Les tout derniers résultats scientifiques sur les grandes vagues migratoires humaines à partir de l'Afrique viennent d'être publiés. Retour sur deux millions d'années d'histoire de l'homme.

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    Nos ancêtres ont progressé à travers le monde à la faveur des variations climatiques, profitant des périodes glaciaires pour franchir les mers...à pied !© S. Legrand/France

    Nos ancêtres ont progressé à travers le monde à la faveur des variations climatiques, profitant des périodes glaciaires pour franchir les mers...à pied !© S. Legrand/France

    De quelle manière l'homme a-t-il occupé l'ancien monde ? C'est la question qui préoccupe depuis des années les chercheurs de l'équipe « Les hominidés au quaternaire : milieux et comportements »(1) du département de Préhistoire du Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle à Paris.(2) « Nous travaillons sur les témoignages les plus anciens de la sortie de l'homme d'Afrique, explique la préhistorienne Marie-Hélène Moncel (3), coresponsable de l'équipe. Nous essayons de préciser les modalités de ce peuplement et de mettre en évidence les voies de migration qui ont conduit les hommes à occuper dans un premier temps l'Asie, puis l'Europe du Sud et enfin l'Europe du Nord. » Et les chercheurs d'élargir le champ de leurs intérêts : quelles ont été leurs étapes, leurs comportements, leur environnement et leurs modes de vie ?

    Les premiers peuplements humains hors d'Afrique et leurs vagues migratoires à travers le monde sont connus. Mais dans les grands traits seulement. Le site le plus ancien situé hors d'Afrique, à Dmanisi en Géorgie, remonte à - 1,8 million d'années. Il atteste que l'homme est aux portesportes de l'Europe et de l'Asie dès cette période. Out of Africa : l'homme est bel et bien sorti de l'Afrique ! Le voilà au début d'une aventure qui n'est toujours pas finie... 200 000 ans plus tard, vers - 1,6 million d'années, on le retrouve en Asie. À partir de là, le mystère s'épaissit... On ne retrouve des traces d'occupations humaines en Europe qu'aux alentours de - 1,3 million d'années. Par quels chemins les hommes sont-ils parvenus jusque-là ? Se sont-ils déplacés de l'Asie vers l'Europe ou y a-t-il eu une nouvelle vague de colonisation humaine, de ­nouveau à partir de l'Afrique, en passant par le détroit de Gibraltar ou par le couloir levantin, et s'installant dans un premier temps en Europe du Sud ? « À ce stade des connaissances, il est impossible de tirer de conclusions définitives, explique Marie-Hélène Moncel. On ne peut que supposer quelles ont été les trajectoires de ces premiers hommes en Eurasie. Il faut attendre de nouvelles découvertes. Nous ne disposons que de quelques sites en plein airair, et de quelques grottes en Espagne, Italie, France, alors que certaines zones d'Asie livrent plus de témoignages. Les sites deviennent en revanche plus nombreux vers - 600 000 ans, avec l'arrivée, en Europe de l'Ouest et du Sud, et au Proche-Orient, de groupes humains porteurs d'un nouvel outil, le biface. »

    Pénurie de témoignages directs ? Qu'importe, l'équipe du Muséum, pluridisciplinaire, exploite des dizaines de données tout aussi importantes les unes que les autres pour retrouver l'environnement et la chronologie de ces premiers occupants. « Nous utilisons tout ce qui est possible sur un site, assure Marie-Hélène Moncel. L'outillage, la faune, les types de sites occupés, les stratégies de subsistance, et même le climat nous parlent de ces hommes et de leur cadre de vie. » Car ils ne s'y sont certainement pas implantés au hasard. Lorsqu'ils sont sortis d'Afrique en effet, les chercheurs savent que ces premiers hommes n'ont pas colonisé les hautes latitudeslatitudes, mais se sont installés dans des biotopesbiotopes proches de ceux qu'ils connaissaient en Afrique à la même période. « Et ils ont continué leur progression, à la faveur des variations climatiques, abordant des îles lointaines lors des périodes plus froides, comme celles de l'Asie du Sud-Est (JavaJava en Indonésie) dès - 1,6 million d'années, poursuit la préhistorienne. Grâce à la baisse du niveau marin, ils ont traversé à pied et à sec. » Ainsi, entre - 60 000 et - 50 000 ans, les glaciationsglaciations ont fait de l'Australie, de la Nouvelle-Guinée et de la Tasmanie une île unique. Les hommes traversent alors un bras de mer de 80 kilomètres pour atteindre l'Australie, abordant cette île-continent, en haute mer, sur de simples radeaux. Plus tard, entre 30 000 et 15 000 ans avant notre ère, ces éternels pionniers pousseront jusqu'en Amérique, franchissant le détroit de Béring. À pied... Une épopée aussi naturelle qu'incroyable. Avec ­l'Amérique, ils auront presque tout peuplé. Puis bien plus tard, ils coloniseront peu à peu ­l'Océanie, et alors la planète sera occupée.

    À la fin du PléistocènePléistocène, il y a 12 000 ans, l'homme connaît la fin de la dernière glaciation. Les conséquences écologiques de ce réchauffement climatiqueréchauffement climatique vont bouleverser les grandes migrations humaines : les deux tiers de la glace arctiquearctique fondent, le niveau des océans monte d'au moins 120 mètres, séparant l'Amérique du Nord de l'Asie de l'Est, isolant le Japon, l'Indonésie ainsi que d'autres îles asiatiques. C'est le début d'une nouvelle histoire. D'une nouvelle ère. Celle de la sédentarisation, de la domesticationdomestication animale et de l'agricultureagriculture.

    Camille Lamotte

    . Équipe CNRS / MNHN. Ses résultats sont publiés dans les actes d'un colloque international organisé par cette équipe : « Les premiers peuplements en Europe. Données récentes ».
    2. Le laboratoire coordonne plusieurs projets internationaux scientifiques, pédagogiques et patrimoniaux, dont le projet Asia-Link Hopsea (Human Origins Patrimony in Southeast Asia), alliant trois pays européens et deux d'Asie du Sud-Est.
    3. Elle est spécialiste du peuplement néandertalien en Europe depuis son origine jusqu'à son extinction, entre - 450 000 et - 30 000 ans.

    Contacts :

    « Les hominidés au quaternaire : milieux et comportements », Paris
    Marie-Hélène Moncel
    [email protected]

    François SémahFrançois Sémah
    [email protected]