En étudiant de multiples documents anciens, dont des peintures et des photographies, des chercheurs suisses ont reconstitué les extensions et les régressions de la mer de Glace sur quatre siècles. La méthode fournit des renseignements précieux sur l'influence du climat mais elle n'est pas si simple qu'elle en a l'air.

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    Les fluctuations de la Mer de Glace sont depuis longtemps enregistrées par les hommes. Partant de cette idée, des géographes de l'Université de Berne se sont faits historienshistoriens. L'équipe a recueilli plus de 150 documents anciens où le glacier de la vallée de Chamonix est en vedette. Les géographes suisses ont ainsi soigneusement étudié des peintures, des dessins, des photographiesphotographies, des cartes et même des récits racontant l'histoire de la vallée. Grâce à tous ces documents, l'équipe a reconstitué l'évolution, en yoyo, du front du glacier entre 1570 et 2003.

    La méthode réclame tout de même de nombreuses précautions. Pour être utilisable, un document doit être rigoureusement daté. Dans le cas d'une peinture, il faut connaître le moment où l'artiste l'a créée devant son modèle, un événement qui peut avoir précédé de plusieurs années l'ultime retouche et la sortie de l'atelier. Il faut ensuite pouvoir repérer des détails topologiques permettant de situer précisément l'endroit décrit ou peint. Une vérification doit être faite sur le terrain pour s'assurer que l'œuvre n'est pas fantaisiste. Enfin, cette recherche historique n'est possible que sur des sites qui ont longtemps fasciné les hommes...

    L'extension de la Mer de Glace à trois époques. En 1644 (courbe verte), elle était à son maximum. Entre 1821 (en rouge) et 1895 (en orange), le glacier a reculé de 1,2 kilomètre. © Samuel Nussbaumer/FNS

    L'extension de la Mer de Glace à trois époques. En 1644 (courbe verte), elle était à son maximum. Entre 1821 (en rouge) et 1895 (en orange), le glacier a reculé de 1,2 kilomètre. © Samuel Nussbaumer/FNS

    Marées montantes et descendantes

    A l'évidence, la Mer de Glace remplit cette dernière condition. L'équipe suisse a déniché de nombreuses contributions, dont des tableaux de deux peintres célèbres, John Ruskin et William Turner. Eugène Viollet-le-Duc fait lui aussi partie des témoins, de manière plus directe, grâce aux cartes qu'il a dressées.

    Cette étude minutieuse met en évidence une série de retraits et d'avancées. Sur la période étudiée, l'extension la plus importante de la Mer de Glace est atteinte en 1644. Les autres épisodes d'avancées maximales sont datés de 1600, 1720, 1778, 1821 et 1852. Depuis, le glacier ne cesse de reculer.

    Les chercheurs ont pu comparer ces fluctuations avec celles du glacier de Grindelwald, en Suisse. Il semble bien que l'un et l'autre ont réagi de la même manière à ce que l'on appelle le Petit âge glaciaire, survenu en Europe entre le seizième et le dix-neuvième siècle. Ce synchronisme ne va pas de soi car les deux glaciers sont situés dans des régions distinctes, différant à la fois par le climat et la topographie. Motivés par leur réussite, les géographes veulent maintenant s'attaquer à d'autres glaciers des Alpes et de Scandinavie.