A la sortie de la dernière époque glaciaire, les zones humides des continents ont relargué une énorme quantité de méthane, puissant gaz à effet de serre, ce qui a emballé le réchauffement, nous apportant la douceur actuelle. C'est en pistant l'origine du méthane enfermé dans les glaces antarctiques qu'une équipe française est parvenue à cette conclusion surprenante.

au sommaire


    La station Concordia, au dôme C, en Antarctique. © IPEV/PNRA

    La station Concordia, au dôme C, en Antarctique. © IPEV/PNRA

    Les carottages de glace apportent aux scientifiques la composition de l'atmosphère dans le passé. Mais on peut aussi en tirer des conclusions plus subtiles sur l'origine des gazgaz repérés... Une équipe du Laboratoire de géologie et de géophysique de l'environnement (LGGE, qui vient de fêter ses cinquante ans) a étudié dans plusieurs forages de l'Antarctique et de l'Arctique et avec deux méthodes différentes les fluctuations du méthane au cours de la dernière grande transition climatique, qui a fait sortir la TerreTerre de la dernière période glaciairepériode glaciaire.

    Ce gaz produit un effet de serreeffet de serre environ 25 fois plus important que celui du gaz carboniquegaz carbonique, à quantité égale. Sa concentration est cependant faible et son influence sur l'effet de serre naturel de l'atmosphère reste très en dessous de celle du gaz carbonique. Toutefois, dans le passé, on suspecte que de vastes relargagesrelargages de méthane ont pu jouer un rôle dans les changements climatiqueschangements climatiques. Les feux de forêt, par exemple, rejettent de grandes quantités de méthane. L'assèchement des tourbièrestourbières et le relargage brutal du méthane retenu dans le sous-sol, piégé dans les clathrates (ou hydrates de méthane) peuvent aussi en envoyer de grandes quantité dans l'atmosphère.

    Le méthane, grand réchauffeur

    Pour faire le tri dans ces possibilités, Jérôme Chappellaz et les géologuesgéologues du LGGE ont étudié dans les carottescarottes antarctiques ramenées par l'équipe de l'Epica (European Project for Ice Coring in Antarctica) le rapport isotopique entre le carbonecarbone 13 et le carbone 12 composant le méthane. Ils ont pu en faire un suivi précis depuis la fin de la précédente ère glaciaire (-18.000 ans) et le début de l'actuelle période chaude, l'HolocèneHolocène (-11.500 ans). Ces résultats ont pu être rapprochés d'autres, obtenus par la même équipe en Antarctique et en Arctique par la mesure du rapport isotopique deutérium/hydrogènehydrogène.

    Les forages effectués depuis 1996, au dôme C, en Antarctique. Le plus profond a atteint 3.270 mètres. © Laurent Augustin, LGGE

    Les forages effectués depuis 1996, au dôme C, en Antarctique. Le plus profond a atteint 3.270 mètres. © Laurent Augustin, LGGE

    Avec toutes ces données et un modèle de l'atmosphère, les chercheurs ont pu déterminer d'où est venu le méthane qui, en quelques milliers d'années, a réchauffé la Terre. Pour l'essentiel, affirment-ils, le gaz provenait des marécages tropicaux, qui en ont relâché 55 millions de tonnes par an sur la période. Juste derrière viennent les zones humideszones humides boréales. Recouvertes de neige et gelés pendant les périodes glaciaires, ces régions n'émettent rien mais se transforment en marécages quand l'atmosphère commence à se réchauffer et contribuent alors à l'accélération de l'évolution du climatclimat. Un autre effet, qui arrive derrière, vient du temps durant lequel le méthane persiste dans l'atmosphère. A température plus élevée, son oxydationoxydation, qui le transforme  en gaz carbonique, est plus lente. A la fin de la période glaciaire, son temps de résidence dans l'atmosphère s'est accru de 30 %. Enfin, en queue de peloton arrivent les feux de végétation, qui n'émettaient que 6 millions de tonnes par an durant la période étudiée. Les clathratesclathrates, eux, ne semblent avoir joué aucun rôle dans cette aventure.

    En jetant une nouvelle lumièrelumière sur les mécanismes d'action du méthane, ce travail permettra de mieux comprendre les climats du passé et, sans doute, les effets possibles des émissionsémissions d'origine humaine.