Une équipe essentiellement japonaise a découvert au Kenya un nouveau primate fossile qui pourrait être un ancêtre commun des grands singes et des humains. Cette sorte de chaînon manquant pourrait conduire à revoir l'histoire des hominidés : nos ancêtres étaient bien africains.

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    Mandibule de Nakalipithecus nakayamai. Crédit Musées du Kenya

    Mandibule de Nakalipithecus nakayamai. Crédit Musées du Kenya

    La nouvelle espèce, baptisée Nakalipithecus nakayamai, est représentée par un os de mâchoire et 11 dents isolées qui ont été dégagés d'une coulée de boue volcanique de la région de Nakali. La morphologiemorphologie ressemble à celle de l'Ouranopithecus macedoniensis, découvert en Grèce et considéré comme très proche de l'ancêtre commun entre les grands singes africains et l'homme. Mais certains détails diffèrent.

    Notamment, la dentition démontre un régime alimentaire moins spécialisé que celui de l'Ouranopithecus et montre davantage de traits considérés comme primitifs, comme un cingulum de la molairemolaire plus saillant et des cuspides molaires moins volumineuses, ce qui indique que l'apparition de Nakalipithecus précède celle de l'Ouranopithecus et fait de lui un candidat plus vraisemblable pour le rôle d'ancêtre commun des singes et des humains.

    Selon Fredrick Manthi, chercheur aux Musées du Kenya, cette découverte est capitale car depuis longtemps les anthropologues étaient à la recherche d'un fossile datant d'environ 9 millions d'années. Celui-ci, qui remonte à 9,8 millions d'années, aurait vécu durant cette période qui a vu diverger la lignée des grands singes et celles des ancêtres de l'homme.

    Témoin d'une période clé

    Les études moléculaires récentes suggèrent que la divergence entre les humains et les chimpanzés s'est produite entre 7 à 5,5 millions d'années et la divergence avec les gorilles entre 9 et 8 millions d'années. En conséquence, le MiocèneMiocène tardif (11 à 5 millions d'années) constitue la période cruciale pour étudier cette séparationséparation de lignées entre les grands singes africains et l'homme. Malheureusement très peu de fossiles datant de la période 13 à 7 millions d'années ont été découverts. En raison de cette rareté, quelques chercheurs avaient suggéré que les derniers ancêtres communs avaient quitté l'Afrique pour une raison indéterminée pour se rendre en Asie ou en Europe avant de revenir vers la fin du Miocène.

    Des dents qui ont sans doute appartenu à un lointain ancêtre qui est aussi celui des grands singes africains actuels. © Yutaka Kunimatsua <em>et al.</em>

    Des dents qui ont sans doute appartenu à un lointain ancêtre qui est aussi celui des grands singes africains actuels. © Yutaka Kunimatsua et al.

    Cette hypothèse semble maintenant invalidée par la découverte de Nakalipithecus nakayamai à 40 kilomètres du versant oriental de la RiftRift Valley, au Kenya, qui fait l'objet d'une publication dans les Pnas (Annales de l'Académie nationale des Sciences des Etats-Unis). Cette découverte est importante, car elle permet de soutenir la théorie selon laquelle l'évolution du primateprimate à l'homme s'est entièrement déroulée en Afrique.

    Fredrick Manthi n'hésite pas à parler de « maillon manquant », une vieille expression qui, avec « chaînon manquantchaînon manquant », désignait cet intermédiaire hypothétique entre singe et homme, demeuré longtemps le Saint-Graal des paléoanthropologues. La complexité de l'évolution des hominidéshominidés, la multitude d'espèces ayant coexisté aux mêmes époques et l'approche actuelle de l'évolution ont conduit depuis longtemps à abandonner cette appellation. On préfère celle de « dernier ancêtre commun », un titre assez disputé qui compte aujourd'hui plusieurs candidats

    « Nous devons trouver d'autres fossiles pour être sûrs que maintenant nous tenons le maillon manquant, déclare-t-il. Evidemment, nous sommes convaincus qu'avec plus de feedback et plus de recherches dans différents endroits du pays, nous serrons en mesure d'identifier ce lien manquant. Même si nous pouvons dire qu'il s'agit du maillon manquant, il nous faut trouver d'autres fossiles pour confirmer cet argument ».

    Le professeur Martin Pickford, du Muséum national d'Histoire naturelleMuséum national d'Histoire naturelle (Paris) estime qu'il s'agit d'une découverte d'importance capitale, car elle représente une véritable preuve de la divergence des singes africains de la lignée humaine. Elle permet aussi d'assurer que notre ancêtre commun était bien originaire d'Afrique et que certaines lignées de grands singes se sont ensuite dispersées en Ethiopie, Grèce et Turquie.