Le vibrion cholérique, la bactérie responsable du choléra, est rendu pathogène par un de ses parasites, le virus CTX. Ce virus rend le vibrion capable de produire une toxine qui provoque les diarrhées mortelles du choléra. Des chercheurs du CNRS et de l'Institut Pasteur viennent de montrer, dans un travail publié dans Molecular Cell, quelle méthode astucieuse a adopté le bactériophage CTX pour se propager avec une grande efficacité au sein des bactéries responsables du choléra. Cette découverte ouvre des perspectives pour le développement de nouveaux outils thérapeutiques.

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    Cholera : comment un parasite rend une bactérie pathogène ?

    Cholera : comment un parasite rend une bactérie pathogène ?

    Le vibrion cholériquevibrion cholérique est la bactérie responsable du choléra. Tous les vibrions cholériques ne sont pas pathogènes. Pour devenir pathogène, le vibrion doit notamment acquérir la capacité à produire la toxine cholérique, qui est responsable des diarrhées mortelles du choléra. La capacité à produire cette toxine est transmise à la bactérie par un parasiteparasite astucieux, le bactériophagebactériophage CTX.

    Les bactériophages sont des virusvirus qui infectent les bactéries. Pour parasiter le vibrion cholérique, le bactériophage CTX intégre l'ensemble de son génomegénome dans celui de la bactérie, ce qui lui permet de profiter de la multiplication de son hôte pour se propager. En « échange », le vibrion acquiert la capacité à produire la toxine cholérique qui est encodée dans le génome du phage.

    Le génome de la plupart des bactéries, et notamment celui du vibrion cholérique, est composé de chromosomeschromosomes circulaires d'ADNADN double brindouble brin. Le génome du phage CTX se présente lui sous la forme d'un ADN circulaire simple brin. Les chercheurs du CNRS et de l'Institut Pasteur viennent de montrer par quel mécanisme le phage CTX « pirate » la machinerie cellulaire de la bactérie pour permettre l'intégration de son génome malgré cette différence de structure.

    Ils ont mis en évidence qu'une région de l'ADN viral simple brin se replie sur elle-même pour former une tige d'ADN double brin. Cette tige imite le site d'action d'enzymesenzymes bactériennes spécialisées dans la recombinaisonrecombinaison de l'ADN double brin et qui servent normalement au maintien de l'intégritéintégrité du génome du vibrion. Ces enzymes sont capables d'échanger les extrémités de deux fragments d'ADN distincts. On parle de croisement d'ADN ou « crossing over ». Leurrées par l'imitation du virus, les enzymes vont croiser l'ADN viral simple brin avec le génome bactérien double brin, induisant ainsi l'intégration du génome viral dans un des deux brins d'ADN du génome bactérien. Ensuite, la bactérie copie la région d'ADN viral sur le brin opposé pour rétablir la structure double brin de son génome, ce qui va masquer la tige d'ADN viral qui a servi de cible de recombinaison. Les enzymes de la bactérie responsables du croisement ne pourront alors plus extraire l'ADN viral du génome bactérien par un croisement inverse. Le phage réussit ainsi une modification génétiquegénétique de la bactérie à sens unique. C'est là tout l'intérêt de ce mécanisme d'intégration pour le virus.

    Tout comme le bactériophage CTX, de nombreux autres « parasites » des bactéries sont responsables de la dissémination dans les bactéries de gènesgènes les rendant infectieuses ou résistantes à des antibiotiquesantibiotiques. Le mécanisme d'intégration du phage CTX pourrait s'appliquer à bon nombre de ces parasites. Les chercheurs de l'Institut Pasteur ont notamment montré qu'un mécanisme similaire expliquerait l'acquisition de multiples résistancesrésistances par les bactéries à Gram negatif, telles que les enterobactéries, les pseudomonades et les vibrions. Ces travaux pourraient permettre de développer de nouveaux outils thérapeutiques contre les bactéries pathogènes et de lutter contre la propagation de souches microbiennes multirésistantes.