L'extraordinaire résistance aux radiations d'une bactérie, Deinococcus radiodurans, lui a valu une célébrité mondiale et suscité quelques fantasmes. En octobre dernier, Miroslav Radman et son équipe avaient décrypté sa recette pour réparer son ADN mis en charpie. Aujourd'hui, une équipe américaine ajoute un nouvel ingrédient, le manganèse, et affirme que des protéines doivent jouer un rôle déterminant.

au sommaire


    Depuis qu'elle a été découverte, en 1956, barbotant en pleine forme dans des conserves traitées par une dose massive de radioactivitéradioactivité, la bactérie Deinococcus radiodurans n'en finit pas d'étonner les scientifiques. Cette championne de la survie résiste mieux que personne à tout ce que les organismes vivants abhorrent : les ultravioletsultraviolets, la radioactivité, l'eau oxygénéeeau oxygénée, l'acidité, le chaud (52 °C), le froid (-45 °C), le dessèchement et même le vide sans oublier l'absence de nourriture. On la trouve bien sûr dans des milieux aux conditions de vie très difficiles mais aussi... partout ailleurs car cette originale aime également le confort.

    Pour expliquer cette exceptionnelle résistancerésistance, et particulièrement celle aux rayonnements ionisants (cette bactérie tient le coup à 10 000 Gy - grays - alors que Escherichia coliEscherichia coli, une autre bactérie, périt à 60 Gy), on évoque depuis longtemps un mystérieux mécanisme de réparation de l'ADN, qui pourrait encore agir après la destruction quasi-totale des chromosomes et plasmides constituant son génomegénome. Pour décrire ce retour à une vie normale après ce qui serait un arrêt de mort chez les autres organismes vivants, on parle parfois de « résurrection ». Certains, fortement impressionnés, font même de cet être hors norme un extraterrestre : Deinococcus radiodurans nous serait venue de Mars ou d'ailleurs, transportée par une météoritemétéorite ou obligeamment déposée par une soucoupe volante. D'autres, et non des moindres, en font un candidat pour peupler la planète Mars, justement.

    Parmi eux figure Miroslav Radman, professeur à l'Université René DescartesRené Descartes (Paris) et directeur de l'Unité 571 de l'Inserm. En 2006, lui et son équipe ont démonté le mécanisme de réparation de l'ADN. L'opération se ferait en deux phases. La première reconstitue les parties détruites en se servant des morceaux d'ADN restants et en s'aidant d'une certaine redondance dans les gènesgènes. La seconde recombine l'ADN pour fabriquer de nouveaux chromosomes. Et le tour est joué.

    Elle résiste aux pires conditions de vie et reconstitue son ADN, même quand il est en grande partie détruit. Les secrets de cette bactérie sont bien gardés mais pourraient nous ouvrir de nouvelles pistes médicales.<br />Crédit  : Inserm

    Elle résiste aux pires conditions de vie et reconstitue son ADN, même quand il est en grande partie détruit. Les secrets de cette bactérie sont bien gardés mais pourraient nous ouvrir de nouvelles pistes médicales.
    Crédit : Inserm

    Des protéines au travail

    Mais comment fonctionne ce mécanisme ? Michael Daly (University of the Health Sciences, Bethesda, Maryland, Etats-Unis) n'a pas la réponse mais pointe l'importance de protéinesprotéines et du manganèsemanganèse. Il remarque que chez Deinococcus radiodurans, ce métalmétal est 300 fois plus abondant que dans les bactéries sensibles à la radioactivité. Dans un article à paraître en avril dans le magazine, PLoS Biology, lui et son équipe dévoilent l'existence d'un complexe chimique, utilisant le manganèse et dont la propriété est de détruire les radicaux libresradicaux libres, plus précisément ceux connus pour causer des dommages aux protéines mais pas à l'ADN. Or, note Michael Daly, « les protéines des bactéries sensibles aux radiations sont beaucoup plus sensibles que l'ADN ».

    Son idée est donc que la réparation de l'ADN passe par la protection des protéines. Cité par Science, David Thaler, un microbiologiste de l'université Rockefeller (New York), suggère que le manganèse pourrait améliorer la capacité de certaines protéines à réparer l'ADN. Pour l'instant, il reste à en savoir plus sur ce complexe chimique. Michael Daly s'est lancé sur cette piste. La suite, donc, au prochain épisode...