Des chercheurs américains et chinois ont découvert, à leur grand étonnement, que la ressemblance entre les fonctions d'écholocation des dauphins et des chauves-souris descendent jusqu’au niveau moléculaire ! Pourtant baleines à dents et chiroptères ont une histoire évolutive distincte.

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    Cette chauve-souris (Eptesicus fuscus fuscus) de la famille des Vespertilionidés fait partie des chiroptères qui utilisent l’écholocation pour trouver leurs proies. © Matt Reinbold CC by-sa

    Cette chauve-souris (Eptesicus fuscus fuscus) de la famille des Vespertilionidés fait partie des chiroptères qui utilisent l’écholocation pour trouver leurs proies. © Matt Reinbold CC by-sa

    Les chiroptères (chauves-souris) et les cétacés ont développé au cours de l'évolution une capacité particulière qui leur permet de détecter des objets, obstacles ou proies, dans l'obscurité. Il s'agit de l'écholocation. Cette perception singulière est basée sur l'émissionémission d'ondes sonoresondes sonores et l'analyse des ondes renvoyées (écho) par l'objet, pour le détecter, le localiser voire l'étudier.

    Toutes les chauves-souris et tous les cétacés n'utilisent pas pour autant l'écholocation. En fait, seuls les microchiroptères et les odontocètes (baleines à dentsbaleines à dents) ont véritablement développé ce sens.

    L'équipe de Jianzhi Zhang de l'Université du Michigan, avec le concours de l'Institut de Zoologie Kunming (Chine) s'est penchée sur le gènegène qui code pour une protéineprotéine essentielle à l'audition et à l'amplification des sons, la prestine.

    Cette prestine, située dans les cellules ciliées de la cochlée, joue le rôle d'amplificateur dans l'oreille interneoreille interne en modifiant la longueur des cilscils sensitifs de ces cellules en réponse à certaines longueurs d'ondelongueurs d'onde. Elle tient donc un rôle majeur dans le mécanisme moléculaire de l'écholocation.

    Cliquer sur l'image pour voir l'animation. Chez les odontocètes, les sons sont émis (en vert) par le melon du crâne. Les os de la mâchoire captent l’écho (en rouge) produit par les objets, ici une proie, et le transmettent à l’oreille interne. © <a href="http://commons.wikimedia.org/wiki/User:Malene" target="_blank">Malene Thyssen</a> CC by-sa

    Cliquer sur l'image pour voir l'animation. Chez les odontocètes, les sons sont émis (en vert) par le melon du crâne. Les os de la mâchoire captent l’écho (en rouge) produit par les objets, ici une proie, et le transmettent à l’oreille interne. © Malene Thyssen CC by-sa

    A la grande surprise des chercheurs, il s'est révélé que dauphins et microchiroptères partageaient une protéine de prestine extrêmement similaire.

    Selon Jianzhi Zhang, le fait que « l'écholocation manifestement différente qui a évolué de manière indépendante chez les baleines et les chauves-souris ait le même mécanisme moléculaire » est un camouflet à la croyance que la convergence évolutive au niveau moléculaire est exceptionnelle.

    Pour parvenir à ce constat, les chercheurs ont analysé la séquence du gène de la prestine chez 25 espèces capables ou non d'utiliser l'écholocation. Ils ont ensuite construit un arbre évolutif à partir des similarités et des différences de cette séquence.

    Sur cet arbre, la proximité des espèces (branches de l'arbre) reflète la proximité évolutive. En ne considérant que la séquence de la prestine, il apparaît que le Grand DauphinGrand Dauphin (Tursiops sp) et les microchiroptères sont très proches, bien plus qu'ils ne le sont des espèces pourtant plus proches phylogénétiquement (par lien de parenté évolutif).

    Jianzhi Zhang : « That is shocking »

    Ces deux groupes de mammifèresmammifères, éloignés phylogénétiquement, ont donc acquis l'écholocation de manière indépendante et dans des contextes différents (l'airair et l'eau). C'est un exemple typique d'évolution convergente, curiosité bien connue des biologistes. La sélection naturellesélection naturelle a conduit à l'acquisition de structures ou d'aptitudes (ici l'écholocation) similaires dans des lignées évolutives différentes mais soumises à des conditions environnementales équivalentes (ici un fluide et des objets non visibles).

    Puisque que ces structures ou ces aptitudes similaires se développent à partir d'éléments biologiques différents, il est généralement admis que la convergence au niveau moléculaire est extrêmement rare.

    C'est pourtant le cas ici et cela a été confirmé par un second arbre évolutif, construit à partir des protéines de prestine des ancêtres mammaliens des espèces considérées. Une fois encore, il est apparu que les changements qui ont affecté cette protéine au cours de l'histoire sont partagés par le dauphin et les microchiroptères.

    « Nous pensons qu'il n'y a qu'un nombre limité de possibilités pour que la prestine puisse acquérir cette capacité » explique Jianzhi Zhang. Pour s'en assurer, il faudrait selon lui élargir l'étude de l'évolution de la prestine à d'autres espèces, en particulier d'odontocètes, et expérimenter sur des souris de laboratoiresouris de laboratoire le rôle des acides aminésacides aminés de la séquence du gène de la prestine.