Les sœurs de Pluton semblent constituer un petit monde bien à part. Faisant partie de la Ceinture de Kuiper, ces objets nommés KBO (Kuiper Belt Objects) ou encore TNO (trans-neptunian objects, objets transneptuniens), et dont fait désormais partie la planète déchue, attirent de plus en plus l'attention des scientifiques. Ils pourraient même nous appendre à mieux connaître le processus de formation de notre Lune.

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    En 1992, David C. Jewitt et Jane X. Luu, deux astronomesastronomes de Hawaii, découvraient un petit corps tournant sur une orbite au-delà de PlutonPluton, qui reçut la nomenclature de (15760) 1992 QB1. Ce nom assez étrange provient du refus de l'Union Astronomique Internationale d'attribuer l'appellation de SmileySmiley proposé par les découvreurs, celui-ci existant déjà ailleurs dans le Système solaire.

    Les deux astronomes pensaient alors avoir observé la mythique dixième planète, dont la quête durait depuis des décennies... Mais dans les années suivantes, d'autres équipes en découvraient des centaines d'autres, et il fallait bien se rendre à l'évidence: l'espace trans-neptunien était littéralement envahi de ces objets, zone qui reçut le nom de Ceinture de Kuiper en hommage à l'astronome américain Gerard Kuiper, le premier à en postuler l'existence en 1951, et qui se situe lui-même à l'intérieur du nuage d'Oort.

    Position de la Ceinture de Kuper. NASA - JPL

    Position de la Ceinture de Kuper. NASA - JPL

    La suite de l'histoire est contemporaine. Pluton, considérée comme une planète depuis sa découverte en 1930, se voyait privée de son statut en 2006 et reclassée parmi les "planètes nainesplanètes naines", une nouvelle catégorie créée à cet effet. (15760) 1992 QB1 l'y rejoignait, ainsi que d'autres, dont notamment (136199) 2003 UB313, nommée ErisEris (originellement Xena).

    Cette dernière est particulièrement intéressante. Par sa taille, d'abord, que des observations au moyen du télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble ont permis d'estimer à 2400 km de diamètre, alors que Pluton ne mesure que 2320 km. Mais surtout, Eris possède un petit satellite, Dysnomia.

    Deux chercheurs du California Institute of Technology, Pasadena (Caltech), Michael Brown et Emily Schaller, ont observe cette petite lunelune durant sept nuits en 2005 et 2006 au moyen du KeckKeck Observatory à Hawaii ainsi que de Hubble. Ils ont pu déterminer que Dysnomia se trouve sur une orbite presque circulaire parcourue en 16 jours, et que le rapport de massemasse entre les deux astresastres est de 16. Partant de là, la masse précise d'Eris a pu être calculée, et équivaut à 17 millions de trillions de tonnes, soit 27 % de plus que Pluton, ce qui implique une densité moyenne de 2,3 grammes par centimètre cube. Cette valeur rapproche Eris de Pluton et suggère une origine commune, ce qui conforte la théorie selon laquelle la ceinture de Kuiper serait le vestige du nuage d'accrétionaccrétion ayant donné naissance au Système solaire.

    L'orbite quasiment circulaire de Dysnomia autour d'Eris ne surprend pas les astronomes, qu'ils considèrent comme typique dans le cas d'un corps capturé à la suite d'une collision. Dans le cas d'uns capture par simple action gravitationnelle, on s'attend en effet à observer une orbite fortement elliptique. Mais cela soulève un mystère. Une collision d'objets aussi massifs doit obligatoirement produire d'autres débris, or aucun n'apparaît dans le système Eris-Dysnomia.

    Pluton elle-même possède trois satellites, CharonCharon et deux autres objets plus récemment découverts, parcourant le même type d'orbite. Une autre planète naine, 2003 EL61, possède, elle, de multiples satellites.

    "Nous avons consacré de nombreuses heures à scruter Eris au moyen du télescope spatial Hubble, pensant que nous allions découvrir d'autres objets en orbite autour d'Eris mais nous n'avons rien aperçu", déclare Michael Brown, en ajoutant que les recherches allaient se poursuivre.

    En attendant, l'observation des planètes naines et de leurs satellites constitue un nouveau secteur d'activité pour les astronomes, et le fait que la plupart de ces systèmes aient été engendrés par les multiples collisions qui se produisent au sein de cette ceinture laisse entrevoir une étude statistique qui pourrait avoir d'intéressantes répercussions sur la compréhension du Système solaire et de sa formation. Les théories les plus récentes attribuent une origine similaire à la Lune, qui serait née suite à une collision avec la Terre, et dont les détails nous échappent encore. L'observation des objets les plus lointains permettra peut-être ainsi de mieux appréhender la nature du plus proche d'entre eux.

    Sources : Science (vol. 316, p 1585), Caltech, Hubble, NewScientist.