Les pressions sur l’environnement ont tendance à s’additionner. Ainsi, il n’est pas rare qu’un animal ou une plante soit confronté à la destruction de son habitat et qu’il subisse simultanément l’invasion d’une espèce étrangère. C’est pourquoi des chercheurs ont modélisé, sur le territoire des États-Unis, pris comme modèle, l’impact non pas d’une menace prise individuellement, comme c’est souvent le cas, mais des quatre principales menaces qui touchent les espèces endémiques de ce pays. Résultat sans surprise : les effets calculés sont bien plus importants.

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    « Évaluer les risques d'extinction d'une espèce n'a de sens que si l'on envisage toutes les menaces qui pèsent sur elle, celles liées au réchauffement climatique mais aussi aux espèces invasivesespèces invasives, à la destruction de l'habitat et à l'élévation du niveau de la mer, introduit Franck Courchamp, directeur de recherche au Laboratoire d'Écologie, Systématique et Évolution (ESE, CNRS/Université Paris-Sud/AgroParisTech). Et si l'on étudie la répartition géographique des menaces, cela n'a d'intérêt que s'il existe, dans les régions concernées, des espèces sensibles à ces menaces », poursuit-il.

    C'est ainsi que son équipe a décidé, pour la première fois, de réaliser une cartographie qui rend compte des quatre grandes menaces qui planent sur la biodiversité des États-Unis, et plus précisément sur les 196 espèces endémiquesendémiques du pays. Pourquoi les États-Unis ? Parce qu'il s'agit d'un territoire ni trop grand, ni trop petit, pour lequel les scientifiques avaient déjà récolté de nombreuses informations. Il s'agit ainsi d'une première modélisationmodélisation des risques cumulés des changements globaux sur la biodiversité future à large échelle.

    Modélisation des risques cumulés des changements globaux sur la biodiversité aux États-Unis (à gauche) et sur les amphibiens, les reptiles, les oiseaux et les mammifères (à droite) en 2080. Les valeurs des effets cumulatifs qui vont des valeurs basses (bleu) à élevées (rouge). © C. Bellard, C. Leclerc, F. Courchamp

    Modélisation des risques cumulés des changements globaux sur la biodiversité aux États-Unis (à gauche) et sur les amphibiens, les reptiles, les oiseaux et les mammifères (à droite) en 2080. Les valeurs des effets cumulatifs qui vont des valeurs basses (bleu) à élevées (rouge). © C. Bellard, C. Leclerc, F. Courchamp

    Une perte de biodiversité sous-estimée

    La première mission des scientifiques a consisté à regrouper et à vérifier les très nombreuses données qui allaient alimenter leurs modèles. Celles-ci concernaient les quatre principales menaces qui pèsent sur la biodiversité - à savoir le réchauffement climatique, l'augmentation du niveau de la mer, les invasions biologiques et la perte d'habitat - et les 196 espèces de vertébrés terrestres endémiques aux États-Unis. Les chercheurs ont alors pu dresser une carte des menaces présentes et futures, puis une carte des espèces concernées par ces menaces.

    « Les espèces ne sont pas sensibles à toutes les pressionspressions donc on a regardé pour chaque groupe de vertébrés terrestres - amphibiens, oiseaux, mammifèresmammifères et reptilesreptiles - celles qui les concernaient (liste définie par l'UICNUICN, l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature) et on a croisé ces données avec la carte des menaces à venir, explique Franck Courchamp. C'est finalement la moitié est des États-Unis qui présente la plus grande convergence entre les menaces et les espèces en danger entre 2050 et 2080. »

    Cette approche offre ainsi une vision claire et pertinente des régions où les espèces sont les plus vulnérables face au changement global qui s'annonce, et où il est urgent de mettre en place des programmes de suivi et de conservation.

    Cette vision plus réaliste des pressions qui pèsent sur la biodiversité allonge, de fait, la liste des espèces menacées d’extinction. « Sans compter qu'il y a forcément des interactions et des synergiessynergies entre les perturbations environnementales, ce qui signifie que la perte de biodiversité annoncée est sans aucun doute sous-estimée par rapport à ce qui va réellement advenir », conclut l'auteur principal de cette étude originale, qui offre une évaluation plus réaliste (et pessimiste à la fois) de la perte de biodiversité à venir, publiée dans la revue Scientific Reports du groupe Nature.