En étudiant les sédiments d'un minuscule lac au Tchad, une équipe internationale a découvert les traces d'une aridification dix fois plus lente que ce que l'on pensait. Selon les chercheurs, le Sahara serait déjà en train de reverdir... à cause du réchauffement global.

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    Les paléontologues, sur leur frêle esquif, recueillent les sédiments au fond du lac Yoa. © S. Kröpelin/Université de Cologne

    Les paléontologues, sur leur frêle esquif, recueillent les sédiments au fond du lac Yoa. © S. Kröpelin/Université de Cologne

    Plus grand désert du monde, le Sahara était verdoyant il y a six mille ans. Sur ce point, tout le monde est d'accord. Mais en combien de temps cette zone humide est-elle devenue si aride ? La théorie prévalant jusqu'à aujourd'hui affirmait que l'assèchement avait démarré vers 5.500 ans avant le présent et s'était déroulé sur une période très courte, de quelques siècles seulement. Pour établir cette conclusion, les scientifiques se basaient sur des modèles et sur les résultats d'un carottage effectué au large de la Mauritanie. Sous le sable saharien en effet, les traces biologiques et sédimentaires sont rares.

    Une équipe internationale, menée par Stefan Kröpelin, de l'université de Cologne, s'est, elle, rendue sur place. Quelque part au nord de Tchad, à l'est de N'Djamena subsiste une petite étendue d'eau de 3,5 kilomètres carrés, le lac Yoa, encore alimenté par des réservoirs d'eau souterrains, souvenirs de la période humide. Sous ses 24 mètres de profondeur, le lac a conservé dans les sédiments les archives des derniers millénaires.

    L'équipe a pu y consulter l'évolution de la faunefaune et de la flore en creusant jusqu'à neuf mètres sous le fond de l'eau. Remontant à l'époque où poussaient des fougèresfougères, des acacias et des graminéesgraminées, les paléontologuespaléontologues ont pu reconstituer le changement climatique qu'a connu la région. Surprise, le scénario inscrit dans les sédiments ne ressemble pas du tout à celui des modèles.

    Le départ est le même : à la fin de la dernière période glaciairepériode glaciaire, les températures augmentent. L'airair plus chaud absorbant davantage d'humidité, l'atmosphèreatmosphère se charge d'eau durant les moussonsmoussons qui vont déverser leurs pluies beaucoup plus loin, jusqu'au Sahara, lequel en verdit de plaisir. C'était il y a 12.500 ans. La paradis vert a peu duré, à cause du rayonnement solairerayonnement solaire semble-t-il, dont l'intensité s'est réduite il y a 7.000 ans. Les températures ont un peu baissé mais, surtout, les moussons sont devenues moins abondantes et les pluies se sont raréfiées. Le Sahara s'est alors asséché. Mais pas brutalement ! Les données recueillies au fond du lac Yoa indiquent que le climatclimat a évolué progressivement pendant plus de trois mille ans, entre 6.000 et 2.700 ans avant le présent.

    L'humidité reviendra-t-elle ?

    Cette duréedurée est près de dix fois supérieure à la valeur admise jusque-là mais elle reste rapide à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques, de l'évolution de la vie et même de l'histoire des civilisations humaines. Plantes, animaux et hommes n'ont sans doute pas pu s'adapter à un changement si rapide, et ont dû, littéralement, déserter la région en migrant vers le nord et vers le sud. La civilisation égyptienne s'est développée à cette période. Est-ce une coïncidence ?

    L'idéal serait maintenant de confirmer ces résultats par des sondages dans d'autres dépôts. Mais les chercheurs n'espèrent pas en trouver. « Si quelqu'un voit un autre lac [saharien] dans Google EarthGoogle Earth, qu'il nous prévienne » plaisante Stefan Kröpelin dans le magazine en ligne de Science.

    D'après ce spécialiste allemand, l'histoire continue. Le réchauffement climatiqueréchauffement climatique renforce les moussons et les conditions se rapprocheraient selon lui de celles de la fin de la période glaciaire. Un air chaud et humide pourrait très bien favoriser la recolonisation du Sahara par la végétation. Stefan Kröpelin pense même que ce reverdissement a déjà commencé en certains endroits...