, à des observations effectuées sur des coquillages bivalvesbivalves, âgés de plus de cinq cents ans et vivant au nord de l'Islande, et à une simulation du climat du dernier millénaire, les chercheurs ont systématiquement identifié une accélération de la circulation océanique quinze ans après cinq éruptions volcaniques ayant eu lieu il y a plusieurs centaines d'années.

    Enfin, les chercheurs ont mis en évidence les interférencesinterférences produites par les trois dernières éruptions volcaniques majeures, Agung en 1963, El Chichon, au Mexique en 1982 et Pinatubo en 1991, expliquant pour la première fois la variabilité récente des courants de l'océan Atlantique nord. Ils concluent qu'une éruption majeure dans un futur proche pourrait avoir une incidenceincidence pendant plusieurs décennies sur les courants de l'océan Atlantique nord et donc sur la capacité à prévoir la variabilité du climat européen. Ils souhaitent désormais consolider ces résultats en multipliant les sources de données, notamment en paléoclimatologie.

    Ces travaux ont été financés par l'Agence nationale de la recherche via le projet « Groenland vert » du programme Changements environnementaux planétaires et société (2011-2015).