Une équipe de chercheurs italiens et chinois vient de publier ses derniers résultats concernant la détection en laboratoire de particules de matière noire. Les membres de l’expérience Dama confirment avec une précision accrue la présence d’un signal dans leur détecteur. Comme il l’avait déjà affirmé depuis presque dix ans, ce serait selon eux une preuve convaincante de l’existence des Wimps, des particules de matière noire.

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    Figure 2. Les oscillations du nombre de flash de lumière dans l'expérience Dama. En abscisse, le nombre de jours s'étant écoulé. La modulation annuelle est bien visible. Crédit : INFN

    Figure 2. Les oscillations du nombre de flash de lumière dans l'expérience Dama. En abscisse, le nombre de jours s'étant écoulé. La modulation annuelle est bien visible. Crédit : INFN

    Ces dernières années, les preuves indirectes de l'existence de la matière noirematière noire se sont accumulées. Sans elle, il est extrêmement difficile de rendre compte naturellement de la naissance des galaxies et des observations concernant les collisions entre amas de galaxies. Si la majorité de la communauté scientifique est convaincue de sa réalité, une preuve directe en laboratoire reste toujours nécessaire et représente le seul moyen possible d'éliminer d'autres hypothèses concurrentes, comme celles de Milgrom ou de Moffat.

    Or, depuis la fin des années 1990, une équipe italienne menée par Rita Bernabei, une physicienne de l'Université TorTor Vergata à Rome, prétend qu'une telle preuve existe. Comprendre sur quoi repose cette preuve n'est pas difficile. Si la matière noire existe, elle se trouve non seulement au niveau des amas de galaxies mais aussi dans les galaxies qu'elle entoure d'un halo sphérique. La majeure partie de la masse constituant une galaxie comme la nôtre est même composée de ces particules neutres interagissant très faiblement avec la matière normale et les autres particules que l'on sait fabriquer en accélérateur. Sans que nous nous en rendions compte, nous serions même touchés par un flux de ces particules traversant de temps en temps notre corps.

    Si cette hypothèse s'avère exacte, il devrait se produire une modulationmodulation annuelleannuelle de ce flux de particules. En effet, le Soleil est en orbite autour de la Galaxie. Par rapport au référentielréférentiel héliocentriquehéliocentrique, il se produirait donc une sorte de ventvent relatif de particules de matière noire. Comme la Terre est en mouvementmouvement par rapport au Soleil, sa vitessevitesse propre doit s'ajouter (ou se retrancher) à la sienne par rapport au référentiel lié au centre de la Galaxie.

    Comme le montre la figure 1, il y aura donc un moment où la vitesse de la Terre s'ajoutera à celle du Soleil, le 2 juin précisément, et un autre auquel elle se retranchera, ce sera le 2 décembre. En juin, le flux de particules de matière noire devrait donc être maximum mais il serait minimum en décembre.

    Figure 1. Le schéma montre l'addition et la soustraction du vecteur vitesse de la Terre (flèche noire) en juin et décembre par rapport à la vitesse du Soleil autour de la Galaxie, d'environ 232 km/s.<br />Crédit : INFN

    Figure 1. Le schéma montre l'addition et la soustraction du vecteur vitesse de la Terre (flèche noire) en juin et décembre par rapport à la vitesse du Soleil autour de la Galaxie, d'environ 232 km/s.
    Crédit : INFN

    La matière traquée sous terre

    Pour vérifier cette théorie, l'expérience Dama  (DArk MAtter) a donc été proposée au début des années 1990. Dans des installations profondément enfouies sous terre afin de s'affranchir le plus possible du bruit de fond causé, par exemple, par les rayons cosmiquesrayons cosmiques, on peut montrer que pour une large classe de particules candidates au statut de matière noire, une collision avec certains noyaux provoquera une agitation du cortège électronique qui les entourent, provoquant l'émissionémission d'un flashflash de lumièrelumière. Cette lumière peut être détectée et l'on peut ainsi enregistrer ce type d'événements et ces fluctuations dans le temps.

    Les détecteurs de Dama ont donc été enterrés dans le célèbre tunnel du Gran Sasso en Italie où se trouvent d'autres expériences comme celle de Borexino. Au cours des années, ils ont été perfectionnés et rendus plus sensibles. En particulier, la version dénommée Libra (Large sodiumsodium Iodide Bulk for RAre processes) de Dama est constituée de 25 cristaux de iodure de sodium très purs. La précédente version pesait 100 kgkg mais l'actuelle en pèse 250.

    Il y a presque 10 ans, l'équipe avait déjà trouvé une modulation annuelle avec les caractéristiques attendues (voir la figure 2). La communauté scientifique mondiale était restée sceptique car bien des détails dans les données et le processus d'analyse n'étaient pas rendus publics par les membres de l'équipe italienne. Les biais possibles dans la détection et l'interprétation du signal ne permettaient pas d'être aussi affirmatif qu'elle le laissait entendre.

    Aujourd'hui donc, les chercheurs italiens enfoncent le clou, le signal détecté semble bel et bien réel. Sauf que d'autres expériences, comme CDMS ou Coupp, ne voient pas les particules qu'impliquent les observations de Dama. La plupart des gens ne seront convaincus que lorsque plusieurs expériences indépendantes en laboratoires donneront des résultats concordants, cela pourrait bien prendre encore quelques années.